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Thème de la quête de l'Arbre à thé de Greta : Une nuée de lucioles apparaît lors d’une nuit sombre, éclairant un chemin invisible. Suivre ce chemin pourrait-il le mener à une rencontre fantastique ?

— Oh ! Regarde, maman, des étincelles vivantes !

Le vieillard courbé sur sa besogne leva la tête et observa la petite fille qui pointait du doigt de minuscules tâches dorées. Il se redressa en grimaçant, fouilla dans sa poche pour sortir ses lunettes et les chaussa. Des lucioles voletaient à quelques mètres au-dessus de la pelouse centrale du parc. La jeune femme et la fillette contemplèrent les danseuses légères avec un sourire. Puis elles s’emmitouflèrent dans leurs fourrures et reprirent leur route.

Le vieil homme les regarda passer, le cœur réchauffé par leur tendresse. Un frisson le parcourut ; il serra les pans de son manteau élimé pour conserver la chaleur et ramassa son éponge, qu’il trempa dans l’eau savonneuse, puis frotta les dernières tâches sur la statue qui trônait à cet endroit.

La nuit avait recouvert la ville depuis une heure et le froid promettait d’être glacial, mais il ne pouvait rentrer chez lui. Pas encore. Il devait terminer de nettoyer la statue de la déesse. Il n’avait pas pu venir plus tôt, car il avait été surchargé de travaux divers par le grand prêtre. D’après lui, les effigies du temple avait la préséance sur celle du parc, bien plus modeste. Mais le vieil homme n’était pas d’accord. Alors, il veillait à ce qu’elle soit aussi bien entretenue que les autres.

Lorsqu’il eut terminé, il laissa tomber l’éponge dans le seau, et se redressa lentement, douloureusement. Il jeta un coup d’œil autour de lui : le parc était désert ; les familles et les passants étaient rentrés se mettre au chaud ; la lune brillait à peine, cachée par des nuages gris qui annonçaient la neige. L’unique lampadaire du coin clignotait, proche de l’extinction. Pourtant, les lucioles attroupées, toujours au même endroit, créaient une aura dorée sur la pelouse sombre.

— Il fait bien trop froid pour vous, fit remarquer l’homme.

Les petites créatures l’ignorèrent totalement. Il fit soudain rempli de curiosité. Pourquoi ne partaient-elles pas ? Il s’approcha d’elles en boitant lourdement.

— Vous êtes loin de chez vous. Cette pelouse vous a peut-être bernée, mais ce n’est pas une prairie.

Il lâcha un petit rire, satisfait de son mot d’esprit. Les insectes eux-mêmes parurent apprécier ; leur danse devint plus dynamique. Une luciole vola jusqu’à lui et s’immobilisa juste devant son nez. Il loucha, ravi. Elle virevolta, puis retourna auprès de ses sœurs. Comme il ne bougeait pas, elle recommença son manège, une fois, puis deux, puis trois.

— Tu veux… que je me rapproche ? murmura le vieil homme, ébahi.

Un léger son cristallin retentit. Il aurait juré entendre un rire. Perplexe, il jeta un coup d’œil à son matériel abandonné au pied de la statue. Puis il haussa les épaules.

Il rejoignit la troupe de lucioles. Une partie s’installa autour de lui et il sentit leur douce chaleur qui se répandait sur sa peau, faisant disparaitre le froid. Une avant-garde partit en avant. Le vieil homme la suivit. L’étrange cortège avança à travers la pelouse jusqu’à la fontaine, puis jusqu’au bosquet d’arbres, jusqu’au mur d’enceinte qui s’évanouit dans un brouillard laiteux.

Le vieillard cligna des yeux. Là où auraient dû se trouver la rue, puis des immeubles, il ne voyait qu’un passage argenté, entouré d’un noir pailleté d’étincelles. Confiant, il continua sur le chemin, accompagné par les lucioles, devenues ses amies.

Combien de temps marcha-t-il ? Quelles contrées traversa-t-il ? Nul ne le sait et ne le saura jamais. Mais, comme tout chemin, celui-ci menait quelque part et il finit par y arriver. Un lieu de nulle part, au milieu d’un tout rempli d’étoiles. Un cercle de pierre qui flottait au-dessus du néant, au centre une roseraie, dont les fleurs épanouies brillaient d’un éclat spectral et argenté, un banc de marbre et, sur ce banc, une femme vêtue de rayons de lune et de lumière d’astres.

Les lucioles laissèrent leur nouvel ami et se précipitèrent vers la femme. Elles lui firent fête. La femme les accueillit en riant à gorge déployée, tendant ses mains fines pour les laisser se poser sur ses doigts. Puis elles repartirent rejoindre leurs compagnes dans le tout rempli d’étoiles.

L’homme, attendri, se figea quand la femme posa ses yeux éternels sur lui, pauvre mortel. Ses pupilles d’argent liquide semblaient lire au fond de son âme. Elle était jeune et ancienne ; ses longs cheveux blancs brillaient d’une lueur éthérée ; son visage aux traits parfaits n’était que douceur. Le vieil homme tremblant ne pouvait détacher son regard de l’apparition. Il connaissait son apparence par cœur, l’avait dessiné au crayon et au fusain, puis il l’avait peint et, finalement, gravé dans le marbre froid.

— Je ne vous ai jamais remercié pour vos œuvres, maitre Buzard.

— Je ne suis plus maitre.

La femme lui offrit un sourire triste.

— Vos tableaux et vos statues sont les plus magnifiques offrandes qu’un humain m’ait jamais faites, maitre.

— Je ne suis plus… celui qui les a créées.

Son cœur se brisa à ces paroles. Il détourna le regard de la déesse qu’il avait toujours adorée et qui ne l’avait jamais abandonné. Une main légère, souffle de brume et lumière de lune, se posa sur sa joue. Il se figea, tétanisé. Puis il obéit à la commande muette de la déesse et leva les yeux vers elle.

— Oh si ! Vous l’êtes. Je vois dans les cœurs de mes fidèles comme de tous les humains. Et je veux vous confier le projet le plus extraordinaire de toute l’histoire de l’humanité.

Stupéfait, et n’osant trop y croire, il se redressa. Que lui disait-elle ? Sa déesse le contemplait avec une douceur et une tendresse sans égale. Que pouvait-il répondre ? Si elle avait besoin de lui, il serait là pour elle. Le vieil homme hocha la tête. Le sourire de la déesse s’agrandit et réchauffa son cœur.

Le lendemain matin, on trouva dans le parc le seau d’eau gelée et le matériel de l’homme à tout faire du temple, mais pas Thermibad Buzard. Plus personne ne le revit jamais.


Texte publié par Feydra, 12 mars 2025 à 20h29
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