Le dôme principal de Sélène était un hymne à la richesse et à la technologie. Culminant à cent mètres de hauteur, il avait permis de construire une cité qui s’érigeait vers les cieux. Les immenses tours étincelantes de lumière agencement sophistiqué de métal argenté, de verre et de plastacier solide, s’alignaient autour de deux axes centraux, l’un menant à l’astroport, l’autre au quartier des affaires, demi-cercle dédié aux sièges des corporations principales de Luna, et aux filiales des entreprises terriennes.
Héphaïstos corp était l’une des seules à se trouver à l’opposé, sans doute parce qu’elle avait fait partie des premières à s’installer sur la lune.
Adrian, les mains dans les poches et le col remonté, marchait assez vite, mais pas trop, pour ne pas éveiller la suspicion. Les Gardiens étaient partout en centre-ville et il n’avait pas envie qu’ils le remarquent. Ses frôlements avec les limites de la loi l’avaient trop souvent conduit dans les bureaux de la Garde sélénienne et les contacts de sa mère trop souvent sorti des problèmes.
Les musiques tonitruantes, les publicités stroboscopiques et les annonces vocales n’aidaient pas sa migraine qui s’intensifiait inlassablement. Des éclairs lumineux traversaient sa vision. Quelque chose n’allait vraiment pas chez lui et il avait hâte de pouvoir se mettre à l’abri pour y réfléchir.
Lorsqu’il déboucha sur la gigantesque esplanade, au centre de laquelle trônaient une fontaine prismatique et un bosquet d’arbres, il se détendit un peu. Cet endroit l’avait toujours fasciné. Que les premiers colons aient réussi à faire venir des graines d’arbres terriens et à les adapter au sol lunaire était miraculeux à ses yeux ! Leurs feuillages d’or et d’argent pâles bruissaient légèrement sous le souffle de l’air conditionné ; leurs troncs minces, à l’écorce grise, brun clair ou blanche, s’entrelaçaient si bien qu’on ne savait pas où chaque spécimen commençait et se terminait. À moins qu’ils ne forment une seule entité.
Adrian s’avança et s’assit sur la margelle de la fontaine, inspirant profondément l’air doux et frais qui émanait du bosquet. Cela sembla alléger la lourdeur de son crâne. Il contempla le salon de thé, droit devant lui, de l’autre côté de l’esplanade.
Si les étages supérieurs des tours étaient dédiés au travail et à la productivité, le rez-de-chaussée, lui, avait été pensé pour la détente des employés. On y trouvait les meilleurs restaurants, salons de massage, bars et autres joyeusetés. Adrian y avait passé de nombreuses heures, même si sa préférence allait aux bouges de Second City.
Au bout de quelques minutes, Adrian se releva et se dirigea vers l’établissement. À cette heure-ci, il était calme, mais dans une vingtaine de minutes, il serait envahi par les employés et les cadres.
Il poussa la porte qui s’ouvrait à l’ancienne. Le salon de thé était tout entier un hommage à la désuétude recherchée. Du faux bois ornait les murs et les meubles, dans des tons sombres et chauds, les sièges étaient garnis de coussins décorés de fleurs, des étagères remplies de bibelots ornaient les murs. Les hologrammes étaient si réussis qu’il fallait les regarder de très près ou essayer de les toucher pour s’en rendre compte.
L’odeur, elle, était tout ce qu’il y avait de plus naturelle : des herbes, des fleurs, du thé noir et vert importé à grands frais de la Terre, ou bien cultivé dans la sphère hydroponique. Quelques clients sirotaient leurs boissons ; personne ne fit attention à lui.
La serveuse leva la tête vers lui quand il s’approcha. Il lui sourit.
— Les toilettes, s’il vous plait ?
— C’est par là, indiqua-t-elle d’un geste, avec une moue.
Il lui répondit par son sourire le plus charmant ; elle rougit et battit des paupières. Elle était très jolie. Ses cheveux violets s’harmonisaient parfaitement avec sa peau sombre, sur lesquels des implants dessinaient de jolis tatouages. En d’autres temps, il lui aurait proposé un verre. Mais il n’avait pas le cœur à ça.
Il s’enfonça dans la salle. La porte des toilettes glissa devant lui. Il s’empressa d’y entrer et s’appuya aux vasques de faux marbre blanc. Sa vision se brouillait à nouveau et son crâne pulsait sous les élancements brûlants. La panique s’insinuait doucement. Quelque chose était en train de se passer en lui et il ne savait pas quoi.
Il fit couler l’eau d’un geste et s’aspergea le visage, nettoyant la saleté et la sueur, vestiges de son voyage dans les conduits. Il inspira profondément pour contrôler la nausée et les vertiges qui s’étaient joints à la fête. Une goutte de sang éclaboussa la vasque ; il écarquilla les yeux et se regarda dans le miroir. Il saignait du nez.
Il se pinça l’arête et se précipita dans un box, pour s’asseoir. Son cœur battait à tout rompre. Ce que sa mère lui avait injecté n’était pas juste une drogue. Il rabattit son crâne contre le mur et ferma les yeux. Mentalement, il réactiva son IV et lança un diagnostic de son implant et des tissus autour.
Les élancements douloureux et la nausée allaient et venaient par vagues ; puis ce fut l’horreur qui les remplaça pendant quelques secondes : son implant avait repéré des nano-circuits, au moins dans l’espace autour de lui. Voilà ce qu’elle t’a injecté ! Elle doit en avoir besoin pour le téléchargement de ta conscience. À l’idée que sa mère ait osé lui imposer un implant dont il ne voulait pas, la colère d’Adrian dépassa même sa terreur.
Puis une décharge de souffrance envahit son crâne et l’enflamma ; il gémit et se recroquevilla sur lui-même, en se balançant, les dents serrées. Il laissa passer la vague, impuissant, l’esprit perdu dans un ouragan rougeâtre, rempli d’images, de sons et de hurlements silencieux.
Puis cela s’arrêta. Il se redressa avec prudence, attentif aux réactions de son corps. Sur sa rétine s’affichait le message : « configuration terminée » et une nouvelle icône apparut. Il cligna des yeux avec rage, pour les faire disparaitre. Il quitta le box lentement ; le moindre mouvement créait des élancements pulsatiles dans son crâne en feu.
Son reflet lui envoya l’image de son visage blafard, ses yeux cernés et légèrement écarquillés, ses cheveux bruns collés par la transpiration. Un rictus déforma ses lèvres. Gemma allait s’enfuir en courant en le voyant dans cet état.
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