Dissimulé dans l’angle du couloir, Adrian observait la salle. Il se sentait un peu mieux, mais pas encore totalement remis. Il allait avoir besoin d’en savoir plus sur ce que sa mère lui avait injecté. Aller dans un centre médical ne l’enchantait pas, mais il devait en avoir le cœur net. Ceux de Second city étaient moins regardants, mais aussi moins bien équipés. Se présenter à l’hôpital de Sélène était impossible ; il devrait donc se contenter des chir de l’autre dôme.
La salle se remplissait doucement. Les clients s’installaient à leurs tables préférées. De jeunes cadres dynamiques, mais aussi des bourgeoises, vêtues des dernières tenues à la mode en tissu morphopolarisé, qui changeait de couleurs selon l’environnement, l’humeur ou l’envie de son porteur, commandaient sur un ton docte ou chuchotaient des secrets mal gardés, en jetant des coups d’œil à la ronde.
En d’autres temps, il aurait adoré plonger dans cet océan de secrets et d’apparences et glaner quelques informations — il l’avait déjà fait maintes fois. Ce jour-là, cependant, il ne pouvait s’empêcher de voir ce qui se cachait sous les masques de civilisation et cela le dégoutait. Et si tu arrêtais de faire ton hypocrite, rétorqua sa voix intérieure. Tu fais partie de cette caste, malgré tes airs de hacker rebelle.
L’apparition de Gemma fit taire ses réflexions. Elle s’installa à une table et jeta un coup d’œil autour d’elle. Avait-elle l’air inquiète ou défiante ? Il la surveilla quelques secondes, avant de repousser sa méfiance. Il plaqua son sourire charmeur sur son visage et la rejoignit d’un pas assuré.
— Bonjour, Gemma, la salua-t-il, en s’installant.
La jeune fille posa la carte qu’elle était en train d’examiner et adressa un sourire à Adrian.
— Ravie de te revoir, Adrian, même si je ne m’attendais pas à ce que tu réclames ma présence le lendemain d’une cuite partagée.
— Pas si partagée que ça, à priori, susurra le jeune homme. Tu es fraiche comme une rose.
— Il le faut bien quand on a besoin de travailler, n’est-ce pas ?
La pique habituelle et sans conséquence parut soudain remplie de venin au jeune homme. Son sourire s’agrandit, mais son cœur battait la chamade. Il se força à se calmer. Devenait-il paranoïaque ? Gemma n’était pourtant pas son ennemie. Et ta mère non plus, jusqu’à aujourd’hui.
Un serveur se présenta. Adrian commanda un café et sa compagne un thé d’amandes lunaires. Le jeune homme, soudain impatient, regarda autour de lui. Tout paraissait ordinaire, mais il était pris d’une soudaine envie de quitter cet endroit.
— Tu te sens bien ? demanda Gemma, en le fixant intensément.
— Oui, très bien. À part cette gueule de bois qui traine.
Elle fronça les sourcils.
— D’habitude tu t’en débarrasses en un rien de temps. Tu n’as vraiment pas l’air bien.
La migraine remontait d’un cran et Adrian ne rêvait que d’une chose : dormir plusieurs heures, en sécurité. Il abandonna toute velléité de mensonges et de jeu d’acteur.
— Gemma… J’ai besoin de ton aide, souffla-t-il. Il s’est passé quelque chose, ce matin, à la tour et…
Il leva soudain la tête et regarda autour de lui. Il avait cru sentir quelque chose, une présence dangereuse, un regard trop insistant. Pourtant, les gens ne se préoccupaient pas de lui ; tout était normal. Ses mains tremblaient. Il serra les poings.
Lorsqu’il reporta son regard sur son amie, son expression le glaça. La jeune fille se reprit rapidement, mais il avait lu de la terreur sur son visage.
— Écoute, je suis désolé de t’avoir dérangée dans ton planning, fit-il, soudain, en commençant à se lever. Je vais me débrouiller.
Elle attrapa sa main et la serra.
— Eh ! Adrian, attends. Dis-moi ce dont tu as besoin,
Gemma tenta de sourire de manière rassurante. Pourtant, ses lèvres tremblaient comme si elle avait peur. Peur de lui.
— Tu n’as pas l’air d’aller bien. Et je sais que ce n’est pas la cuite.
Les jambes soudain vacillantes, il se rassit.
— J’ai vu que tu avais peur, rétorqua-t-il.
— Tu as vu ta tête ! lança-t-elle.
Adrian se calma derechef et passa une main tremblante dans ses cheveux. Une crise se profilait à nouveau. Leur serveur déposa les deux tasses devant eux et s’en alla sans commentaires. Le jeune homme le suivit du regard, et jeta un coup d’œil autour de lui. Personne ne semblait les avoir entendus, ou se préoccuper d’eux. Adrian réfléchit, se demandant s’il devait lui raconter toute la vérité. Gemma travaillait pour une corporation concurrente d’Héphaïstos corp. Ils ne l’évoquaient jamais, mais, étant donné la situation, il préférait se montrer prudent.
— Gemma, je suis vraiment dans la panade. Je ne peux pas te donner plus de détails, mais j’aurais besoin de toi pour entrer dans mon appartement et récupérer des affaires.
— Pourquoi ?
Adrian secoua la tête.
— Je ne peux pas t’en dire plus. Il faut que tu me fasses confiance.
— Pourquoi ne demandes-tu pas à ta famille ?
— Je ne peux pas.
— Je ne comprends pas ce qui t’arrive. Tu peux me raconter, tu sais.
Des éclairs de lumière traversèrent sa vision et les élancements douloureux s’intensifièrent encore. Il cligna des yeux. Des frissons le secouèrent. Il se leva presque trop rapidement. Gemma écarquilla les yeux.
— C’était une mauvaise idée, lâcha-t-il. Je suis désolé.
— Adrian…, commença-t-elle.
Une ombre surgit derrière lui ; une main se plaqua sur son épaule et le força, à se rasseoir. Surpris, Adrian tourna la tête vers l’importun, prêt à lui dire ce qu’il en pensait, mais ses mots se bloquèrent dans sa gorge. Anton le fixait avec un grand sourire.
— Alors, Adrian, on dirait que tu m’as oublié ?
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