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Il ne savait ni où il commençait, ni où il finissait. Il n’avait pas de contours, pas d’identité propre. Il était une chose, un amas de chair perdu dans une masse indistincte. Recroquevillé dans une boue épaisse qui s’infiltrait sous sa peau poreuse, il ne ressentait rien d’autre qu’une moiteur perpétuelle, un engourdissement lent et poisseux.

L’espace autour de lui n’avait pas de logique. Il n’était ni grand ni petit, ni clos ni ouvert. Chaque mouvement était un effort vain, une gesticulation insensée dans une matière qui n’adhérait à aucune définition. Le sol n’était ni dur ni mou, mais quelque chose entre les deux, une surface sans stabilité qui coulait sous lui dès qu’il tentait de s’y ancrer. Mais pourquoi lutter ? Pourquoi vouloir fuir, quand il ne savait même pas vers où ?

Il tenta de se laisser aller, d’accepter l’inertie. Peut-être que l’arrêt serait la réponse. Les secondes, les heures, les siècles – tout se fondait dans un continuum sans repères. Parfois, une pulsation sourde traversait son corps informe, un spasme inconscient. Était-ce un réflexe ? Un vestige d’un instinct qu’il aurait dû perdre ? Mais alors, une brûlure au fond de lui – un besoin primitif, peut-être de lumière, peut-être d’air – le forçait à se tordre à nouveau, à remuer sans but.

Puis vint la secousse. Un fracas sourd. La matière se fissura, s’ouvrit, et il fut projeté hors de sa prison.

Le dehors le frappa comme une gifle brutale. L’air trop vaste, l’espace trop bruyant, la lumière trop crue. Tout semblait vouloir le rejeter, le faire fuir. Il avançait, maladroit, étranglé par le vertige de l’inconnu. Autour de lui, des formes passaient sans le voir. Il tenta de se mêler à elles, mais chaque mouvement le trahissait, chaque pas le ramenait à sa propre étrangeté. Il était une anomalie, un résidu d’ailleurs.

Puis un bruit. Aigu, mécanique. Une menace indistincte, qui s’approchait. Il roula, se tordit, se jeta dans une fente à peine plus grande que lui. Là, enfin, l’apaisement. L’étroitesse, le silence, l’absence de vent. Il retrouva quelque chose de familier : l’oppression d’un espace clos, la certitude de ne pas avoir à choisir.

Et alors, une idée insidieuse, rampante, germa en lui : retourner.

Pourquoi vouloir comprendre ce monde ? Pourquoi chercher à exister dans un espace trop vaste pour lui ? Sa prison, si elle le limitait, lui offrait aussi un cadre, une définition, la certitude d’un inconfort permanent. Il savait ce qu’il était, là-bas. Ici, il n’était qu’une errance, un vide qui tentait de se remplir.

Alors, lentement, il se redressa. Il traversa les ruelles brisées, les visages indifférents qui le frôlaient sans le voir, le bruit sourd du monde qui continuait sans lui. Il ne voulait plus comprendre. Il voulait revenir.

Et ainsi, résigné à son sort, il se blottit dans les bras réconfortants de la routine, retrouvant dans la monotonie de son existence un mirage éphémère de sécurité. Car dans ce monde absurde et implacable, c’était là sa seule certitude : que, quelles que soient les vicissitudes du destin, il ne trouverait jamais refuge nulle part ailleurs que dans les limites étroites de sa propre prison.


Texte publié par unknownsorrow, 10 mars 2025 à 14h58
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