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Défi L’ombre du passé : Une personne du passé refait surface dans la vie du personnage, mais elle semble avoir changé et représente désormais une menace. Que faire face à ce retour inattendu ?

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Paula nettoyait machinalement le comptoir de son bar-tabac, un geste qu’elle répétait chaque soir depuis des années. L’odeur du tabac froid, du café et du sucre caramélisé flottait dans l’air, s’accrochant à ses vêtements. Le bruit de la machine à café, les éclats de rire des habitués, un fond sonore quotidien et rassurant. Elle n’aspirait pas à beaucoup plus. La vie était simple ici, dans ce petit coin tranquille de Torcy où elle connaissait tout le monde.

Il faisait déjà nuit, le bar était assez calme pour permettre à Paula de se perdre dans ses pensées. La porte s’ouvrit brusquement, et elle leva les yeux, prête à accueillir un client de plus.

Puis elle vit son meilleur ami.

Il s’avança, la démarche étudiée, et s’installa au comptoir en face d’elle.

— Bonsoir, Paula.

— Éric… Je ne m’attendais pas à te revoir dans le coin.

— Je n’ai pourtant jamais dit que je ne reviendrais pas, dit-il d’une voix assurée qui lui était étrangère.

Paula fronça des sourcils.

— Ça fait plus d’un an que tu es parti pour ce boulot à l’étranger. Et à part quelques messages de temps à autre, tu ne donnais aucun signe de vie. Tes parents se sont beaucoup inquiétés. Je me suis inquiétée, le sermonna-t-elle, se rappelant la douleur d’être abandonnée.

Il fit une petite grimace, le regard un peu penaud.

— J’ai eu… des complications. J’aurais vraiment aimé pouvoir donner plus de nouvelles et même revenir plus tôt mais… ce n’était pas vraiment à moi de décider.

Elle l’observa attentivement. Éric paraissait sincère, même si les tics révélateurs habituels n’étaient plus là. Il se tenait droit sur son tabouret, les mains posément croisées sur le comptoir, affichant une assurance qu’elle lui avait rarement vu. Il était aussi plus pâle que dans ses souvenirs.

— Tu sembles avoir changé, songea-t-elle en continuant de l’examiner.

Il sourit, comme si ce qu’elle venait dire était hautement amusant.

— T’as pas idée.

Le sourire en coin qu’il afficha fut autant amusé qu’énigmatique. Paula se sentit étrangement mal à l’aise, c’était bien la première fois que ça arrivait en sa présence.

— Je te sers un verre ? demanda-t-elle autant pour chasser l’impression que pour éviter le silence qui s’installait entre eux.

Éric accepta, passant les quelques minutes qui suivirent à se renseigner sur la vie de Paula et des alentours. Son comportement détaché tendait Paula, comme si toute la vie qu’il avait passée ici n’était rien de plus d’un instant sans importance. Elle commença à s’inquiéter de ce changement.

Son verre finit, il paya et se leva, lui disant à demain. Elle n’eut pas le temps de répondre, qu’il disparut par la porte. Paula resta immobile devant cette rencontre imprévue avant de devoir retourner aux fourneaux, un client l’appelant.

Comme il l’avait dit, Éric revint le lendemain. Et lendemain d’après. Ainsi que le suivant. Durant un mois, Paula le revit tous les soirs à son petit bar-tabac, papotant avec lui légèrement une quinzaine de minutes à chaque fois. Si elle était assez contente de retrouver son ami, l’ambiance de leurs étranges retrouvailles était entachée par les disparitions soudaines que subissait la ville. Elle avait abordé le sujet une fois ou deux, quand elle était un peu à court de sujet de conversation, et l’absence totale d’inquiétude ou de peur de la part d’Éric lui avait fait froid dans le dos.

Il n’était pas le garçon, puis l’homme qu’elle avait connu toute sa vie, son meilleur ami. C’était subtil, mais indéniable. Quelque chose avait changé son ami, celui avec qui elle avait fait l’idiote et les quatre cents coups. La grande perche nerveuse et adorable qui aimait s’amuser avait laissé place à un homme transpirant la confiance en soi et le contrôle, avec un calme presque surnaturel. Il était aussi devenu assez indifférent aux gens.

— Pourquoi tant d’inquiétude ?

Paula sursauta, manquant de peu de lâcher le verre qu’elle essuyait. Éric était là, installer à sa place au comptoir.

— Tu m’as fait peur, répliqua-t-elle d’une voix sourde, le cœur battant la chamade. Je ne t’ai pas entendu passer la porte.

— Oh, fit-il avec une petite moue. Ce n’était pas volontaire.

Elle soupira d’agacement en rangeant le verre propre et sec pour se retourner complétement vers lui. C’est là qu’elle remarqua qu’ils étaient seuls, aucun client en vue nulle part.

— Qui cherches-tu ?

— Je… J’étais sûre qu’il restait encore un ou deux clients. Tu les as vus en entrant ?

— Non. Tu étais seule, la tête dans les nuages, répondit Éric avec un petit sourire en coin.

Elle n’appréciait pas beaucoup de nouveau sourire quand elle le voyait, se sentant déséquilibrée et vulnérable. Et c’était pire maintenant qu’il n’y avait personne pour faire tampon, même en tant que bruit de fond.

— Je te sers un verre ? demanda-t-elle par habitude.

Son sourire s’accentua et pour la première fois depuis qu’il était revenu, Paula ressentit une forme de danger inexplicable. Lui servant sa boisson habituelle, elle ne put s’empêcher d’aborder le sujet en vogue ces derniers jours.

— Les disparitions continuent. Penses-tu que je devrais investir dans plus de sécurité ?

— Elles n’ont pourtant pas eu lieu dans le coin.

— Ce n’est pas le problème, Éric ! s’énerva-t-elle. Je suis une femme célibataire qui vit au-dessus de son lieu de travail. Je suis statistiquement une cible de choix !

Puis elle fit une pause, assimilant les mots de son ami.

— Comment sais-tu que ces gens n’ont pas disparu dans le coin ? questionna-t-elle lentement en se rappelant que la police n’avait jamais donné d’indication géographique.

Une lueur amusée et dérangeante brilla dans les yeux d’Éric, l’obligeant à reculer d’un pas.

— Je ne crois pas t’avoir parlé des complications qui m’ont amené à presque couper contact avec tout le monde, n’est-ce pas ?

Elle secoua la tête, incapable de parler. Un sentiment horrible émergea au fond d’elle face au non-dit de cette réponse indirecte.

— C’est arrivé peu de temps après mon arrivée à Londres. Je n’avais pas encore totalement pris mes marques quand ça met tomber dessus. C’était un accident, et ça a chamboulé toute mon existence, raconta-t-il distraitement, bien que Paula sentait que son attention était entièrement sur elle. La personne qui m’a fait est au moins quelqu’un de responsable et m’a pris avec lui pour m’apprendre comment gérer toute cette nouveauté.

Il soupira, las.

— Je ne te cache pas que l’année écoulée a été l’une des pires de ma vie, voire la pire. J’étais extrêmement déprimée, obligé de balayer et abandonner tout ce que je connaissais à cause de… cet événement. Garder contact et faire comme si tout allait bien était un calvaire, faisant que j’ai presque arrêté de donner des nouvelles malgré mon désir de rester accroché à mon ancienne vie.

— Éric… qu’est-ce que tu racontes ? souffla-t-elle à voix basse, faisant encore un pas en arrière.

Il se leva, un sourire plein de dents s’étirant sur son visage, la remplissant d’effroi.

— J’ai changé. Ou plutôt, j’ai été changé. Involontairement. Madeus avait un peu trop bu et je passais par là, fatigué par mes nombreuses heures supplémentaires, et voilà. Mordu et vidé de mon sang en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

— Quoi ? s’étrangla Paula.

Qu’est-ce qu’il racontait ? Il n’était pas… Il était en face d’elle, il ne pouvait pas… Éric avait-il perdu la tête durant son absence ?

— Oui, je sais, acquiesça-t-il en hochant la tête. Moi aussi, je n’y ai pas cru au début. Mais, tu sais, après m’être fait brûler par le soleil juste en passant devant une fenêtre, eh bien… je n’avais pas d’autre choix que de le croire.

— Quoi ?!

Non, ce n’était pas possible. Éric était devenu fou. Il délirait.

— La transition a été très dure et violente. Sans parler de mon nouveau régime alimentaire. Mais on se fait une raison au bout d’un moment. Et puis, ce n’est pas très différent que de tuer des animaux pour leur viande.

— Tuer ?! s’exclama Paula d’une voix aiguë, son dos cognant contre la porte de service.

— Hélas, affirma Éric avec ce qui pourrait être du regret. Bien que mort-vivant, je suis toujours obligé de me nourrir tous les jours et les humains ne durent que deux ou trois jours avant de mourir. Je ne sais toujours pas comment me débarrasser efficacement des corps d’ailleurs, ajouta-t-il, comme une réflexion après coup.

Le sang de Paula se glaça à l’entente de et aveu.

— Oh mon Dieu, Éric. C’est toi qui es responsable de ces disparitions ! Tu as tué tous ces gens !

L’horreur pure remplissait ses veines, la faisant trembler de toute part. Son ami, son meilleur ami, la personne dont elle était le plus proche, presque liée, était devenu…

— Qu’est-ce que tu es ? chuchota-t-elle, refusant de relier les pièces entre elles.

Éric sourit, prédateur.

— Un vampire, Paula, dit-il doucement en s’approchant. Et je t’emmène avec moi dans l'éternité.


Texte publié par Yuedra, 15 mars 2025 à 18h52
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