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tome 1, Chapitre 6 « Nathan » tome 1, Chapitre 6

- Ne vous inquiétez pas, disait l'agent Dunham à Audrey qui s'étonnait que Duke ne soit pas avec elle, votre ami passe actuellement quelques tests médicaux mais il va très bien . Vous le récupérerez bientôt.

-Ho, vous pouvez le garder, ne put s'empêcher de marmonner Nathan, ce qui lui valut immédiatement une pichenette dans le cou de la part de sa partenaire, en représailles pour le mauvais esprit dont il avait fait preuve toute la journée.

Olivia marchait devant eux pour les mener jusqu'à une salle de réunion, elle se retourna en entendant le discret Ouille! qui s'ensuivit. Un léger sourire éclaira brièvement son visage lorsqu'elle vit Nathan se frotter la nuque.

-Vous ne l'aimez pas beaucoup, on dirait, fit-elle en s'adressant à lui. Je dois dire que j'ai été surprise, au vu de son casier, que la police de votre ville l'accepte comme consultant.

Ils étaient arrivés à destination et c'est tout en s'asseyant que Nathan répondit en mots bien choisis et avec l'air de celui qui admet quelque chose à contrecoeur.

-Je ne l'apprécie pas trop, c'est vrai. Mais c’est aussi vrai que…qu’il nous est souvent utile. Et n’allez pas lui répéter que j’ai dit ça, ajouta-t-il ensuite d’un ton plus léger.

-J’imagine qu’il peut être une source d’information intéressante quand il accepte de coopérer. L'utiliser comme indic, je pourrais comprendre, rétorqua Olivia. Mais que vous l’emmeniez sur ce genre d’enquête, je vous avouerai que je n'en saisis pas bien le pourquoi.

Nathan regarda Audrey pour l’inviter à répondre. Après tout c’était elle qui avait permis cela.

-Il a proposé lui-même de nous accompagner, expliqua-t-elle avec conviction. Je trouve que son souhait de nous donner un coup de main est une bonne chose. J'ai donc accepté. Je crois que cela peut l'encourager à, disons, rester dans le droit chemin.

Imprégner ses mensonges d'une part de vérité, ça les rend plus crédibles, se dit Nathan avec amertume. Audrey ne mentait d'ailleurs pas vraiment, c’est juste que le "droit chemin" dont elle parlait avait une autre signification que celle qu'Olivia imaginait sans doute. Il ne s'agissait pas de tenter d'éloigner Duke de ses petits trafics, de lui inculquer l'habitude de payer ses taxes ou de lui faire appliquer une notion moins fluctuante du terme « marchandise illégale ». Non. Il s'agissait plutôt d'empêcher qu'il devienne ce que son père, son grand-père et tellement de générations de Crocker avant eux avaient été. Des tueurs en série, ni plus ni moins. Des chasseurs d'infectés.

D'après Nathan, c'était couru d'avance : Duke cèderait un jour ou l'autre à l'attrait du pouvoir que son infection lui procurait, même si pour l’instant il semblait sincèrement vouloir résister au destin tout tracé qui était le sien. Et Audrey, naturellement, était d'un autre avis sur le sujet. Non seulement parce qu'elle était amie avec Duke - depuis bien avant qu'il ne découvre le terrible secret des Crocker - mais aussi et surtout parce qu'elle avait en elle cet instinct qui la poussait toujours vers les personnes infectées. Elle les aidait à comprendre leur problème, à trouver le moyen de mieux tenir leurs capacités sous contrôle. Elle leur apprenait à vivre avec le fardeau qui était le leur. C'est bien simple, elle était faite pour protéger Haven et ses habitants. Littéralement.

Son don était une bénédiction pour la ville. Mais il signifiait aussi qu’elle ne pourrait pas y rester bien longtemps. Car les phénomènes surnaturels qui agitaient Haven obéissaient à un cycle immuable. Un jour prochain, ils allaient s’arrêter pour les 27 années à venir, et cela aussi mystérieusement qu’ils avaient commencé, quant à Audrey… Hé bien, Audrey disparaitrait en même temps qu'eux. Tout simplement. Cette perspective rendait Nathan furieux, d'autant qu'il ne pouvait pas faire quoique ce soit pour empêcher çà. En attendant le jour où il la perdrait, il n'avait d'autre choix que de se contenter de continuer à travailler à ses côtés, combattre avec elle les phénomènes, cacher au mieux les secrets de Haven au reste du monde...

Ce qui ne se faisait pas sans mal, en particulier dans cette salle d'interrogatoire en face de cette agent du FBI. Lui et Audrey avaient bien besoin de toute leur imagination et de leur calme pour lui dissimuler la vérité... Si l'agent Dunham sourcillait déjà au simple fait que Duke travaille avec eux, c'était mal parti.

Pourtant elle finit par laisser tomber cette question pour en venir au fait :

-Ce qui m’intéresse surtout, ce sont les détails de l’enquête qui vous amène à Boston. Il se pourrait qu'il y ait un lien avec mon affaire.

Audrey posa sur la table les éléments du dossier qu’ils avaient avec eux et les fit voir à Olivia.

-Deux meurtres, expliqua-t-elle en sortant diverses photos. Un corps calciné encore non identifié dans un entrepôt désaffecté. Le second cas est différent, on sait qui est la victime, et elle a été torturée avant son décès. Mais le corps a été brûlé lui aussi.

-Et quel est le lien avec ce Rob Archer que vous êtes venus chercher ici ?

-Il connaissait celui qui a été torturé. Et ce dernier lui a passé un coup de fil, dans une fourchette de temps au cours duquel, selon notre légiste, il était aux mains de son agresseur.

-On a pensé que son tortionnaire l’a forcé à appeler Archer, renchérit Nathan. Mais d’après les relevés, il n’a pas réussi à le joindre.

-Donc vous vous êtes dit que le meurtrier voulait peut-être attirer Archer dans un piège via son ami, conclut Olivia. Et qu’Archer est donc une future victime potentielle ?

Nathan et Audrey acquiescèrent en silence. Evidemment, toute cette affaire semblait parfaitement horrible mais « normale », du moins quand on se dispensait de mentionner les dégâts inexplicables que le légiste avait constatés sur le premier cadavre. L’agent Dunham examina encore les photos un moment puis elle soupira.

-Vous savez, sans vouloir donner raison aux policiers qui trouvent que le FBI se mêle trop souvent de critiquer leur travail, je ne comprends pas que vous n’ayez pas pris contact avec les forces de l’ordre de Boston pour qu’ils retrouvent cet homme pour vous.

Nathan lança un regard à sa partenaire. Ils savaient à quel point ils jouaient serré. Ils le savaient d'autant mieux que Duke avait pu les contacter avant leur entrevue avec l'agent Dunham et leur avait exposé en quelques mots la situation. Cette Olivia avait en fait assisté avec lui à ce qui ressemblait fort à l'oeuvre d'un infecté. Le blessé qui se trouvait sur les lieux portait le tatouage de La Garde, ce qui laissait entrevoir qu’Archer se savait en danger et avait demandé l’aide de cette organisation qui protège les infectés expatriés de Haven. Mais aucune trace ni de l’assassin ni d’Archer sur place. Duke jurait ses Grands Dieux n’avoir rien fait de mal, mais dans le même temps il avouait que l’agent Dunham l’avait surpris en pleine « crise », ce qui rendait ses protestations d’innocence encore moins crédibles aux yeux de Nathan.

Duke n'avait pas pu en dire beaucoup plus, il manquait de temps et devait aller à l'essentiel. Enfin, l'essentiel selon sa définition... Avant de raccrocher, il avait quand même pris quelques secondes pour se plaindre d'avoir du tacher son plus beau gilet et l’une de ses chemises préférées en se renversant du milkshake dessus, afin de se créer une occasion de les appeler. Il commençait à se demander, disait-il, s’il ne devrait pas réellement réclamer un statut de consultant afin de pouvoir se faire rembourser certains frais qu’engendraient ses coups de mains désintéressés. Nathan avait eu envie de lui faire remarquer qu'une vision de lui sirotant un dessert glacé cadrait assez mal avec les « tortures » qu'il subissait dans ce « labo digne de Frankenstein », s'il fallait en croire ce qu'il leur racontait deux minutes plus tôt.

A priori, il n’y avait pas de danger que ce Dr Bishop dont avait parlé Duke découvre quoique ce soit via ces analyses. Nathan était bien placé pour le savoir, étant donné tous les examens médicaux qu’il avait passé dans sa vie : le fait d'être infecté ne se voyait à aucun symptôme concret. Le problème était d'ordre surnaturel, sans cause tangible chez les personnes qui en souffraient. Avec un peu de chance, faute de trouver quoique ce soit, l'agent Dunham devrait finir par croire que ses yeux lui avaient joué des tours concernant Duke. Quant au reste... Nathan et Audrey s'étaient mis d'accord pour feindre l'ignorance sur tous les points bizarres de la scène de crime mais jouer franc jeu sur les éléments "normaux" de leur enquête. Et tant pis si cela impliquait de devoir faire semblant de ne pas être très compétent dans leur job.

-Nous aurions peut-être dû demander l’aide de la police de Boston effectivement, répondit donc Nathan avec une note d’humilité et de naïveté dans la voix. Cependant, vous vous rendez compte que c’est une piste plutôt vague. On voulait la défricher nous-mêmes d'abord.

Olivia semblait réfléchir au bien-fondé de leur raisonnement. Audrey en profita pour faire un peu changer l’interrogatoire de camp.

-Vous ne nous avez pas dit grand-chose sur l’affaire qui vous occupe, vous. Quel lien pensez-vous qu’il puisse y avoir avec la nôtre?

Olivia activa la tablette qu’elle avait amenée avec elle et leur montra des clichés pris par une caméra de sécurité, à en juger par le grain de l’image.

-Ceci est l’entrée d’un bar où s’est produit un incident qui a fait deux victimes, il y a deux jours, expliqua-t-elle. L’homme que vous voyez là a fui les lieux et on ne l'a pas retrouvé. La qualité de l’image était insuffisante pour l'identifier. Mais lorsque vous m’avez donné le nom d’Archer tout à l’heure par téléphone, j’ai fait une recherche à son propos et...

Elle fit s'afficher l’image du bar et une photo d'Archer l’une à côté de l’autre sur l’écran et le leur montra.

-Oui, on dirait que c’est Archer qui sort de ce bar, fit Nathan avec intérêt. Qu’est-ce qui s’est passé exactement là-bas ?

-Je n’ai pas la liberté de vous divulguer ces informations, répondit Olivia. Mais ça prouve que nos cas sont bien liés.

C’est quand même trop facile, pensa Nathan. Elle aussi cache des choses, mais elle n’a même pas à se creuser la tête pour trouver comment nous les dissimuler.

-Et je crois donc que nous devrions collaborer, reprit la jeune femme, je vais m’entretenir avec mon supérieur, voir avec lui quel niveau d'accès je peux vous donner aux éléments de l'enquête.

Elle quitta la pièce et les laissa seuls un bon moment. Ils se gardèrent évidemment bien de commenter entre eux la tournure que prenait l'entrevue, au cas où elle serait en train de les écouter. Mais plus le temps passait, plus l'impression relativement positive qu'ils avaient eu s'estompait.

Olivia reparut enfin, des dossiers à la main, et se rassit face à eux.

-Bien. Figurez-vous qu'on vient de me dire que votre ami semble se décider à devenir coopératif. Il raconte un tas de choses intéressantes.

-Ca m'étonne, fit Audrey d'un ton joyeux mais un peu forcé. Nathan et moi, on a plus ou moins établi une relation de confiance avec lui, mais sa règle de conduite habituelle, c'est qu'il ne parle pas aux flics, y compris ceux qui lui plaisent bien. Ce sont ses propres mots.

-Et quand il parle, c'est pour raconter des bobards, renchérit Nathan.

-Si vous le dites, répondit Olivia d'un ton neutre.

Elle se mit à feuilleter quelques feuilles du dossier devant elle.

-Il raconte effectivement des choses bizarres, parait-il, mais peut-être que c'est l'influence de vivre dans une ville où il se passe autant d'évènements un peu étranges. Voyons ça... ho ! Tempêtes de grelons en plein moins de juin... Rupture de canalisation entrainant l'effondrement d'un bâtiment... Fuite de gaz réduisant une maison en poussière. Hallucinations collectives dûes à... ? Tiens, une autre fuite de gaz. Il y a vraiment des problèmes de vétusté des conduites, chez vous.

Nathan haussa les épaules d'un air dégagé.

-Quel rapport avec nos enquêtes respectives?

-Disons que je sais reconnaître quand les autorités essaient de cacher un problème par des explications toutes faites, lieutenant Wuornos. Et soit dit en passant, vous pourriez varier un peu.

-Ecoutez, ...commença Audrey.

-Non, c'est à vous de m'écouter. Je n'ai peut-être pas été totalement honnête avec vous. La division du FBI à laquelle j'appartiens est spécifiquement destinée à traiter des affaires dans le domaine des pseudo-sciences. Les phénomènes inexpliqués, c'est mon rayon. Inventer des explications plausibles pour ne pas effrayer la population, je sais ce que c'est.

Nathan pensa qu'elle n'allait plus lâcher l'affaire, mais il inspira profondément et tenta encore de la faire changer d'avis.

-Je ne sais pas ce que Duke a pu raconter à vos collègues, agent Dunham, mais vous ne devez y accorder aucun crédit. Je vous assure. Ce type ment comme il respire.

Le regard d'Olivia voyagea de Nathan à Audrey pendant quelques secondes.

-Ce n'est pas à mes collègues que Mr Crocker parle en ce moment. C'est à mes consultants. Et l'un d'eux est capable de faire parler même des cadavres. Littéralement. Alors soit vous voulez que je vous emmène le voir vous aussi, soit vous vous décidez à arrêter de me faire perdre mon temps et à me dire si les morts sur lesquels j'enquête sont dûes à...

Elle s'interrompit, l'air concentré, les yeux étrécis comme si elle cherchait à se rappeler un mot.

-Comment votre ami appelle-t-il cela déjà ? Ha oui... si ces morts sont dûes aux agissements d'un infecté.


Texte publié par Spacym, 16 juin 2015 à 19h54
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