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Astray

Le petit garçon sentait le vent qui soufflait sur son visage et le soleil qui réchauffait doucement sa peau. A sa droite sa sœur rigolait d'une plaisanterie de leur père. Sa mère, elle, souriait face à ce bonheur simple qui composait leurs vies. La scène est un peu floue. Il faut dire que ce souvenir est plutôt ancien. Mais c'est le seul à peu près intact dont se souvient le petit garçon. Sa mémoire est comme une boule de verre fissurée d’où s'échappe ses souvenirs. Le petit garçon s'appelle Timéo. Et ce qu'il sait avec certitude c'est qu'il s'est bel et bien perdu. Le chemin pour rentrer chez lui semble avoir disparu. Ne reste autour de lui qu'une forêt, écrasante par sa taille, et qui engloutit tout. Elle s'impose comme la reine des lieux. Timéo aurait trouvé cette forêt magnifique dans un autre contexte. Aujourd'hui, il la trouvait juste menaçante. Son petit corps tremblait de froid même en plein soleil et peut être tremblait-il aussi de peur. Mais ça il ne l'aurait jamais avoué.

Timéo n'osait pas entrer dans la forêt. Il était paralysé. Mais tout au fond de lui il savait qu'il n'avait pas le choix. Alors, lentement, il commença à marcher, sans bruits. Ses pas le menèrent à l'orée des bois et, ne sachant pas s'il faisait le bon choix, il pénétra dans la forêt. Entrainées par le vent, des feuilles éraflèrent son blouson. Le vent, ne s'arrêtant pas là se transforma en bourrasques de plus en plus fortes. Il ferma ses yeux, à moitié effrayé. Quand il les rouvrit, le vent s'était calmé et la forêt semblait comme calmée, acceptant ce petit étranger en son sein. Timéo entendit peu à peu les oiseaux se mettre à chanter une mélodie inconnue. Les arbres, grands comme des immeubles étaient recouverts d'une mousse vert sombre. Leurs branches s'étendaient pour former une canopée qui laissait passer quelques rayons de lumière. Au chant des oiseaux s'ajoutait maintenant le bruit du bois qui craque et le frémissement lointain d'une rivière. Cette étrange cacophonie semblait inviter le petit garçon à poursuivre son avancée. Timéo n'avait plus vraiment peur, il se sentait enveloppé d'une confiance nouvelle, même face à cet endroit inconnu. Il se demanda un peu naïvement si une telle forêt existait près de chez lui. Il n'en avait aucun souvenir. Mais il connaissait ce sentiment alors il ne s'en inquiéta pas plus que ça.

Timéo regarda autour de lui, cherchant un chemin pour rentrer chez lui. N'en voyant pas, il décida d'avancer tout droit. Et tandis qu'il s'enfonçait plus profondément dans les bois, deux petit yeux jaunes le suivait du regard...

Il avançait le pas sûr pendant que ses yeux d'enfant s'émerveillaient du paysage. Après les arbres immenses, c'était maintenant une petite clairière remplie de fleurs bleues. Elle menait à un ruisseau, en contrebas. Le petit garçon se mit à courir entre les fleurs en riant aux éclats. Mais soudain,Timéo trébucha sur une pierre, et, emporté par son élan, dévala la pente, se cognant contre des branches. Il cria, les larmes aux yeux, et atterri brutalement dans l'eau, faisant fuir les grenouilles et autres poissons. Il se releva tant bien que mal et gémit en découvrant de petites plaies parcourant ses bras et ses jambes. Le petit garçon laissa les larmes couler sur ses joues maculées de boues. La joie ressentit en plus tôt laissait maintenant place à une douleur accompagnée d'un sentiment nouveau. Il ne s'était jamais sentit aussi seul.

Face à ce spectacle, le chat s'immobilisa. Ses yeux observaient cet enfant comme on observe une créature étrange. Il regarda pendant quelques minutes l'eau qui s'échappait des yeux du petit être. Puis il s'assit et attendit. La créature s'était maintenant calmée, et, sous le coup des émotions et de la fatigue sans doute, le garçon s'était endormi. Alors seulement le chat s'avança et, doucement, de peur de le réveiller, il se blottit contre le corps frêle.

Lorsque Timéo ouvrit ses yeux encore rougit, la première chose qu'il remarqua fut les rayons déclinant du soleil, signe que la nuit ne tarderait pas à pointer son nez. La deuxième, c'était qu'à côté de lui se trouvait le cadavre d'un mulot. Il cria de peur et surprise et s'écarta avec hâte. Il entendit des buissons frémir et des branches craquer sous les pas d'un animal qui arrivait droit vers lui. Timéo n'eut pas le temps de se cacher. La créature sortit. C'était simplement un chat. Ses poils roux flamboyaient sous la lumière déclinante et ses petit yeux jaunes le fixait tandis qu'il s'asseyait à côté du garçon. le chat miaula en désignant le trophée de chasse qu'il lui avait ramené. Face à l'absurdité de la situation, Timéo laissa échapper un petit rire. "Qu'est ce que tu fais là ? Tu t'es perdu toi aussi ?". Le chat miaula bruyamment en guise de réponse. "Tu as un nom ?". Silence. "Je vais t'appeler Aru dans ce cas". Le garçon tendit une main vers son nouveau compagnon et caressa sa fourrure couleur de feu. Aru ronronna et ce bruit se mêla à la cacophonie de la forêt. Puis il se leva et commença à partir. Timéo se releva précipitamment et suivit Aru. Il ne voulait plus rester seul. Plus jamais. Et même si la seule idée qu'il suive un chat pour aller il ne sait où aurait hérissé ses parents ou n'importe quel adulte censé, l'enfant décida que c'était de toute façons mieux que de rester là à attendre.

Le chat ne se retourna pas. Il savait que le petit garçon le suivait. Il accéléra un peu le rythme et entendit l'enfant trébucher sur des branches en tentant de le rattraper. Il lui a donné un nom. Ce n'est pas le premier. Mais il trouve que "Aru" sonne plutôt bien. Alors pour la peine, il ralentit un peu et laisse l'enfant arriver vers lui. Ils marchent longtemps, leurs pas se calquant parfaitement. La forêt continue de s'étendre, immuable. Mais le chat connait le chemin. Ils traversent des cascades, des petit vallons, et toujours autour d'eux se dressent, imposant et silencieux, de grands arbres feuillus. La nuit est tombée lorsque le duo arrive sur un petit promontoire qui offrent une vue sur les bois. Le petit garçon, à bout de souffle, s'écroule sur un épais tapis de mousse. Le chat le rejoint, et ensemble ils regardent les étoiles jusqu'à ce que l'enfant s'endorme, épuisé. Le chat se love contre lui et commence à ronronner. Ce bruit berce Timéo et l’emmène vers un sommeil paisible, loin de la peur ressentie, loin de son ancienne solitude, vers un souvenirs émergeant.

Timéo à six ans. Sa sœur et lui jouent tranquillement dans le jardin qui entoure leur petite maison de campagne. Anna rit aux éclats en poursuivant son petit frère. Elle lui coure après entre les fleurs qu'a plantées leur mère. Anna commence à imiter un requin, ce qui fait rire encore plus son frère. Un rire solaire, plein d'innocence et d'éclat. Anna aime ce rire comme on aime un trésor.

Mais soudain, Timéo trébuche et sa tête se cogne brusquement sur une pierre. Tout devient noir. Le souvenir se termine là.

Aru se réveille et baille bruyamment. Il commence à faire sa toilette en attendant que son compagnon se réveille lui aussi. Les étoiles ont laissé place à un soleil rayonnant. Les bois se réveillent eux aussi. La forêt s'étend, majestueuse. Les arbres confinent à l'infinie, plus loin même que l'horizon. Cet endroit n'a pas de fin ou pas vraiment... Timéo commence à bouger dans son sommeil. Le réveil est proche. Le regard du chat se détache de la vue ensorcelante. Il s'approche du petit corps recroquevillé et le pousse doucement à l'aide de sa truffe. Le petit garçon grogne et ses paupières se soulèvent lentement. "Laisse moi dormir Aru, s'il te plait". Mais le chat continue de le pousser et se met à miauler. "C'est bon, c'est bon, j'arrive". L'enfant se lève en baillant. Son visage est constellé de petites marques faite par la mousse et ses cheveux sont parsemés de brins d'herbe. Le chat commence à partir et saute agilement du promontoire pour rejoindre la forêt en contrebas. Cette fois, il ralentit et laisse son compagnon arriver jusqu'à lui. Ils continuent de marcher, côte à côte. De temps en temps, Timéo se penche sur le chat et lui caresse gentiment le sommet de la tête. Aru le sait, le chemin arrive à sa fin. Mais tandis qu'ils continuent d'avancer, le garçon se met à chantonner. Le vent emporte son chant jusqu'à la canopée en faisant bruisser les feuilles. La forêt toute entière semble accompagner son chant. Alors l'enfant rie et se met à chanter avec plus d'entrain, d'une voix enjouée et pleine d'éclats. Le chat ralentit encore un peu et écoute son compagnon. L'enfant entame le refrain : "je danse sous la pluie, je chante sous le soleil, nous rions ensemble, et un jour nous partirons..." Il continue à chanter tandis que la mélodie résonne puis commence à s'éloigner. Le chat s'arrête et ferme les yeux. La chanson n'est maintenant plus qu'un faible murmure. Le silence s'installe lentement. Le temps suspend son vol et les arbres semblent retenir leurs souffles. Puis les oiseaux recommence à chanter une mélodie connue d'eux seuls. Le bois craque et le vent fait bruisser les feuilles doucement. Le chat rouvre les yeux. Autour de lui ne reste que la forêt, imposante. Il ne part pas tout de suite. Il reste là, à regarder les rayons du soleil traverser la canopée pour venir réchauffer sa fourrure. Puis il se lève et repart.

Timéo se réveille et ouvre les yeux. Autour de lui, à la place de la forêt se dresse une chambre d'hôpital. Des bruits de machines remplacent le bruissement des feuilles. Puis à côté de lui, quelqu'un pousse un cri. C'est sa sœur, Anna. Elle commence à pleurer. Le petit garçon ne comprend pas pourquoi. Son esprit et son corps sont comme engourdis. Anna se rue vers la porte et appelle leurs parents et les infirmières. Tout le monde arrive et se met à pleurer. L'enfant ne comprend toujours pas. Il veut simplement savoir où est Aru. Les adultes le regarde bizarrement, ne comprenant pas eux non plus. Qui est Aru ? Ils se mettent à lui parler, à lui expliquer qu'il vient de se réveiller d'un coma. Timéo se sent perdu, il ne comprend rien à ce que disent les adultes. Le petit garçon ne les écoute plus parler. Ses pensées retournent vers la forêt, où vit un chat couleur soleil couchant. "Au revoir, Aru".


Texte publié par La petite rêveuse, 27 mars 2025 à 20h11
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