La porte s'ouvrit avec violence, révélant deux gros seaux remplis de viandes crues. L'homme s'avança dans le contre-jour que formait la lumière de la porte et celle de la fenêtre. Il était dodu et petit. Sa bouche formait un sourire cruel et sa barbe mal rasée laissait voir des cicatrices de griffures, signe de rébellion des chiens. Il posa les récipients et pris le fouet qu'il avait accroché à sa ceinture. De sa main libre, il lança une pièce de viande au premier animal. Ceux qui s'approchait trop près de lui recevaient coups de pied et de fouet sans pitié.

Les chiens qui se jetèrent sur les derniers morceaux restants déchiquetaient avidement la chair, les yeux fous et la bouche dégoulinante de bave.

Soudain Neïko ; qui avait eu sa part ; repéra un petit nouveau qui couinait à fendre l'âme. Le chiot essayait de récupérer le morceau que le tortionnaire balançait au-dessus de sa tête. Il sautait et se démenait pour récupérer le trésor mais l'humain riait. Il riait de voir la souffrance dans les yeux plein de désespoir de cet être chétif qui semblait perdu, déboussolé, seul. Le sang de Neïko ne fit qu'un tour. Ne songeant pas aux conséquences de son action, il bondit et mordit l'homme qui, les yeux exhorbités, hurla de douleur et de peur. Neïko ne lacha pas sa prise. Toute sa haine se dirigea vers ses crocs et il mordit plus fort. Le geôlier hurla de plus belle. Ses cris attirèrent un de ses collègues qui, la bouche crispée, vint lui porter secours. Il fit claquer le long fouet noir, qui s'étirait en l'air tel un serpent, et Neïko poussa un cri de douleur, touché aux côtes. Il se recroquevilla, les oreilles en arrière et la queue entre les jambes.

Un oiseau chanta au loin et les hurlements de terreur de Neïko l'accompagnèrent sur un temps qui sembla durer une éternité.