Le silence. Suzanna regarda à gauche, puis à droite, prudente. Cette absence de bruit la terrifiait. Courageuse seulement lorsqu'il le fallait, elle n'aimait pas prendre des risques inutiles. La témérité est bien complexe à saisir lors des moments opportuns.

Elle ouvrit la trappe en bois massif, dégaina son épée et sauta dans le trou. Tout était noir, profond. La jeune fille alluma la torche qui projeta une lumière vacillante. Elle se figea.

- Alekter Mansuo.

La lumière brilla plus fort. Mais la magie qui circulait dans les veines de Suzanna s'arrêta et s'évanouit sous la menace du couteau sous la gorge. Elle étouffa un cri.

C'est Lui ! pensa-t-elle avec effroi.

La jeune fille se retourna avec peine dans les gros bras de la créature. Ses cheveux bruns sombres s'emmêlaient, laissant apparaître deux oreilles en pointe et ses yeux incroyablement clairs fixaient son agresseur. La jeune elfe poussa un soupir de soulagement.

- Fog ! C'est moi, Suzanna. J'étais à l'Exterieur.

- Tu m'as fait peur ! Avec Lorandi, on montaient la garde depuis plus de quatre heures !

- Désolé...grimaça-t-elle.

La jeune fille se dégagea et prit la direction du poste de garde. Lorandi paru près de la porte, l'air soucieuse. Ses yeux clairs évitaient le visage interrogateur de Suzanna. Elle commença.

- On a entendu à plusieurs reprises des bruits bizarres venant du détecteur infrarouge de l'Exterieur. Une ombre à peine visible se retranscriva sur nos broches. Tu sais que ce détecteur est un des plus puissants que nous ayons... Il est performant et sans accroc... Nous en sommes venus à la seule conclusion possible ; le Camoufleur sait où nous nous cachons et cherche à y entrer.

Une sueur froide coula le long du dos de Suzanna. Depuis que les humains avaient pris possession de leur Royaume Elfique, Sufrizna, et que leur Reine Alisha fut tuée sous leurs yeux horrifiés, les elfes ont dû se réfugier sous terre, se cachant de leur passé cruel et des hommes.

Le roi Aktar, soutenu par les humains, pris le pouvoir et s'installa dans le Palais Royal, anciennement habité par Alisha. Il avait engagé de nombreux tueurs pour exterminer le reste de la population elfique éparpillée, dont Ignace, un vieux penseur très agile qui possédait quelques notions en matière de magie élémentaires. Très vite, grâce à sa discrétion et à son déguisement, une cape de couleur crème qui prenait la couleur du lieu en arrière plan, il tua de nombreuses familles survivantes et se fit surnommer "le Camoufleur".

Suzanna se pencha sur la carte, parchemin jauni par le temps. Elle appuya un doigt sur son menton et fronça les sourcils.

Quelque chose cloche, pensa-t-elle.

Ils possédaient deux détecteurs dans l'allée qui menait au répère. Pourquoi l'autre n'apercevait-t-il rien ?

Un tilt. La sortie de secours. Le Camoufleur savait où elle se trouvait et avait désactivé le second appareil pour y entrer ; lui et ses soldats ; sans se faire prendre.

Suzanna se jeta dehors et rejoignit Lorandi qui devisait avec Fog.

- Évacuez les enfants et les femmes par un tunnel !

Immédiatement, ils poussèrent la population terrifiée vers la sortie de secours.

- Nooon ! Pas par là !

Une lame transperça les premiers corps qui s'étaient engouffrés dans le tunnel. Les soldats envoyés par Aktar se jetèrent sur les elfes terrorisés et les achevèrent sans pitié, lacérant les enfants et leurs parents. Les malades et vieillards, passés au fil de l'épée, hurlaient de terreur puis finissaient par se taire, vaincus par les arme qui récoltaient le sang innocent. Seule une poignée de rebelles combattaient, le désespoir s'affichant dans leurs grands yeux clairs. Parmis eux se trouvaient Fog, Lorandi et Suzanna. Celle-ci maniait son épée avec force et agilité. Elle esquivait les coups en traitre de son adversaire en sautant, tout en parant avec son arme. Elle jeta un regard vers sa droite. Son cœur se serra et elle hurla.

- Fog !

Il gisait à terre, étendu, un filet de sang coulait sur sa joue, se mélangeant au tracé de ses larmes. La mort avait pris sa vie.

Lorandi se tenait encore debout, les jambes tremblantes. Elle attaquait avec peine, les yeux rougis. Son adversaire l'avait touché aux côtes ; elle respirait avec difficulté.

En plein dans ce carnage, Suzanna lança un regard de mort au meurtrier de Fog. Soudain, son adversaire à elle, que la jeune elfe avait oublié, lui asséna un coup aux mollets, elle poussa un cri de douleur et tomba à genoux ; sans défense. Un autre à la tête et elle s'écroula.

Juste avant de sombrer dans les abysses, elle entendit un cri rude et rauque.

- Ne la tuez pas ! Il la veut vivante !