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Le défi : La promesse brisée : le personnage se rend compte qu’il a été trompé par une promesse qu’il croyait sacrée. Que fera-t-il pour se venger ou réparer cette trahison ?

***

Il a osé! Il m’avait promis, juré, craché même ! Et il a fallu qu’une femelle arrive pour qu’il rompe son vœu sacré. Quelle outrecuidance, quelle impertinence!

Notre accord était simple : JE suis le centre de son monde. C’est lui qui l’a annoncé, avec son langage de manant :

« Peu importe ce qu’il se passera, tu auras à jamais la priorité dans ma vie. Tu ne seras plus jamais seul. »

Il est vrai qu’avant notre rencontre, j’étais un chasseur solitaire. Né dans la rue, ma mère m’avait laissé seul dès mon plus jeune âge. La faim, le froid, le danger étaient mon quotidien. Il n’y avait pas un jour sans que je ferme les yeux en me demandant si je pourrais les rouvrir. J’arbore avec fierté les traces de ma survie.

C’était un soir d’été. Le soleil avait amorcé sa descente, et je profitais des derniers rayons allongé sur le sol. Moi qui étais toujours à l’affut, j’avais cette fois baissé ma garde. Ceci explique pourquoi je ne l’ai pas entendu venir : j’ai sursauté dans les airs quand il est sorti de son habitat. Lui aussi a été surpris : il ne s’attendait pas à un visiteur sur son balcon! On s’est observés comme deux combattants, et pour affirmer ma dominance, je l’ai invectivé avant de m’enfuir.

Je suis revenu plusieurs fois sur son territoire, en m’assurant au préalable de son absence. Mais moi qui pensait être totalement discret, je me trompais lourdement. J’ai dû laisser des traces de mon passage, et ça lui a inspiré une sacrée contre-attaque. Quand on est affamé en permanence comme je l’étais, comment résister à ce morceau de poisson orangé négligemment abandonné ?

Sans surprise, je suis tombé dans le piège. J’ai dévoré ce festin avant de m’enfuir le ventre plein. Le lendemain, c’était du poisson blanc. Puis de la viande. Tous les jours, il s’assurait de ma venue avec un repas. Comme une offrande. Et c’est alors que j’ai compris.

Un jour où il avait laissé la porte ouverte, je me suis approché pour observer son habitat. Pas question d’entrer, mais de mon poste, j’avais une vue assez large de ce qu’il appelle « son appartement ». Lui-même vaquait à ses occupations, et alors qu’il passait près d’une porte, j’ai découvert qu’il n’était pas seul.

Pas un autre comme lui, non. Mais ce que ma mère m’avait présenté comme « une ombre ». De ce qu’elle m’avait raconté, il s’agit de l’essence même des hommes, mais dépourvue de leur enveloppe charnelle. Invisibles aux yeux de la population humaine, nous pouvons cependant les voir sans problème, voire échanger avec eux.

Celui que je voyais suivait mon humain comme son ombre, s’amusant à lui souffler dans le cou pour le faire sursauter, ou déplacer des objets pour l’énerver. Et son petit jeu fonctionnait à merveille car l’agacement de mon nourrisseur allait crescendo.

J’avoue, je prenais plaisir, jour après jour, à observer le petit manège de l’ombre. Jusqu’à ce que je trouve mon humain qui m’attendait dehors. Ma surprise fut double car d’habitude, il se tenait à distance lorsque je festoyais ; mais il émanait de lui des ondes d’inquiétude et de peur. Il était assis à même le sol, à grelotter car l’hiver approchait.

- Je n’ai pas une bonne nouvelle pour toi, commença-t-il à me raconter alors que je me jetais sur le mélange de poisson et de viande qu’il m’avait servi. Il y a un truc qui ne va pas dans cet appartement. Je commence à me dire qu’il est hanté. Ça expliquerait pourquoi le loyer était aussi bas. Mais je ne vais pas pouvoir rester plus longtemps. Il se passe trop de trucs bizarres pour que je m’y sente bien. Je pense commencer mes recherches dès demain, pour partir au plus vite.

Partir… Et me priver de mon repas quotidien, ce qui me déplut immédiatement. Je le regardais longuement, à réfléchir aux possibles solutions.

- Tu n’as pas faim aujourd’hui ? me demanda-t-il en voyant que je n’avais pas terminé. Pourtant, ce ne sont que des choses que tu aimes. Il n’y avait plus d’anguille au magasin, alors je t’ai mis plus de saumon.

Quelle surprise! Cet humain avait remarqué mes préférences, il avait suffisamment prêté attention à moi pour adapter son offrande. Et s’il attendait quelque chose en retour ? Oui, ce devait être ça. Ce n’étais pas dans mes habitudes, mais si ça pouvait sauver la distribution de repas…

L’ombre choisit ce moment pour passer non loin de nous. Mon instinct pris le dessus et je bondis à l’intérieur à sa poursuite. Surpris de me voir, il se précipita dans ce que j’avais compris être son lieu de prédilection : la pièce où mon humain faisait sa toilette. La porte étant fermée, je ne pouvais pas le suivre, mais je me mis à sermonner cet intrus et lui faire part de ma pensée.

- Qu’on soit bien d’accord, ombre. Cet humain est à moi. C’est moi qu’il nourrit, donc tu vas cesser immédiatement tes persécutions! Je sais que tu es lié à cette pièce, mais ton champ d’action s’étend bien au-delà. Va donc t’amuser avec les autres, et laisse le mien tranquille. Sans quoi je trouverais le moyen d’entrer et je te ferais regretter de m’avoir provoqué.

Évidemment, elle ne pouvait pas parler, donc la seule « réponse » que j’obtins fut une sorte de gémissement. Mais je savais qu’elle m’avait parfaitement compris et que ma menace suffirait.

Trop occupé que j’étais, je n’avais pas remarqué que mon humain m’avait suivi.

- Je ne pensais pas que tu entrerais chez moi un jour, me dit-il. Tu veux voir ce qu’il y a à l’intérieur ? C’est juste ma salle de bains. Et il y fait un froid de canard en plus.

Il ouvrit alors la porte et l’ombre poussa un couinement encore plus aigu. Mais je ne franchis pas le seuil, ma seule présence suffisant.

Voyant que je ne désirais pas entrer, mon humain referma la porte.

- Suis-moi, me dit-il. J’ai quelque chose qui devrait te plaire. La couleur est horrible, mais elle est très chaude et moelleuse. Ça devrait te faire un bon lit. Mieux en tout cas de ce que tu devais avoir dehors.

Et à partir de là, tout ne fut plus que luxe pour ma petite personne. La couverture en question était jaune vif, mais associée à un coussin et le tout positionné en hauteur, cela devint mon quartier général : poste d’observation stratégique et lieu de repos douillet. Trois repas par jour, le droit de sortir à ma guise, et la cerise sur le gâteau : les massages. C’est clairement la meilleure chose que je retire de cette association, même s’il a fallu que je passe entre les mains de deux autres humains avant de pouvoir en profiter. Soi-disant pour ma santé, d’après son explication : être examiné sous toutes les coutures, puis recevoir des piqures, et enfin être lavé à grande eau, croyez-moi, ce n’était pas une partie de plaisir. Mais ça en valait la peine.

Tout se passait bien… Jusqu’à ce qu’elle arrive. La femelle. Celle qui, dès qu’elle entre dans l’habitat de mon humain, attire toute son attention et ses faveurs. Oh, j’ai toujours mes offrandes et mes massages. Mais je n’ai plus l’entière exclusivité de sa dévotion, et ça m’horripile au plus haut point. Il est temps de retrouver ma prédominance.

***

- Mais qu’est-ce qu’il fait ton chat ?

Je me retournais de mon plan de travail où je préparais le repas de Constantine. Mon chat était assis devant la porte de la salle de bains et, comme la première fois où il était entré, il émettait des petits miaulements brefs. Comme s’il était en train de discuter avec quelqu’un.

- Oh, rien d’exceptionnel. Il discute avec mon fantôme.

En voyant l’air effaré de ma petite amie, je m’empressais de terminer l’émincé de poisson pour le servir sans tarder dans sa gamelle.

- Il s’avère que ce cher Constantine, avec son oreille déchirée et sa balafre sur l’œil, est en fait un chasseur de fantôme. Tout a commencé quand j’ai emménagé dans ce chouette petit appartement du seizième arrondissement…

***

- Donc on est bien d’accord, je répète à l’ombre. Tu ne fais ton petit numéro qu’à la femelle. C’est elle qui doit avoir peur et s’empresser de quitter les lieux. Mon humain ne doit en aucun cas revivre ce que tu lui as fait subir il y a quelques temps. Sinon, tu sais ce qui t’attend. Est-ce que j’ai ta parole ?

L’ombre hocha lentement ce qui lui tenait lieu de tête. Parfait. Très vite, je serais de nouveau la personne la plus importante de la vie de mon humain. Un juste retour à la normale.


Texte publié par Quetzy, 9 mars 2025 à 23h50
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