Durant le week-end, Amaryllis et moi avons bien avancé. Je crois qu'elle commence à me faire confiance, peut-être même à m'apprécier. Elle n'a pas encore compris comment utiliser son don, mais je lui ai fourni quelques astuces et elle commence à maîtriser à la perfection les exercices de respiration que je lui ai appris. Je m'inspire, bien sûr, de la pédagogie de mes professeurs et des manuels qui trônent dans ma bibliothèque. Je pense que je m'en tire plutôt bien en tant qu’enseignante. Par contre, j'éprouve quelques difficultés à maîtriser l'impatience de mon élève, pressée d'entrer dans le vif du sujet. J'ai eu beau lui expliquer qu'il lui fallait les bases, que la patience était de mise et que de toute façon ses pouvoirs n'atteindraient leur potentiel que la nuit de ses dix-neuf ans, je vois bien qu'elle peine à contenir sa hâte de passer à la pratique. La fougue de la jeunesse… Cette attente fait aussi partie de l'apprentissage !
Ce lundi s'achève et Amaryllis sort de la bibliothèque, encore absorbée dans ses pensées, lorsque Lucas l'interpelle. Tiens, il aura mis le temps !
– Salut ! Tu vas bien ?
– Oh, coucou Lucas, répond-elle dans un sourire. Ça va, oui, et toi ?
– Ça va… Je me disais qu'on pourrait peut-être… enfin… Tu as quelque chose de prévu, ce soir ?
– Non, pas vraiment. J'allais manger et monter dans ma chambre. À vrai dire, je suis fatiguée.
– On peut manger ensemble, alors ?
– Pourquoi pas ! Justine est avec son copain, donc…
Lucas paraît soulagé. S'attendait-il à un rejet ?
– Parfait ! Alors allons-y !
Surprise par cet enthousiasme, Amaryllis lui emboîte le pas. Durant le repas, ils parlent de tout et de rien, se plaignent des professeurs trop exigeants, des cours trop soporifiques… Ils paraissent passer un bon moment, mais j'aurais voulu que Lucas ait le courage de revenir sur l'incident Joseph. À la fin du repas, le blondinet paraît nerveux. Lorsqu'ils sortent de la cafétéria, il passe une main derrière sa nuque. J’espère qu’il va enfin assumer la bêtise de ses mauvaises fréquentations.
– C'était sympa ce repas ! lance Amaryllis en s’étirant. Je pense que je vais aller me reposer… Bonne nuit, à demain Lucas !
Je soupçonne qu’elle ait juste prévu un autre programme pour profiter de l’absence de sa voisine de chambre et avancer avec moi, ce soir. Lucas la laisserait-elle indifférente ?
– Attends ! Je voulais te demander…
– Oui ?
– Est-ce que… en fait… Tu voudrais bien être ma cavalière pour le bal d’Halloween ? débite-t-il d’une traite. Enfin… Si tu veux pas, je comprendrai…
– Bien sûr ! s'exclame-t-elle avec entrain. Ça va être une super fête ! Je serais contente de passer la soirée avec toi.
L’azur des iris du jeune homme s'illumine. Je crois qu’il ne s’attendait vraiment pas à une réponse positive. À vrai dire, moi non plus, vu comme c’était parti.
– Génial ! À demain, alors !
Amaryllis acquiesce puis s’éloigne après un signe de main.
– Yes ! chuchote Lucas en esquissant un geste de victoire du poing.
Je suis un peu déçue par son attitude, il fait comme si rien ne s’était passé. En tout cas, je garde ses potes à l'œil. Le robinet dans la salle d’eau de Joseph lui a déjà explosé à la figure et il a glissé en sortant de sa douche à cause de rideaux défectueux. Il s’est aussi disputé avec son voisin de chambre pour une sombre histoire de cure-dents dans son lit. Je n’ai pas encore dit mon dernier mot : je n’arrêterai pas de lui pourrir la vie tant qu’il n’aura pas présenté ses excuses, le bougre ! Et j’attendais de Lucas qu’il y veille aussi. Compte-t-il juste oublier et passer à autre chose sans même avoir réglé le problème ? Est-il naïf au point de penser que son ami ne recommencera pas ? En tout cas, il s’est bien ragaillardi avec cette invitation !
En parlant d’invitation, il y en a un qui commence à désespérer avec une certaine groupie.
– Jeremiaaah ! Alleeez chou, dis moi oui cette fois-ci !
– Marina… soupire-t-il avec un air blasé. Je sais même pas si je vais y aller, à cette fête, et quand bien même, ce serait sûrement pas avec toi.
– Oh, mon pauvre petit cœur… Tu es encore fatigué ! Tu ne veux pas que je te réconforte un peu ? Tiens, je t'ai trouvé des bonbons au miel ! Je les ai ensorcelés pour toi.
En effet, le jeune homme n’a pas très bonne mine après sa convalescence. Une pointe de culpabilité m’étreint que je chasse bien vite. Après tout, il l’avait bien mérité.
– J’ai juste besoin de repos, alors lâche-moi la grappe, tu veux ?
– Bien sûr chéri, je comprends, à très vite !
– C’est ça, dans tes rêves… marmonne-t-il.
Jeremiah rejoint sa chambre et lâche son sac au sol avec lassitude. Nous n’avons plus reparlé, depuis la dernière fois. J'ai bien envie de le titiller encore un peu.
J’attends qu’il tourne son regard vers le miroir et je me lance :
Quelle cruauté envers ton admiratrice
C’est tout naturellement qu’il me rétorque par télépathie :
– Tiens ? Une revenante ?
– Parle pour toi. T'as vu ta tête ?
– La faute à qui !
– Tu l'avais bien cherché.
Un sourire en coin se dessine enfin sur son visage plus pâle qu'à l'ordinaire.
– C'est pas faux… admet-il. D'ailleurs, Amaryllis n'a toujours pas répondu à ma proposition.
– Reste loin d'elle. Ta proposition est malhonnête. Pourquoi y répondrait-elle, de toute façon ?
– Parce qu'elle a besoin de moi ?
– Faux. Elle a besoin d'apprendre à canaliser ses pouvoirs.
– Et je suis le seul à pouvoir l'aider.
Il m'exaspère à tout ramener à lui ! Autant que j'essaie d'en savoir plus :
– Tu vas lui demander quoi, en échange ?
– Ça, ça ne te regarde pas.
– Je ne te laisserai pas lui faire du mal.
– C'est le contraire, puisque je veux l'aider !
Le jeune homme fronce les sourcils avec circonspection :
– Tu vas continuer de me mettre des bâtons dans les roues… ça m'étonne pas de toi.
– Tu m'as avoué toi-même que tu…
– Je t'ai dit que je ne faisais qu'obéir à des ordres, me coupe-t-il. J'agis en connaissance de cause. Avant d'accomplir ma mission, je l'aiderai à découvrir ses pouvoirs pour qu’elle puisse s’en tirer par elle-même, point.
– Point.
– Oui, point !
– Tu oublies le détail que tu comptes lui demander ensuite.
– Comme tu dis, c'est juste un détail.
– Tu es irrécupérable.
– Je sais.
Raaah son air narquois me fait rager ! Hors de question qu’Amaryllis accepte un tel marché. Rira bien qui rira le dernier !
– De toute façon, tu as tes corvées à faire. Tu n'auras pas le temps pour ça.
– J'ai ma petite idée.
Ses plans commencent sérieusement à me faire perdre patience. Qu'est-ce qu'il a en tête, cette fois ? Il veut avoir le dernier mot, l'impertinent ! Mais je ne lui laisserai pas ce plaisir.
– Fais attention où tu marches, si tu cherches à l'approcher.
Mais c'est que ça le fait rire, en plus !
– C'est tellement facile de te faire prendre la mouche ! Arrête de t'inquiéter, je sais ce que je fais.
– Je n'ai aucune confiance en toi. Tu me caches trop de choses.
J'ai l'impression de voir passer une lueur de tristesse dans son regard. Pourquoi faut-il qu'il soit toujours si imprévisible ? Son aura m’indique qu’il est désorienté, mais il ne tarde pas à reprendre contenance :
– En attendant, tous mes problèmes viennent de toi, j’te signale. Alors c'est réciproque ! lance-t-il en croisant les bras.
– Si tu parles de Marina, tu l'avais cherché aussi.
– T'as toujours des excuses ! Bon, moi, j'ai besoin d'une bonne douche ! À la prochaine, A.
C'est ça, à la prochaine, petit insolent. Toi aussi, je t'aurai à l'œil.
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