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tome 1, Chapitre 7 « Walter » tome 1, Chapitre 7

-Du sirop d’érable ? Quelle idée fantastique! Je me souviens que Belly et moi, nous avions l’habitude d’ajouter quelques ingrédients de notre composition à la pâte, le genre de choses qui ouvrent l'esprit aux infinies possibilités de notre monde, vous voyez, et…

Pendant qu'il décrivait cette scène, l'image se forma clairement devant les yeux de Walter, comme s’il y était. Lui et William Bell, discutant l’existence de mondes parallèles, ici-même, il y avait plus de vingt-cinq ans de cela...

Walter avait souvent du mal à se remémorer des évènements datant d’avant son internement à Ste Claire, mais les souvenirs étaient toujours bien là, quelque part dans son cerveau, nets et précis. C’est juste qu’ils étaient comme fragmentés, déliés les uns des autres. Lorsqu'il cherchait sciemment à s'en rappeler, ils lui échappaient, mais souvent, la mémoire sensorielle lui en faisait retrouver inopinément le chemin. Que quelque chose lui évoque une odeur familière de cette époque, le goût d’un aliment, une chanson,… et il repartait brusquement vers ce passé rempli du pire et du meilleur de ce qu'il avait fait dans sa vie. Il se tenait juste là, une patisserie maison à la main, quand Belly avait émis la théorie que…

-Walter ? , dit Peter d’un ton quasiment paternaliste, je crois que tu t’égares un peu.

-Ho. C'est exact, fils. Excuse-moi.

Peter avait parfaitement raison. Ce n’était pas Walter qui était censé raconter sa vie, en ce moment. L’aimable conversation amorcée avec Mr Crocker n'était qu'un stratagème et il l'avait un peu perdu de vue. N’empêche, Walter ne manquerait pas de demander au jeune homme cette recette de gaufres au sirop d’érable avant qu’il ne reparte. En admettant qu’il veuille encore bien la lui donner quand il aurait compris le vilain tour qu’on était en train de lui jouer.

-Si vous passez à Haven un jour, il faudra que vous veniez au Grey Gull et je vous en ferai goûter, dit justement Duke comme s’il lisait dans les pensées du vieil homme.

Il parlait sans quitter des yeux l’appareil que Walter lui avait demandé de fixer. Il ignorait totalement que cet engin était en réalité fait pour le plonger dans un état de conscience modifié. Cependant, il semblait que quelque chose en lui résistait à la procédure, ainsi que le montraient les tracés d'ondes cérébrales qui filaient sur un écran que surveillait Walter tout en lui faisant la conversation.

C’était Peter, bizarrement, qui avait eu l’idée d’utiliser sur leur « invité » l’une des techniques d’hypnose légère chères au docteur Bishop. Il ne s'agissait pas d'endormir le sujet, seulement la partie du cerveau qui gère certaines inhibitions. Une combinaison adéquate de certaines drogues et de stimulus lumineux donnait de très bons résultats, ainsi que Walter l'avait démontré auparavant.

-Walter, avait donc dit Peter alors que Mr Crocker, victime d’un petit incident avec un milkshake, se trouvait dans la salle d’eau en train de nettoyer un peu les dégâts - tu sais que je désapprouve totalement quand tu joues avec ces « substances récréatives » que tu affectionnes. Mais en l'occurrence, je pense que tes méthodes pourraient être utiles.

Quand Astrid avait ensuite ramené Duke auprès d'eux, celui-ci ne s’était pas montré beaucoup plus étonné par le fait de devoir regarder fixement des tas de petites ampoules clignotantes que par le couvre-chef plutôt original dont Walter l’avait alors affublé pour capter les réactions de son cerveau au stimulus visuel.

Il avait tout de même commenté que ce casque ressemblait à un hérisson de métal emberlificoté dans plusieurs pelotes de fils électrique, puis avait terminé ce qui restait de son milkshake sans se douter que celui-ci avait été « amélioré » en son absence. Et mis à part le fait qu'il avait refusé tout net qu'on touche à une seule de ses mêches de cheveux alors que Walter prétendait que sa tignasse gênait l'adhérence du casque, il s’était plié à ces nouvelles excentricités sans trop faire d’histoires. Il ne restait plus qu’à attendre que l’effet combiné des drogues et des lumières fasse effet.

-Vert, vert,vert,rouge,vert,vert,vert,rouge, fit Duke qui continuait à suivre le clignotement des ampoules. C’est un peu lassant, votre truc.

Walter jeta un œil au tracé sur le moniteur et se pencha vers son assistante.

-Je continue à dire, fit-il à mi-voix, qu'on aurait des courbes plus significatives si les sondes étaient placées directement en contact avec le cerveau. Il suffirait de deux minuscules percées dans l’os frontal.

-Walter, répondit Astrid fermement, je suis positivement certaine qu’Olivia veut récupérer Mr Crocker dans l’état où elle vous l’a laissé, c’est-à-dire sans trous dans le crâne, minuscules ou pas.

Walter grommela quelque chose d'indistinct à propos des sacrifices à faire au nom de la science, et se saisit d'un bâton de réglisse qui trainait à proximité pour en mordre rageusement une bouchée.

Peter jeta un regard mi-amusé, mi-désapprobateur à son père avant de se tourner à nouveau vers Duke.

-Et donc, vous possédez un restaurant ? Je ne vous imaginais pas du tout dans ce genre de business. C'est un héritage ?

-En fait, c’est plutôt un bar, mais on fait un peu de restauration aussi. Et je n'en ai pas hérité, je l'ai acheté pour vingt malheureux dollars à son ancien propriétaire.

-Non ? , dit Peter d'un ton faussement incrédule. Vingt dollars ? Comment vous avez réussi ce coup-là ?

-Ho, il n'y avait même pas d'arnaque, le gars venait de découvrir qu’il était infecté et il voulait quitter Haven au plus vite, prendre un nouveau départ.

Peter fronça les sourcils.

- De découvrir qu’il était quoi ?

Il y eut quelques instants de silence.

-Infecté, finit par répéter Duke d'une voix légèrement hésitante.

Walter et Peter jetèrent de concert un regard vers le moniteur, puis s'adressèrent un hochement de tête mutuel. On y était.

Une demi-heure plus tard, Peter laissait l'honneur à son père de raconter lui-même par téléphone à Olivia ce qu'ils avaient pu tirer du suspect.

-Il ne ment pas, affirmait en conclusion le scientifique d'une voix ferme. Ou en tous cas, ce qu'il dit est la vérité telle qu'il la perçoit.

-C'est-à-dire ?, demanda Olivia d'un ton perplexe.

-Il y a forcément une origine autre que surnaturelle à ce qui se produit dans cette ville. Mais Mr Crocker n'en connait pas la cause, de toute évidence. Et il est persuadé que c'est ce qu'il appelle un infecté qui est responsable du vortex qui s'est ouvert ce matin.

-Ce pourrait être l'homme qu'ils sont venus chercher à Boston, répondit la jeune femme. On l'a vu sortir du bar lors de l'incident d'il y a deux jours.

-Oui, c'est ce que pense notre invité. Il dit que ces « infections » se déclenchent généralement via des états émotionnels forts. Si l'homme qu'ils cherchent est vraiment en danger de mort, il aurait pu selon lui ouvrir ce vortex en réaction à la peur. Et s'en servir pour prendre la fuite.

-Et le blessé ? Il vous a dit s'il le connaissait ?

-Curieusement, il oppose plus de résistance sur ce sujet-là, intervint Peter qui suivait la conversation se déroulant sur haut-parleur. Mais il nous a expliqué que les personnes portant le tatouage qu'arbore cet homme sont des infectés qui viennent en aide à leurs semblables, y compris à ceux qui quittent Haven. Notre inconnu aurait donc pris une balle en tentant de protéger Archer de son agresseur.

-Mais il n'y avait aucune trace de cet agresseur sur place, rétorqua Olivia.

-Il aurait pu avoir le temps de suivre sa cible par le vortex, proposa Peter. En tous cas, tout cela expliquerait plus ou moins l'affaire du bar. Archer se serait déjà trouvé en danger cette fois-là, alors qu'il se trouvait dans une forêt, et il aurait atterri là grâce à cette espèce de don.

-Possible. Bien, je vais chercher à confirmer toute cette histoire avec les deux policiers de cette charmante bourgade que j'ai sous la main et je vous tiens au courant. Encore merci à vous deux.

Cela termina la conversation. Walter tourna le regard vers Duke, qui reprenait lentement ses esprits, réalisait progressivement ce qui s'était passé et se plaignait à Astrid d'un mal de tête lancinant.

-Il faudrait faire d'autres tests, marmonna le scientifique en se dirigeant vers lui. Il doit forcément y avoir une autre explication.

-Ho, ho, Walter, fit Peter avec un geste pour le retenir. Si tu le laissais un peu récupérer ? On va attendre des nouvelles d'Olivia pour décider de ce qu'on fait ensuite, d'accord ?

Mais Walter continuait à réfléchir tout haut comme s'il ne l'entendait même pas.

-Une anomalie structurelle dans le tissu de la réalité qui se situerait dans cette ville, ou simplement une technologie plus avancée...

-Une seconde, l'interrompit Peter. Tu penses de nouveau à ceux de "l'autre côté", c'est ça ? Mr Crocker a dit que ces phénomènes durent depuis des centaines d'années à Haven, je crois que cela exclut cette possibilité. Et je sais qu'on en connait peu sur nos ennemis, mais çà ne ressemble pas à ce qu'ils sont capables de faire, même si on sait qu'ils sont plus évolués technologiquement.

Le visage de Walter s'assombrit. Plus évolués technologiquement. Une phrase qu'il connaissait bien et qui le ramena à nouveau vers le passé pour une scène moins joyeuse que celle qui lui était revenue un peu plus tôt... Ils sont plus évolués technologiquement. On pourrait gagner des années de recherches en copiant leurs découvertes. C'était l'un des arguments de Belly pour continuer leurs recherches, à l'époque, lorsque leurs théories sur les univers parallèles s'étaient muées en réalité avérée.

La vérité, c'est que même si les souvenirs de Walter étaient embrouillés, il en savait bien plus que ses amis à propos de "l'autre côté". Et il n'avait pas le droit ou le courage de le leur dire. En particulier à Peter.

Mais celui-ci avait raison, en l'occurrence. Ces « infections » ne ressemblaient pas à quelque chose qu'ils auraient pu créer. Pourtant Walter n'arrivait pas à s'ôter de la tête qu'il y avait un lien. Car si vraiment, l'autre côté n'avait rien à voir avec cette affaire, alors pourquoi diable, ce matin, le détecteur qu'avait confectionné Walter pour repérer leurs tentatives d'intrusion avait-il réagi à la formation du vortex ?


Texte publié par Spacym, 17 juin 2015 à 08h53
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