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-Tu nous montreras çà tout à l’heure, Walter. Je passe reprendre Olivia et on revient au labo tout de suite pour en parler.

Peter raccrocha et essaya d’imaginer quelle était la démonstration que Walter leur concoctait pour illustrer sa théorie sur l’affaire en cours . Heureusement, se disait-il, les deux anomalies d’aujourd’hui s’étaient produites dans des endroits peu fréquentés : cette maison plus ou moins à l’abandon où Olivia avait cependant trouvé un blessé et l’usine désaffectée à l’écart de la ville, où lui-même venait de se rendre.

Il n’y avait découvert qu’un désordre qui était inexplicable même dans un lieu comme celui-là , surtout par la nature des objets qui s’y trouvaient . Des magazines datant d’il y a quelques semaines , des couverts, de la vaisselle dont une tasse à café récemment utilisée… Toutes choses qui semblaient avoir été amenées là et jetées violemment à travers la pièce par un coup de vent ou une explosion. Explosion qui n’aurait curieusement pas laissé d’autres traces par ailleurs… Mais contrairement à ce à quoi avait pu assister Olivia de son côté, aucune de ces choses n’était en lévitation quand Peter était arrivé.

C’était à la fois très ressemblant et très différent de l’évènement inexpliqué qui s’était produit deux jours auparavant et qui avait provoqué leur enquête . Celui-là s’était déroulé dans un bar bondé de gens, faisant de nombreux blessés et causant deux décès. Un mort atteint par une balle dont on n’avait pas trouvé l’origine, l’autre le crâne fracassé... par une énorme branche d’arbre. Et autant une balle tirée d’on ne sait où peut encore s’expliquer de façon rationnelle, autant l’apparition soudaine au milieu de ce bar d’un morceau de chêne de 20 kilos, accompagné d’une quantité de feuilles mortes, brindilles, musaraignes et autres petits animaux des bois relevait des « impossibilités » sur lesquelles enquêtait la Fringe Division habituellement.

Walter était surexcité depuis lors, et élaborait quantité de théories, mais s’était montré déçu des examens qu’il avait pratiqués sur les deux lapins et demi trouvés sur les lieux - une de ces pauvres bêtes sorties de nulle part avait été coupée en deux par le phénomène et on n’avait pas retrouvé l’autre partie de l’animal . A ce sujet, Walter avait en fait une idée très précise de l’endroit où pouvait se trouver cette moitié de lapin manquante, et Peter souhaitait vivement qu’il se trompe... Les deux anomalies d’aujourd’hui allaient sans doute changer la donne sur ce point, d’ailleurs, et c’était à cela que Peter réfléchissait tout en conduisant.

Lorsqu’il arriva pour récupérer Olivia comme ils l’avaient convenu, les secours finissaient de stabiliser le blessé pour le transporter, et Olivia, un peu à l’écart, était en grande conversation avec un individu qui devait être le suspect qu’elle avait trouvé sur les lieux. Et pour autant que Peter puisse en juger à distance, il semblait clair que ce dernier portait sérieusement sur les nerfs de la jeune femme.

-Franchement, votre attitude ne me pousse pas du tout à vous faire confiance, disait-elle sur le ton d’un sermon bien senti qui rappelait certaines de leurs discussions à Peter.

S’ interrompant quelques instants, elle tourna la tête et le vit qui approchait.

- Ha, Peter. Je te présente Mr Duke Crocker, dont je viens d’apprendre qu’il serait consultant pour la police d’une ville appelée Haven, apparemment.

Peter adressa un petit signe de tête au dénommé Duke et se présenta à son tour.

-Peter Bishop , consultant aussi, …ou quelque chose qui y ressemble, en tous cas , ajouta-t-il avec un soupçon d’ironie dans la voix, en faisant un geste vague de la main. Pour le FBI, bien sûr.

- Ravi de vous connaître, fit Duke en se penchant vers lui comme pour lui parler sur le ton de la confidence . Je vous serrerais bien la main, mais… -Il se tourna légèrement et agita les doigts pour mettre en évidence les menottes qu’il portait. - … l’agent Dunham ici présente est vraiment très dure en affaires.

Peter ne put réprimer un sourire.

-Vous aurez beau essayer de marchander, Mr Crocker, pour l’instant , cette Audrey Parker qui m’affirme que vous êtes avec la police… elle n’est encore pour moi qu’une voix au téléphone dont je n’ai pas pu vérifier les dires, rétorqua assez sèchement Olivia. On reparlera de vous retirer ces menottes quand je l’aurai rencontrée.

-Vous me rappelez un peu Audrey, remarqua Duke d’un ton faussement pensif. Oui, je m’entends bien avec elle maintenant mais on a eu des débuts difficiles aussi . Je suis sûr que vous et moi, on dépassera ces petits malentendus et on deviendra bons amis.

Il ponctua sa phrase d’un petit clin d’œil qui ne lui valut en retour qu’un regard glacial.

-Certainement pas tant que vous ne vous montrerez pas plus coopératif, en tous cas.

-L’agent Dunham est très correcte quand on se montre honnête , intervint Peter. Pour tout vous dire, moi aussi j’ai eu des débuts difficiles avec elle. Elle a dû… plus ou moins me faire chanter pour obtenir ma collaboration. Et je ne regrette pas qu'elle l'ait fait. Croyez-moi, aussi… bizarre… ou incroyable que soient les informations que vous avez, vous devriez lui en parler.

Olivia ne commenta pas mais Peter vit qu’elle était quelque peu touchée par ses paroles. Même si elle se doutait qu’il tentait surtout d’établir une relation de confiance avec un témoin récalcitrant. Instinctivement il jouait le jeu du bon flic/mauvais flic, ils commençaient à se connaitre suffisamment pour que ce genre de choses s’établisse sans qu’ils aient à le prévoir à l'avance.

Duke fit mine d’hésiter , mais ce n’était que de la comédie, estima Peter.

-Je préfère vraiment que vous voyiez tout cela avec Audrey, finit-il par dire . Je ne suis pas flic, après tout , encore heureux d’ailleurs. Je ne sais pas quelle information je peux partager.

-Aucun élément d’une enquête ne doit être caché au FBI, cingla Olivia.

Duke haussa simplement les épaules.

-De toutes façons, je n’en sais pas beaucoup plus que ce que je vous ai déjà dit.

-Et vous prétendez toujours ne pas connaître la victime ?

-Absolument.

-Et le tatouage qu’il a sur le bras ne vous dit rien ?

Il eut une expression fugitive d’agacement avant de répondre et Peter sentit qu’ils tenaient quelque chose.

-Le tatouage ? J’ai vu qu’il en avait un, oui. Pourquoi ?

Olivia désigna la devanture de la maison.

-Parce qu’il y a le même symbole gravé sur une plaque, là, à l’entrée. Vous ne l’avez pas remarqué, sans doute ? Ou cela fait partie des choses que vous préférez que je voie avec votre fameuse Audrey ? , demanda-t-elle avec humeur.

A nouveau, Duke se contenta d’un vague signe de tête en guise de réponse. Excédée cette fois, Olivia leva les yeux au ciel puis se dirigea vers la voiture.

- On emmène cet énergumène avec nous, fit-elle à Peter. Je veux que Walter l’examine.

Duke sembla tout à coup retrouver sa langue.

-M’examiner ?, protesta-t-il. Mais je vais très bien, regardez-moi ! Je suis en pleine forme !

Olivia se retourna pour le toiser avec intérêt.

-Vous savez, à votre place, en ayant été exposé à un phénomène aussi étrange que celui que nous avons vu, je m’inquièterais de ma santé et je serais ravi qu’on vérifie si tout va bien. A moins bien sûr, … que vous ne sachiez très exactement ce qui s’est passé là-bas.

Duke la considéra quelques instants, parut réfléchir à la question puis entra dans le véhicule sans faire plus d’histoires. Olivia, qui pensait à sa prochaine entrevue avec les deux représentants de la police de Haven, se prit à espérer de tout cœur que tous les habitants de cette ville ne soient pas du même genre que celui-là.