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ROSE VIVE

Une page perdue de l'univers 'Esoteriam'

Note de Grimm : un défi de l'Allée des Conteurs (Le personnage boit le thé et découvre un miroir magique qui révèle une partie de son âme qu’il ignorait. Quelle est la vérité cachée qu’il y voit ?)

Θ

Quand je serai grande…

Venice retira la sucette de sa bouche et la posa négligemment entre la brosse à cheveux et les nombreux onguents qui recouvraient la coiffeuse d’Agathe.

Le miroir ovale lui renvoyait une image sucrée ; c’est ainsi qu’elle aimait se décrire : sucrée et pétillante. Elle prit soin de remettre sa chevelure rose en place, de lisser sa longue mèche bleue qui ondulait sur son front et d’ajuster le rouge à lèvre qui recouvrait ses lèvres.

La Venice du reflet lui adressa un clin d’œil. Elle se trouvait irrésistible avec ses yeux marrons tâchés de verts. L’examen minutieux de son maquillage la fit sourire : il était parfait et s’accordait avec délicatesse à sa nouvelle tenue de justicière. Du doré pour les paupières, des paillettes pour rehausser les tons sombres de sa peau et des accessoires roses. Beaucoup d’accessoires roses.

Car en digne « Magical girl » qu’elle était, Venice se devait de marquer les esprits. Magical girl… Peut-être aurait-il fallu déposer la marque ? Après tout, c’était bien elle qui avait inventé ce terme pour décrire son activité. D’autres sorcières ne tarderaient pas à s’en emparer. Pour l’instant, Venice était la seule dans ce domaine.

Combien d’heures avait-elle passer à s’entraîner pour avoir la meilleure chorégraphie de transformation ? Combien d’heures à parfaire son sortilège de transmutation ? A apprendre à faire tournoyer son sceptre ? Bien trop pour se laisser piller sans rien dire. Cette splendeur était la sienne.

Et c’était bien toute cette « magical splendeur » que Venice avait exposé à Agathe. Moment de partage durant lequel la concernée lui avait rappelé le nom d’Edmée.

Venice soupira ; il fallait donc continuer.

Elle profita de cette petite accalmie et attrapa une petite fiole accrochée à sa ceinture blanche et la versa dans la tasse de thé encore fumante qu’Agathe avait déposé sur le coin de la coiffeuse. La potion de mémoire lui permettrait de s’atteler à la suite de sa mission.

Par chance, la boisson contenait suffisamment de sucre pour être consommable. Elle but d’une traite et grimaça en reposant le récipient vide. Sa tête tournait déjà ; la potion faisait effet. Il lui suffisait désormais de penser à la jeune fille d’autrefois qu’elle souhaitait retrouver aujourd’hui. Edmée… Ses longues nattes blondes, ses taches de rousseur, ses dents écartées. Elle s’en rappelait encore, malgré le temps écoulé depuis.

Elle posa son regard sur le miroir : l’image se brouilla et son reflet disparut, laissant place à une jeune femme blonde, rayonnante, entourée de deux enfants aux traits similaires. Edmée et sa progéniture. Ils avaient l’air si… heureux ?

Venice le ressentait à travers le miroir, elle « voyait » sa réussite et ressentait ce bonheur qui émanait de ce reflet. Une famille unie, des parents attentionnés, des enfants exemplaires… La potion lui montrait la Edmée d’aujourd’hui. Pouvait-elle vraiment… ?

Non, c’était trop difficile. Venice secoua la tête ; jusqu’à présent, elle n’avait pas eu à faire face à ce genre de situation. Dans le cas d’Agathe, elle n’avait pas eu à réfléchir. Célibataire, sans attache, à tremper dans quelques histoires louches… Mais quant à Edmée ? La culpabilité s’empara de son cœur. Les enfants ne méritaient pas de subir pareille épreuve. Ce n’était pas humain. Ce n’était pas…

Soudain, le reflet dans le miroir changea. Edmée et ses enfants disparurent dans un grésillement noir et blanc.

Puis il y eut « elle ». Cette fille replète l’observait avec un sourire à la tristesse infinie. Cette fille, bien trop grosse aux yeux des autres, lui transmettait toute sa peine dans cette image figée. La part cachée de Venice… La blessure vive de son passé fracassa le sentiment de culpabilité qui commençait à naître en elle.

N’était-ce pas Agathe qui crachait jour après jour dans son verre à la cantine de l’école ? N’était-ce pas Jacinthe qui lui pinçait les bourrelets dans la cour de récréation ? Ou encore Erwan qui tapait ses fesses pour voir la peau s’agiter ? Et tous les autres. Ces autres qui rigolaient. Crachaient. Insultaient. Tapaient…

Elle retroussa la manche vaporeuse qui recouvrait son bras gauche et, du bout du doigt, suivie la cicatrice rosée. Une marque posée par Edmée en personne à l’aide d’un compas. Venice avait hurlé, bien sûr. Mais que pouvait une jeune fille contre un groupe tout entier ?

« Phacochon, pour te rappeler éternellement que tu es grosse et laide ». La voix d’Edmée résonna. Une larme pailletée quitta les cils de Venice ; elle tendit la main vers son reflet d’antan et posa sa paume contre la joue de celle-ci.

— Tu es brisée. Mais je suis là maintenant ! murmura-t-elle.

Le bruissement des draps dans son dos l’obligea à mettre fin à cette contemplation du passé ; Venice s’essuya les yeux à la hâte, s’arma de son sourire sucré et se calfeutra derrière sa splendeur. Elle se releva doucement et pivota vers Agathe.

La jeune femme reprenait connaissance et l’observait de ses grands yeux apeurés, ligotée et bâillonnée sur le lit. Elle tentait de s’égosiller, de gesticuler pour se dégager de son entrave ; rien n’y faisait.

Amusée, Venice attrapa son sceptre étoilé et le fit tournoyer entre ses doigts.

— Bien, ma chère Agathe. Il est temps d’en finir !

Quand je serai grande… je serai la vengeance !


Texte publié par Grimm, 9 mars 2025 à 19h44
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