L’odeur de la cannelle se propage dans la cuisine alors que je verse le liquide dans une tasse stylisée de super maman. Un sourire étire mes lèvres en regardant mes enfants jouer dans le salon désordonné et que je laisse l’eau picoter mes lèvres par sa douce chaleur. Mes pensées divaguent vers une époque lointaine où j’ai l’age de mon premier né.
Ma mère est assise dans la canapé et tricote un nouveau pull pour mon frère. Elle boit une gorgée de son café et lève son regard noisette vers moi :
— C’est quoi ces yeux ?
Dans les siens, je lis le désintérêt total de connaître la réponse et mon estomac se serre immédiatement. Comment pourrais-je lui dire ce que je ressens alors qu’elle ne s’en préoccupe pas le moins du monde ? Qu’elle ne s’intéresse pas aux mêmes choses que moi ? Qu’elle n’apprécie pas de me laisser être qui je souhaite être pour ne pas paraître différente ?
— J’aimerais qu’on parle, dis-je finalement.
— Et moi j’aimerais que tu me donnes un coup de main, mais on a pas toujours ce qu’on souhaite.
Je déglutis, retiens les larmes qui remontent à mes yeux et secoue la tête en regagnant ma chambre.
Les années n’avaient fait que nous éloigner l’une de l’autre. Lorsque je l’observe, câliner mon frère, l’humour qu’ils partagent, les discussions qu’ils échangent, la jalousie ne cesse de creuser mon âme pour y jeter un peu plus de ma joie de vivre dans les ténèbres.
Lorsque je ferme la porte de mon refuge, je laisse les larmes dévaler mes joues. J’ai la pièce la plus éloignée dans la maison, comme s’y elle confirmait un non-dit : je ne ferais jamais partie de leur groupe. Je n’avais pas ma place dans cette famille.
J’étais celle qui écoutait du métal, celle qui portait des baggies et des sweats pour cacher son corps de jeune femme en construction. J’étais celle qui se rebellait frontalement contre l’ordre établit complètement désuet. Alors que j’aurais du être celle qui écoute des chansons d’amour, qui porte des jupes plissées au collants colorés avec des cheveux bien nattés. Et avec un caractère docile qui accepte tout sans oser contredire.
À cet instant, le seul désir que j’ai pour l’avenir est de ne jamais avoir de fille. Je ne veux pas devenir comme elle et ne pas réussir à changer le cours des choses. Les garçons semblent avoir une vie bien plus facile. Surtout de mon regard de petite fille de onze ans.
— Où es-tu partie ?
Je porte les yeux sur ma mère à mes cotés, son visage plus fin et ridé qu’à l’époque, les cheveux légèrement grisonnant sur le dessus des oreilles, qui me regarde avec bienveillance, attendant avec patience une réponse.
— Bien trop loin dans le passé, je soupire.
— Un passé dont je ne suis pas fière…
Je ne répond rien, consciente que mes mots peuvent briser le faible équilibre né en même temps que mes enfants. Mes fils viennent réclamer un bisous avant de se sauver pour jouer dans leur chambre.
— Ils sont très gentils, reprend-elle.
— Pas comme moi, hein ?
— Tu n’as pas été une enfant difficile. Tu… Je t’ai obligé à grandir trop vite. Ton père et moi avons toujours mis trop de responsabilités sur tes épaules et nous avons freiné trop de ta personnalité…
Je tourne la tête vers elle, qui m’adresse une moue étrange, les yeux remplis de nostalgie alors qu’elle boit une gorgée de café.
— Je n’ai pas su faire avec toi. Tu ne intéressait à rien de ce que j’aurais pu te transmettre et je regrette de ne pas avoir compris plus tôt qu’elle genre de personne tu finirais par devenir…
— Et c’est quoi ce genre ?
— Une personne qui croit en ses idéaux et qui fera tout pour sa famille. Je suis désolée de ne pas t’avoir encouragée à suivre ta voie. De ne pas avoir cru en toi.
Les larmes montent à mes yeux alors qu’elle attrape ma main pour la serrer tendrement :
— Je suis fière de la jeune femme que tu es devenue. Tu as affronter les épreuves avec courage, même si j’aurais aimé t’accompagner dans certaines d’entre-elles pour ne pas que tu sois seule.
— Mais je ne suis pas seule. Tu es ma mère, celle qui m’as donné la vie et je comprends aujourd’hui que le chemin que je me suis choisis puisse effrayer. Mais je n’ai jamais été seule. Mon conjoint a toujours été là.
— Une magnifique personne. Un sacré caractère mais un coeur en or, sourit-elle.
J’acquiesce en regardant l’homme qui partage ma vie depuis plus d’une décennie en train de monter un meuble avec l’aide de mon père qui m’observe en retour et m’envoie un baiser avec un clin d’œil.
— J’espère que tu parviendra à pardonner nos erreurs, reprend ma mère, un sourire figé.
— Le temps fait déjà son œuvre, je souris en retour.
Les garçons reviennent dans le salon pour embêter leur papy alors que je laisse mes lèvres s’étirer plus largement. Le pardon s’accorde lentement, il demande de la patience et beaucoup de travail sur soi. J’espère simplement que mes enfants ne traverseront pas les mêmes expériences que moi et qu’ils sauront que je les aime et qu’ils pourront toujours compter sur moi.
Car le temps nous est tous compter et qu’il serait bête d’en perdre un seul instant sans savoir si nous aurons un jour l’occasion de demander pardon ou même de pardonner.
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