Où se cachent donc dans ce gouffre aux chimères, empli de Ténèbres, d’où s’élève ce si doux chant funèbre. Puits de raison, puits de déraison, je l’entends qui m’appelle, non sans raison, car il n’est nul autre saison que l’hiver où son appel se plus languissant et charmant. Mais je résiste de tout mon être et m’arrache à l’étreinte pourtant salvatrice de cette voix si séductrice. Murmure de la sylve, chant de la naïade, chœur de nymphe et de dryades.
Cela n’est plus tenable, tout devient instable, Où que je regarde, ce ne sont que champs de ruines infinies, avec au milieu cette tour noire infernale qui ricane. Mon regard s’égare, se perd. Pris de vertige, je perds la main à la croisée des chemins. Lorsque que je m’avance mes membres s’enfoncent à chaque fois un peu plus profondément dans la fange soyeuse d’une boue hideuse. Mais n’est-elle pas attirante de par la douceur et la chaleur qui s’en diffuse. Suaves parfums d’interdits et de fantasmes à demis voilés, que je repousse avec force de mon esprit brouillé, car c’est une autre musique qui se fait entendre à présent, une musique dantesque et grotesque. Mais pourquoi une telle dichotomie comme si dans les atours de cette perfection se dissimulaient un vautour, prêt à se repaitre de moi-même.
Quel malheur, je crois que suis devenu sourd, tout me semble sans saveur, ni odeur. Aurai-je perdu le sens aux prix de mes sens ? Cependant autour de moi tout n’est que splendeurs, splendeurs d’un dormeur allongé quelque part perdu dans le val. La tour noire n’est plus, l’aurai-je chassé de toute ma volonté. Je ne peux que m’extasier devant ces parterres sans terre, ces bois sans arbre et ses massifs sans fleurs. Tout y est surprenant de simplicité et de félicité, d’humanité et de vitalité ! Il n’est surtout nulle place pour des émotions sans succession. Tout mon être ne peut qu’aspirer à une telle sérénité. Tout ton être dis-tu, ne t’a-t-on jamais dit que derrière toute utopie se cache le pire des cauchemars ?
Devant moi, de nouveau, se dresse ce spectre ricanant, reflet de mon âme flétrie, qui se meurt depuis si longtemps. Que ne donnerai-je pour enfin l’extirper à mon être, l’arracher, lui qui est à l’origine de mon mal-être. Plus je te vois, plus ma haine grandit à ton égard. Vois ce que je fais de toi, de toi et de tes reflets alanguis et pétris dans les matières les plus pures. Tout ceci n’est qu’illusions grotesques et fantasques, dont la place est dans la pire des lies de l’enfer.
Bougresse, vois donc ce que je fais, moi, de ce droit d’aînesse. Au lieu de t’échoir, il me donne, à moi, le droit de m’arroger tel un dieu antique, une antienne qui sera mienne. Capable de renverser torrents et courants, versants et servants, charmants et serpents, me rendant maître du temps. Soit j’accepter cette folie des grandeurs, folie de candeur, folie avant l’heure. Soit je te prête encore une oreille attentive, mais sache que la figure se fissure et nul ne sait quelle flétrissure en jaillira.
Ah que ne puis-je flétrir et pourrir mon corps, à l’image de mon esprit désossé et délabré. Où que je regarde ce n’est qu’un vieux grenier poussiéreux, où gisent çà et là les souvenirs épars d’une vie enfouie. Mais que je descende et ce ne sont que splendeurs et douleurs. Merveilles resplendissantes sous un voile d’ombre, assombri de vilénies. Tout ce décor n’est-il que factice, où est-ce moi qui le perçois ainsi, persuadé de sa fausseté. Pourquoi chaque fois que je tente de soulever ce châle de Ténèbres, je me sens si faible. Tandis que pèse sur moi le poids d’un regard terrible, une paire de prunelle chargé de colère, de dévotion et de frustration, comme autant d’agressions.
Ah c’est décidé ! Aujourd’hui je vais déchirer ce voile qui dissimule la vérité du vide qui m’habite. Et ce ne seront ni les voix, ni les outrages, encore moins ce regard qui me feront ployer. Il n’est nulle adversité que je ne puisse renverser. Mais je sens la corde se nouer à mesure que je veux soulever cette toile d’illusions qui obscurcit mon esprit. La corde est là, posée autour de ce cou ingrat. Mais c’est moi qui vais en faire le nœud final en arrachant la noirceur qui embrume les méandres de mon esprit.
Et voilà je contemple ce temple de ruines, git par terre en un tas chiffonné, les mensonges, les illusions, les souvenirs, les errements et les égarements. Autour, rien. Juste la contemplation du néant et de la Ténèbres par un pantin désarticulé pendu au bout d’une corde de chanvre. De moi, il ne reste rien, juste l’abîme sans fond de mon âme perdue, ou à disparue toute parcelle d’humilité et d’humanité.
Je devrais être mort et je le suis, et pourtant je suis là, suspendu dans le vide, pris dans le tourbillon d’une chute sans fin. Autour de mon cou la corde a disparu, dissoute par la corruption de mon âme. Je n’en ressens aucun soulagement, seulement une peur sans nom, la Peur absolue d’une terreur sans nom qui n’est autre que mon Ombre prédatrice, séductrice, corruptrice, emplie de vices et de malices.
Ainsi je gis dans la lie de ma propre souillure. J’ai envie de dire que tout n’est que noirceur, douleur, terreur, mais ce sont aussi douceur, couleurs et chaleur. Pourquoi ? Cela je ne le comprends pas. Mais qu’est cela, ici bas ? Tout ne devrait être que fange obscure, boue rugueuse, eaux fangeuses, Ténèbres absolues, cependant qu’un éclat se dissimule en ces lieux. Non pas un éclat, mais un miroir dont la vision le renvoie un reflet que je ne reconnais pas. Qui est donc cette face de lune, dont les fissures trahissent un conflit trop longtemps dissimulé. Je passe ma main sur ce visage, mes doigts effleurent les lézardes. Je le vois mais ne le sens pas, ma peau est de soie et de velours, chaude et douce, tandis que se désagrège en poussière ce visage de porcelaine. Cependant sous mes doigts je sens ma peau se flétrir et pourrir. Mais ce n’est pas seulement mon visage, mais tout mon corps qui s’affaisse et devient poussière. Et tandis que ma substance disparaît, je sens ma conscience se détacher et errer au travers de la clarté ténébreuse.
Ah ! Maudit miroir ! Miroir maudit ! Tu t’es joué de moi, me renvoyant toute la fausseté de mon âme aujourd’hui désagrégée, dispersée, morcelée et brisée. Que ne puis-je te briser en retour pour assouvir une vengeance digne de cette engeance ? Mais cela ne serait que souffrance, car toute vengeance n’est que violence. Alors je me laisse aller à errer dans le labyrinthe que je suis seul à explorer. Retournant sans cesse devant ce miroir dont l’étrangeté ne cesse de me renvoyer cette impression de fausseté, tout en ne cessant de m’attirer. Oserais-je le traverser et y trouver ce qui ce cache de l’autre côté, ce que l’on semble me dissimuler. Cette question lancinante ne cesse de m’habiter et de ma hanter, elle me possède et me précède.
Miroir tentateur, miroir scrutateur. Tu te dissimules dans la pénombre d’une clarté outragée et par trop obscurcie pas les ombres illusionnées de mon propre esprit. Laisse moi me laisser aller, laisse moi outrepasser tes apparences par delà les distances, laisse moi te traverser, laisse moi aller. Il n’est nul secret que tu puisses retenir plus longtemps, car finalement ma peur s’en est allée, ainsi que ma vanité et sa vacuité. Maintenant que je te regarde, que je me regarde, j’y lis l’apaisement et le soulagement. Seulement je n’ose encore traverser et m’embarquer pour le formidable odyssée.
Le miroir est devant moi, dressé de bon aloi, encadré de bois et teint de brou de noix. Je m’approche de sa surface miroitante et mouvante, se dérobant à mon regard chaque fois que je cherche à en saisir l’éclat. Plongeant alors ma main dans sa surface couleur mercure, couleur d’azur, je sens mes doigts s’étaler et s’étendre, telle la toile de l’araignée dans la cime des arbres. Mais… mais ce ne sont plus seulement mes doigts, mais tout un être de chair qui s’éprend dans une étreinte radieuse avec la surface silencieuse. Echange minéral et sépulcral, au milieu d’un silence abyssal, le miroir se déploie tandis que le corps ploie. Mais il n’est nulle douleur palpable, seulement une chaleur indomptable, celle d’un être recomposé qui vient de se défaire de sa froideur implacable. Passé décomposé, présent composé, futur recomposé.
Je… je s… suis-je ? Je m’interroge encore. Derrière moi, le miroir d’argent, délicatement découpé dans la pénombre ambrée. Devant moi un chemin et… et dans ma main. Oh oui, mais oui, je tiens un grain, un tout petit grain enchâssé dans le cristallin. Comme c’est curieux. Maintenant que je regarde dans le miroir, je me vois mais je ne me connais pas, je ne me reconnais pas. Qu’est donc et étranger qui me regarde sans sourciller ? Je vois des cheveux courts, puis longs et frisés, tout cela n’est guère stabilisé. Un front lisse à peine parcheminé, des yeux noisette qui pétillent, un nez planté au milieu et une bouche à la mine boudeuse et joyeuse. Non décidément, je ne reconnais rien… Bah peu m’importe, explorons plutôt ce chemin, mine de rien.
Lettre du Docteur H., date inintelligible…, à Mademoiselle M.
Bonjour Mademoiselle M.
Je vous fais parvenir le courrier suivant pour vous assurez du bon accueil réservé à votre frère S., dans notre établissement. Il est logé pour le moment dans une chambre individuelle, car il ne semble guère prompt à lier avec les autres pensionnaires. Cependant je souhaiterai vous soumettre une requête pour la bonne guérison de votre frère. J’ai remarqué qu’il passait un temps considérable à lire et à coucher sur le papier toutes ses réflexions personnelles. Pourriez-vous nous faire parvenir les lettres ou notes qu’ils auraient pu écrire avant sa venue ici. Inutile de pousser trop loin. Seules celles écrites au cours de ses crises m’intéressent.
Directrice de l’Asile du Dernier Jour
Lettre de Mademoiselle M., date inintelligible…, au Docteur H.
Bonjour Docteur H.
Voici que j’ai pu accéder à votre saugrenue requête. Vous trouverez ci-joint, à cette lettre, la mono-correspondance de mon frère S.
Lettre du Docteur H., date inintelligible…, à Mademoiselle M.
Bonjour Mademoiselle M.
Je vous remercie d’avoir accepté à ma requête en m’expédiant tous les manuscrits de votre frère S. Ils m’aideront très certainement à explorer un peu mieux le territoire inconnu, qu’est l’esprit de votre frère. Je ne puis, hélas pour le moment, seulement procéder ainsi car il n’est pas encore sorti de son mutisme, même si il aborde toujours son sourire énigmatique. Il semble désormais à la fois fasciné et satisfait de son sort, ou de ce qu’il en découvre. Je vous ferais, ce tantôt, parvenir mes conclusions quant à ses textes.
Directrice de l’Asile du Dernier Jour
Lettre de Mademoiselle M., date inintelligible…, au Docteur H.
Bonjour Docteur H.
Vous me voyez satisfait de pouvoir contribuer au mieux-être et au, j’espère, prompt rétablissement de mon frère S. Nous espérons une guérison des plus rapides car nous aspirons à de grandes choses pour sa destinée.
Très cordialement, Mademoiselle M.
C’est étrange, je parcours sans fin ce chemin, mais ce ne sont qu’ombres, pénombres, démombres, et autres Ténèbres sans faim. Pourtant je reste serein, nul peur ne m’habite, ni même me possède, juste la curiosité dévorante pour ces lieux inconnus. Je me souviens d’une prison de pierre et de fêtes, de cachots et de maux, de doubles fabuleux et malheureux, et d’illusions et de superpositions. Où est-elle à présent ? Est-elle devant moi, derrière moi, en moi ou… chez moi ? A moins que cela ne soit moi, fier vaisseau de pierre et de bois, toujours aux abois, à chercher le pourquoi. Mais non pour le moment, je ne pense pas, je sus là et je suis las.
Que m’arrive-t-il ? Je suis là et ailleurs en même temps, qui a donc bousculé le temps ? Je me sais toujours sur le chemin, à la croisée en même temps que je sais l’avoir quitté et dépassé. Où que je regarde autour de moi, je suis toujours dans le bois, entouré par le sous-bois. Bois plongé dans les ombres et la déraison de ma propre raison. Patientons, reprenons. Reprenons, rembobinons le fil d’un univers par trop parcellaire. Allons bon ! Quelle est donc cette impression d’inversion ? Pourquoi suis-je entrain de voir tout et son contraire à la fois ? Ma foi pourquoi pas ? Que se passera-t-il si je les marrie ? Un anéantissement façon matière-antimatière ou un accomplissement triomphe du ternaire. Après tout il n’y a qu’à jouer, je suis bien trop curieux pour ne pas chercher à deviner les vérités cachées.
Toute la difficulté est là devant moi, pièce à facettes dont je dois marier les faces opposées, sans la briser. Devant moi, elle se tort, rigole, se moque, me nargue de son air narquois, semant çà et là les graines du chaos ambiant. Oh mais il n’est point question de se perdre dans d’inutiles et vaines interrogations. Quelle est donc cette propension à la substitution du recto par le verso. Voilà qu’il y nul autre sens que l’embrouillement. Voyons, voyons, soufflons un peu, là par ci, par là, encore un peu par là, tout doucement, très délicatement. Il serait dommage d’insuffler trop vite un peu de fantaisie dans des lieux aussi communs. Hi, hi, voilà qui est amusant, cette pièce se gonfle en tout sens. De cercle la voilà devenu disque, puis enfin sphère. Une sphère pleine ou une sphère vide, une sphère lisse dépourvue de vice, mais non dénuée de charmes moqueurs et enjôleurs. Je le prends, là dans ma main, où elle ne pèse rien, car elle est encore emplie de chagrin. Alors à nul autre lendemain, je ne la remettrai entre d’autres mains, cette sphère, petit grain lisse entouré par le vice.
C’est curieux, j’aurai juré ne jamais m’être endormi en ces lieux inconnus. Cependant comment pourrait-il en être autrement ? Comment ce petit grain de rien a-t-il pu naître cette fabuleuse destinée au milieu de cette cité de splendeurs nichée en plein cœur d’une vallée autrefois inanimée. Voilà qui pique ma curiosité. Mais comment faire pour l’atteindre, éloigné de moi, qu’elle l’est. Il n’est, hélas, nul moyen à ma portée pour que je puisse le rejoindre. Mes bras sont bien trop courts, mon tronc bien trop fin et mes jambes bien trop longues. Que n’ai-je une paire d’aile pour m’envoler à tire-d’aile et m’élever dans les cieux où se dissimule ce vallon radieux. Hé, hé ! Au fond pourquoi pas, si les mots sont création et que du souffle naît l’imagination. Hi, hi, rassemblons, rassemblons. Oui, oui… oui vous, vous les lettres, consonnes et autres voyelles, vous aussi les accents, mais bien sûr ponctuation. Venez ! Venez tous, assemblez et transmutez.
Allongé dans une prairie aux couleurs de la nuit, je sens les brins d’herbacées me caresser et me bercer, tandis que s’accomplit le Grand Œuvre. De ma chair meurtrie jaillit les esquisses d’une liberté chèrement acquise. De mon dos lacéré par les os brisés et arrachés, par le verbe, à ma chair, commence à s’élever dans cette brume sanglante une promesse chère à mon être. S’étire alors un voile de soie et de sang dans une toile de douleur, où resplendie les bonheurs futurs d’une liberté recouvrée. Tandis que je sens mon corps se fondre dans la terre nourricière, m’enfermant dans un cocon de tourbe et d’humus. Je repose, je me repose, là dans cette chrysalide élémentaire où croissent les ferments de ma métamorphose et de ma renaissance.
Etre hybride, être chimérique je deviens, tandis que mon esprit même subit le Grand Œuvre. Transcendant la réalité, les réalités, embrassant l’infini de l’universalité, je me fonds dans le grand Tout, mariant les opposés en un jaillissement chaotique, d’où émerge une âme désormais réunie. Alors que s’arrache de ce catafalque élémentaire un être primaire, qui aussitôt sous l’égide de son âme, s’envole vers les cieux chimériques porté par ses ailes oniriques.
Embrassant du regard la cité étalée sous mon regard, je la vois déployer ses mille splendeurs, jusque dans les dimensions cachées des univers oubliés. Je ne comprends pas, ce ne sont pas seulement mon corps et mon esprit qui se sont accomplis, ma perception a subi aussi la transformation. Que je regarde de droite ou de gauche, de haut ou de bas, tout s’en va sans dessus dessous, en tous sens et de toutes parts. Et quelles sont ces formes sombres que j’aperçois se mouvoir de ci, ce là, en bas ? Minuscules grains de poussière miroir, ombres vivantes des habitants de ces lieux que j’aperçois si haut. Poussé par une curiosité maintenant éveillée, je m’approche en douceur, les regardant dansé dans un ballet endiablé. Oh mais ce sont bien des ombres ! Les ombres des habitants d’en haut qui s’amusent dans le palais au son d’un orchestre baroque. De même que la cité sombre, dissimulée dans la pénombre d’une nuit, où gronde un orage plein de fureur et de grandeur, est la projection de ces cieux enchanteurs qui appellent mon cœur.
Je ressens toujours l’appel dans les tréfonds de mon cœur. Mais je ne peux y répondre, enfin pas seulement, pas maintenant. Il est des choses qui se dissimulent parmi les ombres. Et renonçant pour un temps à déployer mes ailes et à ce ciel aux couleurs célestes, je finis par me fondre dans la pénombre. Goûtant sa substance, je m’en imprègne avec constance, pur ne plus être qu’une ombre parmi les ombres. A nouveau je ressens l’alchimie de la transformation. Mon haleine exhale le noir et ma peau exsude le soir. Avalé par l’obscurité, protégé par un cocon de Ténèbres, je me métamorphose de nouveau. Ni vraiment sombre, ni vraiment ombre, ainsi suis-je sorti de ma tombe d’ombre.
Et voilà ! Je ne l’entends plus, je l’ai perdu, il s’est perdu. Non pas perdu ! Non, non ! Du tout, il est là, juste là, reposant dans son catafalque de soie, attendant que je le réveille. Qui-est-il ? Comment cela, qui est-il ? C’est évident pourtant !… Oh oui, pardonne-moi j’ai fait une erreur. Bien sûr ce n’était pas la bonne heure.
Pourquoi est-il question d’heure. Et pourquoi pas. De toute façon, d’heure il n’est point question, mais d’elle. Elle, couchée là dans son tombeau, le visage dissimulé par un masque de marbre, repose d’un sommeil éthéré. Il ne tient qu’à moi de la réveiller et de briser ce masque d’albâtre. Cependant pour cela il me faut la clé, la clé sculptée dans la réalité de la vérité, là om se cache la beauté.
Mais cette clé n’est ni de lettres, ni de mots, encore moins de verbe. Comment le sais-je ? Tss, pourquoi me le demander ? Au fond, pourquoi pas. Quand je suis face à elle, allongée dans son catafalque, le visage prisonnier de son masque d’albâtre, je sens mes lèvres s’asséchées et ma main se desséchée. Incapable d’exprimer par des mots la peine qui m’étreint chaque fois que je la contemple. Aussi suis-je contraint de m’éloigner le cœur serré et l’esprit anéanti. Cependant je reste dans la ville à contempler ses habitants plein d’allant, d’ombre en pénombre. Jeux de lumière et de contraste, qui taquine mon esprit.
Depuis le temps que j’arpente cette cité, j’ai senti mon esprit s’affadir, enfin non, s’endormir, tel un enfant bercé par une mélodie céleste, porteuse de songes et de rêves. Ce sont ces rêves que j’aperçois çà et là, dispersés dans la cité des ombres. De même que les enfants timides se cachent quand l’adulte arrive, ces nuances de gris se dissimulent dans leur nuance d’ombre dès que le rêveur arrive. Mais leur apparition fugitive imprime sur ma rétine des souvenirs qu’il me faut traduire. Mais comment faire car les mots me manquent et j’ai oublié comment écrire.
Et c’est là, la tête pleine de souvenances, que j’erre telle une âme en peine, incapable de les coucher, dans la cité ombrée. Les mots se délitent, se fragmentent et perdent leur sens. D’ailleurs ont-ils jamais eu un sens ? Ce ne sont que des agglomérats de lettres, voyelles et autres consonnes, elles-mêmes faites d’un assemblage géométrique et topologique, de pure rhétorique purement théorique. Ils sont là, flottant devant moi, comme autant de spectres grimaçants et errants, hurlant de douleurs et de terreur. Ils ne me parlent plus, ce n’est plus que l’effroi qui me saisit chaque fois que je les vois. Est-ce moi qui aie peur ou sont-ce eux qui ont peur ? Je m’interroge.
Renonçant un temps à vouloir saisir ces formes qui m’échappent, je m’en vais croquer ces ombres éparses et fugaces, qui s’effacent et s’évaporent en chaque instant. Mais comment faire puisqu’à chaque fois que je veux me saisir de ma plume, ces choses qui forment les mots perdent de leur substance, en me rendant incapable de leur donné le moindre sens. Que reste-t-il alors, lorsque l’on a perdu le sens de l’écriture ? Veux-tu le savoir ? Non, ne le nie pas, je le lis dans tes yeux. Tu brûles de me soutirer ce savoir. Hé bien soit. Je m’en vais te le dire. Prends donc un brandon, il te fera du charbon. Prends donc un fusain, il te fera un satin. Non, non, non ! Ce que je préfère c’est la mine de plomb. Pourquoi ? Ah mais tu le sais voyons. Ces ombres ne sont pas dépourvues de sens et donc de nuances. C’est cela que je veux capturer, leur essence. Je ne sais pas la tenir. Et alors, le premier à capturer ainsi un esprit, le savait-il lui aussi ? Non, n’est ce pas. Allons retires-toi. Il me faut du calme quand je pars en chasse. Chasseur d’Ombre, chasseur dans la pénombre, je me fonds dans le pénombre et deviens Ombre.
Me dépouillant encore un peu plus de mes attributs, je suis désormais presque un être fait ni de chair, ni de sang, mais d’air et de vent. Il en est ainsi pour capturer l’essence de ces ombres fugaces et fugitives. Ma pointe s’agite désormais sans cesse, hélas dans le vide. Je trace alors dans le vif du vide des arabesques sans queue, ni tête. Suis-je bête ! Tss, garde ton langage pour to, ce mot n’appartient qu’à moi. Un support, il me faut une toile ou une voile, un chiffon ou un carton. N’importe quoi pourvu que cela supporte la mine, mine de rien. C’est alors que je remarque, voletant çà et là, épars et abandonnés, de vilains blancs, enfin non des blancs tachés, des blancs abîmés. Finalement il ne tient qu’à moi de leur offrir un second souffle, ce souffle qui me sert à capturer les ombres, à capturer l’Ombre.
Voilà, désormais fondu dans les ombres, je reste dans les lumières blafardes de ces ombres éparses, progressant et explorant la cité des ombres à la recherche de ses perles oniriques. Effleurant, capturant, saisissant, attrapant, sculptant dans le vif ces rêves fugaces. Combien de temps cela durera ? Je ne le sais pas, tant que les rêves me parleront, jusqu’à ce que retrouve mes sens perdus. Je ne puis forcer ma nature et faire plier cette volonté. Non je dois l’apprivoiser, m’apprivoiser. Et pour cela, je dois m’écouter, je dois écouter mon heure, je dois écouter mon cœur. Mais je dois aussi écouter la vie, écouter ma vie, écouter le cycle, le cycle de ce qui rythme cette cité d’ombre et d’esprit.
Maintenant que surgit par delà l’horizon le solstice de ces images, raisonnent dans ma tête des sons nouveaux. Des sons nouveaux ou des sons oubliés, sons altérés, sons désincarnés, sons funèbres, sons de Ténèbres. Non ce sont simplement des sons perdus, des sons qui se sont égarés dans le labyrinthe de la cité des ombres. Des sons du monde sensible qui s’échappent et se perdent dans l’infinité de la cité, faute d’avoir été attrapés. Des sons qui s’envolent et s’imaginent. Ils sont là voltigeant devant mes yeux, attendant que je les saisisse. Ne pouvant de mes doigts les faire mien, je prends un petit rien qui traîne par ci, par là, et surgit alors de la feuille vide un filet à sons, fait d’ombres et de souffle. Mais plutôt que de m’agiter et de m’envoler pour les saisir, je me fais un paisible, attendant patiemment qu’ils viennent à mon bon plaisir.
Tandis que les sons proviennent et me parviennent, mes sens reviennent et le sens avec : Le sens des choses, l’essence des choses, le sens des mots, l’essence des mots, le sens des syllabes et de lettres, l’essence de tout. Mais choses curieuses en même temps que le sens revient, celui-ci devient plus profond, plus primitif, premier. Il est dépouillé de ses atours et de ses contours, redevenant un être neutre et premier. Primitif et primaire ainsi doit être le mot. Un retour aux sources du sens, sens premier, sens primé. De ce retour s’accompagne un retour de l’esprit à la terre nourricière, un esprit primitif à l’écoute des rythmes et des cycles. Ainsi me parviennent les tics et les tacs. Mais comme je ne les connais pas, il me faut non les dominer, mais les apprivoiser. Les apprivoiser tel l’oiseleur qui apprend à chanter à son oiseau.
Et alors que ces rythmes et ces cycles me sont plus familiers, que je perçois leur intime musique. De même que les mots chantent et suscitent merveilles et vermeil. Quelque chose semble troubler l’harmonie. Pour le moment c’est presque imperceptible, une ombre entraperçue, une lumière un peu fugace, une note un peu discordante. C’est important, je le sens. Tel un ver qui me dévore, qui me grignote, qui me consume de l’intérieur. Quelle est donc cette chose insidieuse et sourde qui me mine, qui me sape. Pour le moment, il n’en est point question. Je préfère laisser les sensations m’envahir et vivre.
Hélas, hélas ! Plus je me laisse aller, plus la colère semble gagner. Mais est-ce vraiment de la colère, cela me semble plus intime, comme une chose jusque là tapi dans mon être et qui se réveille. Une chose que je n’ignorais point, une chose que j’ai toujours devinée, une chose définitive. Ah, ah, ah cette chose qui a fait le désespoir de ma famille, malgré tous ces efforts pour le dissimuler. Moutons bêlants dans un troupeau de bien pensée et de bienséance. Je me moque et je moque ceux qui prennent ces routes déjà bien entamées. Moi, c’est simple je prends les chemins détournés, les chemins retournés, les chemins emprisonnés, les chemins sans queue, ni tête, les chemins abandonnés, bref les chemins oubliés. Oublions ceci, ou peut-être pas, justement revenons à ce ver qui me ronge, à ce sentiment qui se diffuse, à cette disharmonie que je perçois ce tantôt. Tout d’abord, comment suis-je ? Hum, de bas en haut, de gauche à droite, de largeur en longueur. Finalement je ne sais pas, tout est si erratique et chaotique, ordre et désordre confondu, au sein d’une harmonie cachée. En fait ce que je ressens est trop parfait, trop droit, si discordant avec mon être, que cela m’irrite, et je ne puis le chasser, tant nous verrons bien ce que nous réserve l’avenir.
Chassons ces méfaits et concentrons-nous plutôt sur ces choses qui m’entourent, faisant voler en éclat ce voile d’obscurité. Et se dévoile alors des sens nouveaux, ces syllabes, ces lettres prennent de nouveaux sens s’assemblant en des mots imaginaires, qui traduisent enfin ces images qui me hantent. Et c’est une frénésie qui me saisit, ma main s’agite et se saisit de nouveau de cette plume qui m’avait tant manquée. De l’encre jaillit de nouveau ces doubles et ces ombres, ces décors et ces rêves emplis des ombres de cette ancienne vie, aujourd’hui abandonnée. Vie fantasmée dans le dédale de la Cité des Ombres, vie sublimée par l’hystérie de l’écrit, vie romancée par le subjectif de l’imagination. Certes, certes, mais vie vécue, vie narrée, vie contée pour mieux assumer ma catharsis.
Ah, lala, quand me laisseras-tu spectre malvenu, malotru, et saugrenu. Allons montre-moi donc ta face grotesque et dantesque de clown désabusé. Hé bien, que t’arrive-t-il ? Aurais-tu peur ? Peur d moi, peur de quoi… Bah ! Au fil du temps, ma colère s’émousse et s’estompe, je ne ressens maintenant qu’une suprême indifférence, à moins que cela ne soit qu’un vulgaire mépris. Mais je préfère encore te laisser dans ton coin. Ah ! Tu veux bouder ! Hé bien, boude, je ne t’en empêcherai nullement, d’autres tâches m’attendent. Une fin par exemple, une fin déjà écrite qu’il me reste à achever, achever le fil d’une destinée.
Plusieurs temps se sont passés et l’indifférence a pris le pas sur le mépris, de même que l’un a pris le pas sur le multiple. Qui nous habite ? Ce chat que j’aperçois au loin, non loin d’une auberge où vit un être torturé, torturé par la vérité, ou cette femme perdue parmi les étoiles, à moins que ce ne soit encore cette Ombre, cette Ombre majuscule. Encore que ce nom soit mal approprié, car est-ce vraiment une ombre ? Je dirais qu’elle est plus une sensation, une oppression qui me gagne et qui m’étouffe, aspirant à mesure ma vitalité, tandis qu’éclate cristallin un rire d’airain. Est-ce un songe, est-ce un monde, est-ce une illusion que cette sensation qui s’étend, qui m’enveloppe et me couvre d’effroi. Je ne perçois plus les sources, ni les cycles, ni les rythmes. Aurais-je perdu mes sens ? Voilà qui n’aurait guère de sens. Enfin quoi ! Je m’engage au détour d’un chenal et voilà que je me retrouve dans un gouffre où l’on n’y voit goutte. Cette ville est décidément pleine de surprises pas forcément plaisantes, non plus déplaisantes. Non elles sont là, simplement là.
Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais brutalement je me suis retrouvé sur une plage, une plage de sable noir. Et qu’aurais-je fait là ? Aucune idée, mais toujours est-il que j’ai regagné la ville avec mes amis, sans vraiment savoir ce qui m’était arrivé. Des amis, vraiment ? Non plutôt des présences, des présences multiples qui s’unissent. Elles deviennent une, elles deviennent moi, je deviens elles, je deviens un. Tss, tu trouves çà embrouillé. Rassures-toi çà l’est tout autant pour moi, où peut être pas finalement. En tout cas, tout cela est fort amusant. Mais voilà que la nuit tombe et la lune se montre. Mais c’est un monstre, dont la face tombe en lambeaux. Ainsi s’achève la mue d’un être mis à nu, car tandis que s’affaisse les chairs, j’aperçois en son sein un cocon pareil à celui du papillon qui s’éveille. Quand sortira-t-il ? Ah, ah, ah ! Penses-tu que je ne le sache déjà pas ? Ah, ah, ah ! Rire perdu dans les bois. Et tu voudrais le savoir ! Depuis quand t’intéresses-tu à moi ? Depuis toujours ! Feindrais-tu l’ignorance de ce dernier propos ? Je ne sais pas et pour le moment tu ne sauras pas. Non ! Tant qu’il y aura des grains de temps, je ne saurai que me taire et garder mon secret.
Je vais te dire ! Tu m’indiffères, il n’est plus de colère dans mes propos, ni dans mes pensées qui te sont destinées. Encore que, encore que… Tout cela reste à voir. Pourquoi ? Tu oses me demander pourquoi ! Et s’il en était ainsi. Et si je venais de découvrir qui j’étais, ce que je devenais, parvenu et ressuscité. Nouvel être, nouvelles pensées. Nouveau corps peut-être ? Ah, pardon ! Je m’égare dans mes propos et je t’égare, hi, hi. Ce n’est pas plus mal. Etre composé, être composite, être multiple, être unique, être polymorphe, être monomorphe, cercle polygonale, ainsi je suis. Mais sache une chose, il n’y a pas que mes pensées et mon essence qui se sont métamorphosées… je te laisse deviner. Hé, hé, hé…
Le temps court, le temps vole dans sa course folle, le temps danse parmi les grains du dernier jour, mais le temps se meurt, le temps se meurt dans le Sablier du Temps. Mais est-ce un sacrifice ou n’est ce qu’un artifice ? Je ne saurai le dire. Non, en fait je n’ai tout simplement pas envie de le dire. Oh prends le comme tu veux, je ne dévierai pas de cette nouvelle voie, tout comme j’ai envie de garder pour moi ce qui m’habite. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi le dirais-je ? Pourquoi ne le dirais-je pas ? Il se pourrait que je te le dise. Enfin, nous verrons, nous verrons, lorsque surgira du néant, le Sablier du Temps, le Sablier du Temps d’où jailliront les grains du Dernier Jour.
Entends-tu ami le temps qui crisse, entends-tu, là, dissimulé à nos sens le grain qui glisse le long de la paroi de verre. Cela fait si longtemps que je les compte. Chacun a son propre grincement, chacun du nombre de grains qu’il reste derrière lui. Hé bien crois le ou non, il n’en reste plus beaucoup, juste à peine de quoi finir le jour, le dernier jour…
Tu me demanderas sans doute combien ? Une centaine tout au plus. Tiens, là, encore un qui s’apprête à s’écraser sur le tas amorphe de ses prédécesseurs. Je l’entends qui roule, pierre qui coule dans le ravin du temps. Il s’arrête, il semble hésiter, mais je ne peux lui donner la pichenette dont il aurait besoin. Pourquoi ? Mais tu le sais petite sotte, parce qu’il est dans ma tête. Hi, hi, le sablier du temps, les grains du dernier jour.
S.
Lettre du Dr H., date inintelligible, à Mlle M.
Bonjour Mademoiselle,
Je me permets de vus écrire encore une fois et de vous solliciter tout autant. Quand vous m’avez adressé votre frère S., il y a maintenant sept mois, je vous avoue avoir été très surpris par son état. Il était pris dans un délire exalté mais pacifique. Tout au plus aurait on pu le prendre pour un prophète, si il s’était mis en tête de répandre ses visions. Par la suite il est entré dans une phase de furia artistique écrivant et dessinant à tour de bras, ce qu’il appelait ses onirismes. Seulement j’ignore tout du sens de ce mot et ce qu’il peut revêtir pour lui. Encore une fois, pouvez-vous m’éclairer sur ce dernier point ? J’ai sollicité nombre de mes confrères, qui ont tous été dans l’incapacité de donner un sens à ce mot inconnu. Plus tard il est entré dans une sorte de transe ou de torpeur, d’où il ne sortait que pour se mettre à pousser des cris perçants ou à se mettre pleurer jusqu’à ce que ces larmes se tarissent. Par moment il lui arrivait de parler mais pour mieux libérer une logorrhée sans fin. Et malgré ses propos pour la plupart délirants et inintelligibles, un motif a fini par émerger. Il semblerait qu’il ait deviné votre future maternité, ce qui l’a plongé dans un état effroyable plusieurs semaines durant. Aujourd’hui il ne manifeste plus qu’une indifférence polie à cet égard. Mais là n’est pas la chose qui me tracasse le plus, même si il y a lieu de s’en étonner. Il semble se détacher de toute chose matérielle, il est… je n’ose écrire le mot mademoiselle, vous m’en voyez navré. Toujours est-il qu’il ne cesse de parler du temps et de ses rythmes. Une chose m’inquiète, il m’explique qu’il perçoit le sablier du temps et que celui-ci ne contient presque plus de grain. Aujourd’hui est le dernier jour…
Lettre de Mlle M., date inintelligible, au Dr H.
Docteur H.
Je vous prierai une dernière fois de ne plus me solliciter quant à la folie douce de mon frère. Il est une tâche indélébile qui souille déjà suffisamment le nom de notre famille. Quant à sa connaissance de ma grossesse, il ne peut s’agir que d’une indiscrétion de votre part.
Tiens encore une. Me serais-je trompé dans mes comptes, mon oreille aurait-elle défailli ? Que nenni ! Je voulais te faire peur, ô toi lecteur du Dernier Jour. Qui pourrais-tu bien être d’ailleurs ? Puisque lorsque le dernier grain sera tombé, plus personne ne sera là pour en profiter. Hi, hi, à moins, à moins que je ne te créée de toutes pièces dans ma tête, à partir de ce petit grain de folie qui m’habite. Tiens c’est décidé. Je vais prendre tous les grains déjà tombés et te façonner. Un corps, bah semblable au mien avec deux bras et deux jambes, et une tête bien sûr, pour que tu puisses lire dans mon délire. Mais attention, je te laisse le choix de ton visage. Il n’appartient qu’à toi. Ah ! Je te laisse, j’en vois encore un qui coule, qui roule, coule et… tombe. Il est déjà si tard, hi, hi, plus que dix et après, hi, hi,… l’apocalypse. A tout à l’heure lecteur, si c’est bien le Dernier Jour.
Lettre du Dr H., date inintelligible, à Mlle M.
Bonjour Mademoiselle M.
Je regrette infiniment que vous vissiez les choses ainsi, et ce d’autant plus que a dernière lettre de votre frère m’inquiète encore un peu plus. En plus d’une évocation plus prégnante de ce Dernier Jour, il explique avoir crée un lecteur à partir des grains du sablier du temps. Si ceci ne s’accompagnait pas d’une transformation physique, je ne me permettrai pas de solliciter ainsi de nouveau votre venue, ici même, à mon cabinet.
Lettre de Mlle M., date inintelligible, au Dr H.
Bonjour Dr H.
Encore une fois je vous oppose une fin de non-recevoir. Tout ceci devient vraiment grotesque.
Adieu Dr H.
Ca y est le dernier grain arrive. Le pauvre il est tout seul là-haut, malheureux d’entendre gémir ses frères tout en bas. Le Dernier Jour touche à sa fin et moi que vais-je devenir ? Comment lecteur tu ne l’as pas encore perçu ! O ma créature !
Mais je deviens le Dernier Jour, quand ce dernier grain tombera, tout s’achèvera. Hi, hi, le voici dans sa course folle, le voilà qui passe le col et… oh que sa chute dure. Je le vois, là, bientôt il s’écrasera et tout disparaîtra,… à l’aube du Dernier Jour.
Bonne lecture, ‘ ma créature.
Lettre du Dr H., date inintelligible, à Mlle M.
Bonjour Mademoiselle M.
Je vous écrit une dernière fois, sans me faire grande illusion sur votre réponse. Cependant je dois vous annoncer le décès de votre frère S.. Sans doute n’y prêterez-vous guère attention. Peu importe.
P.S : A la lecture de la dernière lettre de votre frère, je me demande, si vous et moi, avons jamais existé…
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