Suite à ce repas mouvementé, Amaryllis a passé son temps à la bibliothèque. Elle est sérieuse depuis le début, mais en plus de ses études, elle a commencé des recherches me concernant. Je sais qu’elle ne trouvera rien d’intéressant, ici. Moi-même je n’ai pas pu y dénicher des informations relatant mes origines. Malheureusement je n’en sais pas plus que les éléments contenus en mon sein ! Même dans les archives, il n’y a rien qui pourrait expliquer ma spécificité. Et j’en ai épluché, croyez-moi ! Des parchemins, des dossiers ou de vieux livres désormais jaunis par le temps… J’ai toujours été à l’affût d’éventuelles conversations qui auraient pu évoquer les conditions de ma construction, sans jamais récolter le moindre indice. J’imagine que c’est voulu… Bref, elle ne trouvera rien d’autre que ce qui est de notoriété publique.
Pour l’instant, je n’ai pas encore osé communiquer avec elle. Je crains de l’effrayer en faisant voler des objets, et si j’écris un message, elle pourra penser que c’est une blague… Ou peut-être bien que je ne me sens pas prête à franchir ce cap et que je me cherche des prétextes. Toujours est-il que j’ai pu surprendre une conversation bien intéressante, tout à l’heure. Mme Brun n’a pas lâché l’affaire et a mené sa petite enquête concernant Amaryllis. De ce que j’ai entendu, elle serait orpheline et a été élevée par une famille d’accueil dès le plus jeune âge, ce qui pourrait expliquer qu’elle ignore encore ses capacités magiques. Mme Schmitt l’a écoutée d’une oreille distraite. Vexée, la détective improvisée s’est renfrognée sans en dire plus, à mon grand désarroi car elle avait l’air toute excitée de poursuivre son récit.
Tout ça pour dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil déclinant de ce mois d’octobre déjà presque écoulé. Ah si, Lucas et Amaryllis se sont un peu rapprochés. Ils mangent ensemble et se retrouvent parfois à la bibliothèque, même si la plupart du temps Justine est là pour tenir la chandelle. Quoi, vous pensez que je mets la charrue avant les bœufs ? Bon, d’accord, pour l’instant ils sont juste amis. Mais quand même, j’ai bon espoir qu’Amaryllis prenne les devants ! Parce que si elle doit attendre que Lucas se décide à faire ses aveux… On n'est pas sortis de l’auberge ! Quant à Jeremiah, je ne sais pas ce qu’ il mijote puisqu’il passe le plus clair de son temps à l’extérieur. En tout cas, il n’a plus essayé d’approcher Amaryllis depuis leur dernière rencontre. Je n’aime pas trop ça… J’ai bien peur qu’il ne fomente un plan un peu moins sympathique qu'une simple tentative de drague pour mieux approcher sa cible.
Ce soir, le week-end tant attendu démarre. C’est l’effervescence dans mes couloirs. Amaryllis et Lucas sortent de la bibliothèque, abandonnés plus tôt par Justine qui avait un rencard. Elle n’a pas voulu leur dire avec qui mais moi je sais ! Hein ? Non, je ne vous dirai rien, je suis capable de garder un secret, tout de même !
– Encore bredouille, soupire Amaryllis. Je suis sûre qu’il y a quelque chose d’étrange ici, pourtant !
– J’ai remarqué que tu faisais des recherches sur les origines de l’université et… je suis d’accord avec toi, les rumeurs sont peut-être fondées, confirme Lucas.
– Toi aussi, tu sens une sorte de… présence, parfois ?
Le jeune homme hausse les sourcils dans une moue empreinte de surprise puis fait mine de réfléchir avant de répondre :
– J’ai déjà remarqué quelques détails bizarres, en tout cas.
– Tu dois me prendre pour une folle ! s’exclame Amaryllis en riant.
– Pas du tout !
Amaryllis s’arrête dans son élan, étonnée par le ton employé par Lucas qui a presque crié sa désapprobation. Je me rends compte qu’ils ont emprunté des escaliers dérobés, normalement interdits aux étudiants. A-t-elle décidé d’approfondir ses recherches autrement ?
– On va où, au fait ? s’enquiert Lucas en regardant autour de lui.
– J’ai lu dans certains documents qu’il y avait des pièces cachées et des passages secrets. Je pense qu’on pourrait peut-être en savoir plus par ici !
Amaryllis lève les mains avec désinvolture en fournissant son explication. Lucas pince les lèvres.
– Quoi, t’as peur ? interroge Amaryllis en lui donnant un petit coup d’épaule.
– C'est que… je vais devoir y aller…
Amaryllis se renfrogne immédiatement, croisant les bras. Elle sait que Lucas fait partie de la majorité des internes retournant chez eux le week-end et qu'il a l'habitude de rencontrer ses amis pour un match avant de partir chaque semaine.
– Je vois… concède-t-elle.
Lucas dévoile ses dents blanches puis commence à descendre et elle lui emboîte le pas. Alors qu'ils sont presque au pied des escaliers, Amaryllis reprends la parole, hésitante :
– Tu sais, je me demandais…
– Oui ? l'encourage-t-il.
– Ça ne te cause pas d'ennuis, de traîner avec moi ?
Il s'arrête en bas des marches, pris de cours par sa question. Moi, je devine pourquoi elle lui demande ça. Les amis de Lucas ne sont pas tendres avec elle. La plupart des étudiants de son groupe la méprise, juste parce qu'elle est différente des autres. Ce qu'ils peuvent être bêtes à cet âge…
Amaryllis, qui ne s'attendait pas à cet arrêt soudain, trébuche sur la dernière marche et percute son compagnon qui la rattrape avec douceur. Ses traits ne montrent que compréhension et gentillesse.
– Pourquoi ? Ça devrait ?
– J'ai entendu tes amis, la dernière fois…
La voix d’Amaryllis devient presque inaudible et elle baisse les yeux. Le surnom dont ils l'ont affublée ne l'a pas laissée de marbre. Même si elle reste impassible, en apparence, j'aurais voulu la consoler bien des fois lorsqu'elle se retrouve seule dans sa chambre. Lucas n'a pas lâché ses épaules qu'il presse dans un geste de sollicitude.
– Ne t'inquiètes pas, je leur ai parlé… Ils ne sont pas méchants, au fond !
Amaryllis acquiesce en silence et ose enfin lever son visage avec un sourire timide. Les lieux ont été désertés. Leurs visages sont tout proches, à présent. Médusée, j'observe Lucas remettre avec délicatesse une mèche immaculée en place et ses doigts glisser sur la joue de la jeune fille.
– Tu es très belle, Amaryllis, murmure-t-il, tu ne dois pas en douter.
Il faut croire que l'amour donne des ailes ! Envolée, cette timidité qui a laissé place à une profonde tendresse. Le peu de distance qu'il restait entre eux s'efface. Leurs lèvres se frôlent presque… lorsqu'un gloussement inopportun éteint la magie du moment. Je suis tout aussi frustrée que notre couple est surpris. Tous deux tournent la tête vers les arrivants.
– Sérieux Lucas, t'es en couple avec l’Albinos ? ricane Joseph.
Amaryllis s'écarte brusquement et s'empourpre tandis que Lucas prend sa défense avec une verve inhabituelle :
– Je t'ai déjà dit de ne plus l'appeler comme ça !
– Tssss allez, arrête de faire semblant ! C'est pas parce que t'as encore réussi à emballer aucune nana que tu dois tenter le coup avec celle dont personne ne veut !
Lucas serre les poings alors que ses amis s’esclaffent. Amaryllis tourne les talons pour cacher les larmes que je perçois au coin de ses yeux.
– Attends ! la retient Lucas en attrapant son poignet. Il dit n'importe quoi…
– Lâche-moi !
Il desserre sa prise, abasourdi par la violence de sa réplique qui se répercute en écho. Le temps semble suspendre son vol un instant, comme si la scène se jouait au ralenti… puis elle s'enfuit en courant. Tout comme moi, les occupants du couloir restent un moment interdits devant cette manifestation étrange. Est-ce lié aux capacités magique de ma protégée qui a déjà disparu au détour d’un couloir ? Affligée, je ne peux que constater l'ampleur des dégâts. Lucas, d'ordinaire si calme, explose :
– Bande d'idiots ! Pourquoi vous vous en prenez à elle ? Surtout toi, Joseph ! T'es le pire meilleur ami qu'on puisse avoir !
En effet, Joseph est bien au courant de l'attirance qu'éprouve son camarade envers Amaryllis puisque Lucas s'était confié à lui.
– Ça va, ça va ! Tu trouveras bien une fille à ton goût qui ne sera pas…
– Qui ne sera pas quoi ? tonne Lucas, désormais tout proche.
Mes murs en frémissent tant la tension est palpable. Les autres se sont esquivés en bredouillant qu'ils se retrouveraient sur le terrain. Ça sent mauvais, Lucas semble prêt à en découdre… mais Joseph lève les mains en signe de paix.
– C'est bon mec ! Je pensais pas que t'étais accro à ce point à cette…
– Elle a un prénom, elle s'appelle Amaryllis… coupe Lucas, les dents serrées.
– Ok ok, c'est bon !
– … et j'exige que tu t'excuses auprès d'elle.
– Je l’ferai, juré craché !
L’idiot crache dans sa main pour de bon puis la contemple avec dégoût avant d’offrir un sourire forcé. Celui-là, c’est vraiment pas une lumière… Et je doute de la suite qu’il donnera à cette promesse qui sonne faux. Lucas semble se détendre un peu, son ami lui tend son autre paume ouverte et il finit par la saisir.
– Allez, viens prendre ta revanche sur le terrain ! propose Joseph avec entrain tout en s’essuyant discrètement sur son pantalon.
Beurk…
– Compte sur moi !
Joseph s'éloigne d'un pas décidé, mais avant de partir à sa suite, Lucas sort son téléphone, hésitant.
– J'arrive…
Il court jusqu’au bout du corridor, tourne la tête à gauche, à droite, et tente de passer un appel, mais personne ne décroche. Alors, il écrit rapidement un message puis finit par rejoindre son équipe de baltringues. Et moi, je m'inquiète pour ma pauvre petite Amaryllis…
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