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Sa première descente au niveau sub-6 ressemblait plus à une plongée dans les enfers qu’à une réunion. Les couloirs aux murs gris mat, nus, brillamment éclairés par des néons étaient déserts. Ses pas claquaient sur le béton et résonnaient dans le silence lourd.

Où étaient donc les employés ? Dans les laboratoires, le service R et D tournait jour et nuit. Sa mère avait lancé une grande nouveauté dont elle ne cessait de parler depuis des mois. Les techniciens et les ingénieurs devraient pulluler. Adrian ne put retenir un frisson. Un mauvais pressentiment s’insinua dans ses veines. D’un clignement de paupière, il activa son assistante virtuelle et lui ordonna de s’infiltrer dans les systèmes du niveau. Au cas où.

Par ennui, pour s’amuser ou par défi — il ne savait même plus ; sans doute un peu des trois — il avait installé des mouchards et des backdoors supplémentaires dans les systèmes de la corporation. Certaines avaient été fermées, mais il savait qu’il en restait encore. Rassuré, il avança d’un pas plus ferme.

Une silhouette sortit d’une pièce à une dizaine de mètres devant lui. Il soupira en croisant le regard furieux de sa mère. Les bras croisés, le visage fermé, elle le regardait avec un air qu’il ne lui avait jamais vu.

Elle était d’une grande beauté, presque irréelle : ses yeux bleu turquoise miroitaient sous la lumière des néons ; sa silhouette fine et gracieuse, mise en valeur par sa tenue chatoyante, faisait se retourner tous les hommes sur son chemin. Adrian savait que cette beauté était calculée et que, sous sa peau dorée se cachaient des implants cybernétiques de dernière génération. Sur son crâne rasé et lisse, des tatouages argentés et noirs formaient des arabesques scintillantes, de même que ses mains, ses bras nus, et le reste de son corps. Elle avait deux cents ans, elle en paraissait trente-cinq.

— Plus de deux heures de retard, tu bats des records, Adrian, lâcha-t-elle.

Le jeune homme grimaça un sourire.

— Désolé.

— Tu as encore fait la fête, j’imagine.

Sans attendre sa réponse, elle se détourna et remonta le long couloir silencieux. Adrian fronça les sourcils. Pourquoi avait-il l’impression que quelque chose de louche se tramait ? C’était sa mère, pas une étrangère.

Adrian la suivit jusqu’à une double porte, tout au fond, qui glissa quand elle s’approcha. Sur le seuil, il hésita et jeta un coup d’œil. La salle était divisée en deux par une cloison avec une porte et une large baie vitrée. Cette partie-là était plongée dans les ténèbres ; il ne pouvait donc rien distinguer de ce qui s’y trouvait. L’autre moitié, au seuil de laquelle il se trouvait, était occupée par des serveurs sur la droite, et sur la gauche, un écran holographique montrait des diagrammes. D’énormes câbles reliaient les serveurs entre eux et disparaissaient dans l’autre salle.

Euphosia l’observait en silence. Elle semblait attendre patiemment, mais Adrian perçut nettement que son agacement s’intensifiait. Il entra alors, peu désireux d’augmenter cette colère qu’il ne comprenait pas.

— Jonas et Mickaël ne sont pas là ? demanda-t-il.

— Tu les verras bientôt, répondit brièvement sa mère. Ainsi, nous serons réunis ; cela fait si longtemps, n’est-ce pas ?

Le jeune homme perçut le reproche sous-jacent. Pourtant, il ne le releva pas. Deux agents de sécurité les rejoignirent ; la porte se verrouilla derrière eux. Adrian leur jeta un coup d’œil ; une boule de glace se formait dans son estomac.

— Mère …, est-ce que tout va bien ? demanda-t-il en reportant son attention sur elle.

Elle sourit. Puis elle s’approcha de la vitre.

— Viens voir, lui enjoignit-elle.

Il obéit. Elle appuya sur une commande près de la baie. De puissantes lumières furent activées de l’autre côté. Adrian retint son souffle et plissa les yeux pour bien comprendre ce qu’il voyait. Plusieurs cuves verticales étaient alignées dans une pièce très large. Des câbles épais ondoyaient sur le sol, les reliant à des transformateurs accrochés aux murs.

— Non ! souffla-t-il. Qu’est-ce que tu as fait ?

Dans les deux premières capsules, Jonas et Mickaël semblaient dormir. Un fluide bleuté les enveloppait. Un masque recouvrait leur visage, duquel il ne distinguait que les yeux. Des câbles et des tuyaux sortaient de leurs crânes, de leur bras et de leur flanc. Ils étaient nus ; leur crâne avait été rasé ; leur peau blafarde n’avait plus la carnation qui les caractérisait.

— Tu croyais que je n’allais pas deviner ce que tes frères et toi prépariez, souffla sa mère, tout près de lui.

Surpris, il fit un pas en arrière. Son visage méconnaissable respirait une haine si féroce qu’Adrian frissonna. La confusion envahit le jeune homme.

— De quoi parles-tu ?

— Ne me mens pas, cracha sa mère.

Elle pointa du doigt ses frères.

— Je sais que vous fomentiez un complot contre moi, pour me voler mon entreprise et me détrôner.

L’accusation était si ridicule qu’il aurait pu en rire, s’il n’était pas terrifié par le comportement de sa mère et l’horreur de ce qu’elle avait fait à ses frères.

— Bien sûr que non. Nous n’avons jamais…

— Tais-toi, hurla-t-elle.

Puis un sourire cruel étira ses lèvres. D’une voix plus calme, doucereuse, susurrante, elle expliqua :

— Il faut que vous soyez punis, mon chéri. Que vous compreniez que vous ne pouvez pas me trahir ainsi.

— Qu’est-ce que tu leur as fait ?

Adrian ne pouvait empêcher les tremblements de sa voix. Sa mère ne ressemblait plus à celle qu’il avait toujours connue et voir ses frères dans cet état lui déchirait le cœur.

— J’ai fait en sorte qu’ils ne puissent plus me trahir, répondit-elle. Ils resteront près de moi, mais leurs consciences seront emprisonnées dans Verso.

— Verso ? souffla Adrian.

Son esprit renâclait, refusant de comprendre ce qui se passait. Éperdu, il fixa les capsules emprisonnant ses frères.

— Ne t’inquiète pas. D’une certaine manière, ils sont immortels ainsi. Tu pourras les y rejoindre et leur parler, entendit-il juste derrière lui.

Avant qu’Adrian ait pu même comprendre la signification de ces paroles, il sentit une douleur fugace dans son cou. Il s’écarta de sa mère, mais c’était trop tard. Le décor se brouilla et les ténèbres le firent prisonnier.


Texte publié par Feydra, 15 mars 2025 à 23h08
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