- Vous comptez me torturer à coup de cours ennuyeux pour me faire parler?, protestait bruyamment Duke alors que l'agent Dunham et son consultant le menaient à travers les couloirs de Harvard.
Il s'était attendu à être conduit aux locaux du FBI, ou mieux, à l'hôpital, puisque cette Olivia tenait tant à le faire examiner. Avec un peu de chance il aurait d'ailleurs pu profiter de cela pour trouver un moyen de contacter Audrey. Mais que cette fille le traîne dans les sous-sols d'une université pour l'interroger et lui faire passer ces tests médicaux, ça... il devait admettre qu'on ne lui avait encore jamais fait ce coup-là. Une grande première pour lui. Une dont il se serait bien passé.
Ceci dit, c'était en grande partie sa faute, ce qui arrivait. C'est bien simple, à la minute où il avait aperçu le symbole gravé sur la façade de cette baraque tout à l'heure, il aurait dû faire demi-tour et appeler Audrey. Au lieu de cela, il avait enchainé les imprudences, jusqu’à se laisser surprendre là par cette agent du FBI, alors qu’il venait de toucher par inadvertance une goutte de sang de la victime... Il n'était pas sûr qu'Olivia ait réalisé que quelque chose clochait chez lui au moment où elle l’avait trouvé, mais à tout hasard, il préférait éluder toute question.
Et malgré qu'elle ait l'air surprenamment aguerrie aux choses étranges, il se voyait mal lui tenir un discours qui donnerait à peu près ça : Vous voulez la vérité, vraiment? Hé bien accrochez-vous... Dans le bled d'où je viens, il y a tout un tas de gens qui ont des pouvoirs surnaturels. Pas des trucs sympas style super héros, non, ce serait trop facile. Plutôt des capacités dangereuses et incontrôlables. Chez nous, on appelle ça être « infecté » . Et je le suis, si vous voulez savoir… et la personne que je cherchais là-bas, aussi. Et même le tueur qui est aux trousses de celui que je cherchais l’est également. Enfin bref, tout ça concerne Haven alors laissez notre police régler cette histoire, d’accord ?
Qui ne le prendrait pas pour un cinglé en entendant un truc pareil? Il valait mieux qu'il se taise et qu'il tâche de trouver un moyen de prévenir Audrey et Nathan que cette Olivia avait vu certaines choses, avant qu'elle ne les rencontre. Pendant qu'il cogitait là-dessus (sans cesser de protester bien haut en même temps, question d'habitude) , ils étaient arrivés à destination. Olivia ouvrit une porte, et lui fit signe d'entrer.
Malgré sa langue bien pendue, un simple coup d’œil à l’intérieur le fit taire un moment. De toutes façons d'ailleurs, il y régnait un bruit qui aurait sans doute couvert sa voix. Il parcourut du regard l’immense pièce en contrebas, les différentes tables de laboratoire encombrées d'un fourbis indescriptible, les engins tous plus étranges les uns que les autres, un truc qui ressemblait à un caisson de décompression dans un coin, l’enclos d’une vache bien vivante dans un autre,… Puis il jeta un regard interrogateur à Peter, qui sourit devant son ébahissement.
-Mon père, Walter Bishop, fit celui-ci d’une voix forte, en désignant le scientifique qui s’affairait au centre de la pièce. Et je me demande bien ce qu’il fabrique pour le moment, ajouta-t-il plus bas.
Walter ne les avait pas vus entrer. Il parlait tout seul en manipulant les boutons d'une console portative, qui de toute évidence commandait une espèce de système composés de puissants aimants et d'un genre de soufflerie cylindrique suspendue au plafond. L’ensemble était surprenant, mais pas autant que le fait qu’il y avait plusieurs objets suspendus dans les airs au dessus de la table. Vu la composition du système, il semblait évident qu’un champ magnétique causait cela, sauf qu’on pouvait se demander comment le scientifique s’y était pris pour aimanter les tomates et les sandwiches qui figuraient parmi les choses qui lévitaient…
Peter secoua la tête d’un air désapprobateur. Il se dirigea vers Walter, empruntant les quelques marches qui menaient au coeur du labo, Olivia poussa Duke dans le dos pour lui indiquer de descendre lui aussi, ce qu’il fit sans enthousiasme.
-Walter !, appelait Peter en s’approchant de son père. Hé, Walter, on est là.
Trop pris par ce qu’il faisait, le scientifique n’entendait rien. Soudain il actionna un switch, et le vacarme changea de nature. Avec une accélération saisissante, tout ce qui flottait dans les airs se retrouva comme aspiré par l’énorme tuyau qui était à l’horizontale à côté d’eux, et ressortit à l’autre bout avec encore plus de vitesse, fusant à travers la pièce. Certains objets chutèrent presque immédiatement au sol, mais les plus légers allaient assez vite pour atteindre les spectateurs involontaires de l’expérience, qui n’eurent que le temps de se pencher ou de faire un bond de côté pour esquiver au mieux les projectiles.
-Ha non! Walter, vous avez pourtant promis de ne plus faire exploser de fruits et légumes dans le laboratoire, fit sévèrement la voix d'une jeune femme qui sortait d'une pièce annexe, des papiers à la main.
-Ils n'ont pas explosé, ma chère, répliqua Walter en arrêtant enfin l’engin. Ils ont été aspirés par un vortex spatio-temporel. Enfin, une simulation de vortex, malheureusement je n'ai pas réussi à réellement arrêter le temps à l’entrée…
Duke haussa un sourcil au ton plein de regrets de Walter dans cette dernière phrase. Il pensait avoir tout vu en matière d'étrangeté en vivant à Haven, apparemment, il se trompait.
-Mais c'est ce type de phénomène qui s'est produit, continuait Walter avec emphase, illustrant ses mots par de grands gestes et des mimiques expressives. A l'entrée du vortex, tout a été aspiré, même... même le temps, en quelque sorte, qui a ralenti au maximum. Alors qu'à la sortie, les objets ont été projeté avec une violence augmentée par le fait que le temps passait à vitesse accélérée à cet endroit.
La jeune femme qui lui servait sans doute d’assistante commençait à nettoyer les dégâts pendant qu’il parlait. Elle tourna le regard vers Duke, qui de son côté venait de remarquer qu'une tranche de concombre garnissait l'épaule de son gilet et se dandinait pour la faire tomber, ses mains toujours attachées derrière le dos ne lui permettant pas de faire autrement. Elle eut un demi-sourire, s'approcha de lui et le débarrassa du déchet.
-C'est très gentil à vous, Mademoiselle...?
-Agent Farnsworth. - Astrid, ajouta-t-elle après un instant.
Pendant que Duke se présentait en retour -et qu'Astrid lui répondait qu’elle savait déjà qui il était, car en réalité Olivia lui avait demandé de faire des recherches sur lui, d'où le dossier relativement épais qu'elle tenait en mains, d'ailleurs- Walter et Peter continuaient à discuter.
-Je crois que tu as raison, Walter, on a affaire à quelque chose de ce genre. Aujourd'hui, Olivia a vu le point d'entrée et moi celui de sortie. Ce qui veut dire qu'il y a deux jours, il s'est produit le même type d'évènement, mais là, on n'avait que le point de sortie : le bar. Et ça ne veut pas dire que le point d'entrée était dans un autre univers, cette-fois-là, ajouta-t-il avec empressement alors que Walter faisait mine de répondre. Je pense que tu peux oublier tes inquiétudes à ce sujet.
-Vu les choses qui ont atterris dans le bar, on peut penser que l’entrée était en pleine forêt, commenta Olivia. Ca expliquerait amplement que personne ne l'ait remarqué ou signalé.
-Exact, approuva Peter. Mais on a eu une victime par balle dans le bar. Si on part du principe qu’on a pas trouvé l’origine du projectile parce que le tir était parti de l'autre côté du vortex... Ca veut dire qu'il y avait bien au moins un témoin du phénomène au point d'entrée également : le tireur. Et sans doute que la personne qu’il visait devait être là-bas aussi. Car je doute que le tireur voulait atteindre spécifiquement la victime du bar. Ce doit être un dommage collatéral.
-La balle peut évidemment avoir été déviée de sa trajectoire par l'aspiration engendrée, acquiesca Walter. Par contre, Olivia, aujourd’hui, le blessé que vous avez trouvé était au point d’entrée. Hors de question donc qu’il ait reçu une balle venue de l’autre côté.
A cet instant, il sembla enfin remarquer la présence de Duke qui, mine de rien, se penchait d'un air concentré sur une pile de paperasse entassée sur un bureau.
- Vous vous intéressez à mes travaux, jeune homme? , l'apostropha-t-il.
Duke releva le nez et lui jeta un regard admiratif.
-Absolument, ça a l'air fascinant, ces histoires de vortex, de temps suspendu, de… de tomates volantes...
Peter se tourna vers lui, les sourcils froncés.
-Il est passionné aussi par les attache-trombone qui trainent là, dit Peter d'un ton sarcastique, en ramassant sur le bureau une boîte où s'entassaient pêle-mêle agrafes et autres petits objets, puis avec un regard ironique à l'intéressé, il ajouta : Oui, moi aussi, je sais comment crocheter des menottes.
Olivia eut un air agacé alors que Duke affichait une mine aussi innocente que possible.
-Vous avez en tête de nous fausser compagnie, Mr Crocker?
Elle s'approcha de lui, le fit avancer vers un coin de la pièce où se trouvait un fauteuil ressemblant à celui d'un dentiste...en pire. Puis elle se pencha vers ses menottes, mais une fois ouvert le bracelet qui entourait son poignet droit, elle alla le refermer autour d'une des barres métalliques de l'accoudoir du siège.
-Vu vos antécédents, dit Astrid devant l'air dépité du suspect, nous ne pouvons pas vraiment avoir confiance.
Elle passa les documents qu'elle avait imprimés à Olivia qui les feuilleta rapidement.
-Je vois... Accusations de fraudes, contrebandes, larcins divers... Vous devez tenir occupé la police et le tribunal de Haven à vous tout seul, Mr Crocker. Aucun délit violent, cependant, ajouta-t-elle plus bas.
-Ha ! Vous voyez ? Je suis un criminel, c'est vrai.. mais avec un coeur de Bisounours, répliqua Duke. Pas besoin de m'attacher, je serai sage comme une image.
Astrid réprima un petit sourire alors qu’Olivia resta complètement de marbre.
- Astrid, garde-le à l'oeil. Walter, je peux vous dire un mot?
Elle s'éloigna un peu avec le vieux scientifique et son fils. Au vu des bribes de conversation qui filtraient jusqu'à lui, Duke sut qu'il ne devait plus se faire d'illusions. Elle avait bel et bien vu ses yeux changer de couleur tout à l’heure. Au bout de quelques minutes, Walter se dirigea vers lui avec un air guilleret, et commença à rassembler des instruments.
-Aspirine, déclara-t-il, commencez donc par lui faire un prélèvement sanguin. Le résultat sera plus que probablement sans intérêt, mais faisons cela dans les règles. Et de mon côté, je vais faire un examen plus poussé de vos yeux, jeune homme.
Il empoigna un outil qui ressemblait furieusement à une cuiller à glace.
-Sans l'énucléer, si possible, Walter , ironisa son fils.
-Ne sois pas ridicule, Peter. L'origine d'une particularité comme celle-là serait plus à trouver dans le système limbique que dans l'oeil en lui-même, bien sûr. Le thalamus, peut-être...?
Semblant soudain réaliser que son sujet d'expérience l'entendait parfaitement, il ajouta avec un sourire aimable: Mais nous allons essayer de comprendre tout ça sans devoir recourir à la solution de vous ouvrir le crâne, mon garçon.
Duke tourna un regard digne d'un épagneul abandonné au bord de l'autoroute vers Astrid et Olivia.
-Il plaisante, pas vrai?
-Il ne vous fera aucun mal, affirma Olivia. Par contre, Walter connait beaucoup de moyens de faire parler les gens. Certains agréables, certains moins…Vous n'avez toujours rien à me dire ?
Mais de toute évidence, si on ne savait pas encore comment le faire parler, le meilleur moyen de le faire taire était de lui poser une question directe, comme Olivia commençait à le comprendre.
-Bien, fit-elle donc devant son mutisme. Je m’en vais donc parler à vos amis. Amusez-vous bien.
Elle se dirigea vers la porte pendant qu’Astrid préparait le matériel pour un prélèvement sanguin. Walter de son côté, venait d’ouvrir un frigidaire au contenu varié. Il valait sans doute mieux ne pas savoir ce qu'il y avait dans certains des pots que Duke entrevoyait… Par contre, il s’avérait que l’instrument ressemblant à une cuiller à glace était bien destiné à être utilisé comme tel, puisque Walter se mit en devoir de se préparer un milkshake en attendant qu’Astrid ait terminé ses prélèvements.
Celle-ci s’assit à côté de Duke, qui lui fit signe d’approcher plus près pour lui parler en aparté.
-Dites-moi, demanda-t-il à voix très basse. Vous êtes sûr qu’il a toute sa tête, le docteur Bishop?
-Non, fit Astrid d’un ton taquin. Je suis même sûre du contraire. Mais il est brillant, et , si ça peut vous rassurer, il n’a encore jamais tué un de ses sujets d’expérience. Enfin, pas volontairement, en tous cas.
Elle recula son siège et entreprit enfin de commencer la prise de sang, sous le regard inquiet de Duke. Non seulement il se demandait chez quelle sorte de fous il était tombé, mais il cherchait également comment il allait trouver une excuse pour être seul un petit moment afin d’appeler Audrey. La question de savoir avec quoi il allait pouvoir l’appeler était réglée, elle. Pendant qu’il faisait part de ses doutes légitimes à l’agent Farnsworth sur la santé mentale du Dr Bishop, le portable de celle-ci avait en effet changé de poche…
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