Les jours qui ont suivi, j’ai prêté une attention encore plus particulière à ma petite Amaryllis. Ainsi, j’ai pu restreindre ce m’as-tu-vu de Jeremiah dans ses tentatives d’approches. C’est quoi le plan ? La séduire pour mieux l’approcher ? J’avoue que je m’amuse bien à déjouer ses tentatives.
Il y a deux jours, je lui ai littéralement fermé une porte au nez. Il en porte les séquelles, si j’en crois la boursouflure bleutée qui l’orne encore. Et puis, je l’ai bien eu sur son dernier essai, avec le bouquet de rose ! Un léger coup de vent par une fenêtre ouverte malencontreusement et hop ! Devant la chambre d’en face, celle d’une des plus ferventes admiratrices de notre briseur de cœur, une certaine Marina. Quand elle a découvert les fleurs, la jolie blonde a sauté de joie comme une hystérique. Ce qu’elle est, par ailleurs, et ça arrange d’autant plus mes affaires.
“Rdv ce soir après les cours, dans les Jardins du Crépuscule.”
Je me suis permis d'ajouter une belle signature au nom de ma cible à la fin de sa note qu’il avait laissée anonyme. Il n’est quand même pas si bête… Ah oui, j'y pense ! Je ne vous l’ai pas encore dévoilé, mais j’ai le pouvoir de contrôler tout objet non organique qui franchit mon seuil. Sauf s’il est électronique… Tout pouvoir a ses limites ! Bien sûr, j’en use avec parcimonie. Mon but n’est pas d’effrayer mes étudiants sur un malentendu en déclenchant des poltergeists à gogo. C’est utile en tout cas, surtout dans ce genre de situation. Bref, je m'égare ! Conclusion : depuis, la groupie de Jeremiah le suit partout et n’a de cesse de le harceler, malgré ses réticences évidentes et ses rabrouages incessants. J’admire sa ténacité, vraiment !
Cependant, je n’ai pas pu empêcher une entrevue, cette fois, et Marina non plus si j'en crois son absence. J’imagine que Jeremiah aurait préféré une rencontre hors les murs, mais il a dû s’impatienter et semble avoir décidé d’aborder Amaryllis directement. Celle-ci se dirigeait tranquillement vers la cafétéria avec sa seule amie, Justine, quand il a choisi de faire son numéro. Le lourdingue est accompagné de son copain, Francis. Je n’aime pas ça.
– Salut les filles ! Ça vous dit qu’on mange ensemble ? minaude le grand blond baraqué telle une armoire à glace.
Jeremiah agrémente la proposition de son pote d'un sourire étincelant. Amaryllis fait la moue. Justine écarquille les yeux. C’est sûr, les deux types réputés pour être les plus canons de l’université qui t’invitent à leur table, ça doit faire rêver, quand on ne connaît pas les types en question ! Jeremiah sèche les cours pour être ici. Ses horaires ne sont pas censés correspondre avec ceux d'Amaryllis. Toutefois, ce lieu est l’un des seuls où étudiants magiques et ordinaires peuvent se croiser, à condition qu’ils ne soient pas perdus, ce qui explique ce choix.
– Avec plaisir ! glapit Justine sans laisser l’occasion à son amie de rétorquer.
Amaryllis pousse un soupir résigné et la suit en évitant le regard insistant de Jeremiah. Justine converse avec aisance tandis qu’elle se mure dans le silence en s’installant à leur table, face à l’espion de pacotille. L’expression de ma protégée reste impassible. Je crois bien qu’elle retient quelques remarques désobligeantes.
– Et toi, Amaryllis, quelles sont tes passions en dehors des études ?
Jeremiah insiste sur son prénom qu’il n’est pas censé connaître. Sa voix suave et son sourire ravageur me donnent la nausée. À la principale intéressée aussi, si j’en juge par son appétit. Pourtant, elle ne se laisse pas déstabiliser.
– En tout cas, ce n’est pas d’enquêter pour trouver le prénom d’un éventuel prétendant, répond-elle dans un sourire tout à fait charmant contrastant avec la froideur de son ton.
Elle a de la répartie, la p’tite ! Et tout ça en le fixant droit dans les yeux, en plus ! Jeremiah fronce les sourcils et son expression avenante se fige en un rictus. En général, toutes les filles tombent en pâmoison devant ses beaux yeux, alors il accuse le coup. Justine s’étrangle presque avec son verre d’eau. Francis, lui, éclate de rire.
– Trop bonne celle-là ! La blague hein… Quoique !
Mais quel gros lourd celui-là… Il appuie ce qu’il semble considérer comme la meilleure plaisanterie au monde avec un clin d'œil. Jeremiah a quand même un QI supérieur à celui d’un bulot, au moins. Le malaise prend possession des lieux. Francis étouffe son fou rire avec un petit couinement provoqué par le pied de son ami écrabouillant le sien sous la table.
– Je peux me joindre à vous ? intervient soudain une voix douce.
Alors là, je suis tout autant surprise qu’Amaryllis ! Lucas vient d’arriver, tout sourire, en désignant la place à côté d’elle. Lui aussi, je l’ai observé. Il se fait aussi discret que l’un de mes murs. Je l'ai surpris plusieurs fois à écrire des poèmes et essayer de se convaincre d’aborder Amaryllis dont il est manifestement tombé fou amoureux. Son intervention m'apparaît d’autant plus étonnante et attise ma curiosité au plus haut point. En y regardant de plus près, toute la tablée est restée bouche-bée face à cette intrusion inattendue. Les traits d’Amaryllis se détendent alors qu’elle accepte avec joie :
– Bien sûr ! Viens !
Soudain hésitant devant cet enthousiasme, Lucas dépose son plateau et s’assoit, écartant un peu sa chaise de celle d’Amaryllis. Son sourire s’est évanoui. Il peine à cacher sa nervosité. Un peu de nerf, bon sang ! Je me décide à l’aider. Son siège ricoche et il obtient l’inverse de l’effet voulu, tombant presque sur celle qu’il tentait de fuir. Par réflexe, elle l’a attrapé par les épaules. Je jubile.
– Oh, ça va ? s’inquiète-t-elle.
– Oui oui, je sais pas, la chaise a ripé !
– Ou t’es juste pas doué, se gausse Jeremiah.
Son ton condescendant m’horripile. Je déclenche l’ouverture de la fenêtre derrière lui et il la reçoit en plein derrière la tête. Justine sursaute.
– Aouch ! Mais c'est pas possible ça ! proteste la victime de mon attaque.
Lucas esquisse un sourire en coin et Amaryllis place une main devant sa bouche pour s'empêcher de rire. J'ai bien obtenu l'effet escompté. Cependant, Jeremiah n'a pas dit son dernier mot. Il s'emporte, sa paume n'ayant pas quitté son crâne douloureux :
– Et qu'est-ce que tu fous là, toi, d'ailleurs ?
– C'est mon petit ami, déclare Amaryllis en dévoilant ses dents blanches.
Je tombe des nues. Lucas aussi. Il tressaille quand elle pose une main sur la sienne, bien en évidence sur la table, et son visage au teint clair s’empourpre. Jeremiah se décompose. Décidément , ce repas s'avère divertissant ! Toutefois, notre agent double retrouve très rapidement une contenance et son rictus de tordu. En désespoir de cause, il ne tarde pas à quitter la table en traînant son mollusque derrière lui. Francis envoie un baiser à Justine qui pouffe de rire en réaction.
– Tu ne devrais accorder aucun crédit à ces types ! s'exclame Amaryllis en ramenant son plateau.
– Bah, c'est juste pour m'amuser ! Il est pas futé après, c'est sûr…
Les deux filles s'esclaffent sans se soucier de la présence de Lucas qui a suivi le mouvement.
– Bon, moi je passe au petit coin, on s’retrouve en cours ! conclut joyeusement Justine.
Amaryllis pince les lèvres, les mains entrelacées dans son dos, et se tourne enfin vers Lucas.
– Hum… Je suis désolée de t'avoir pris de court comme ça ! Je voulais me débarrasser de ces gros lourds.
– Oh ! C'était un plaisir ! Je veux dire… de vous aider.
Ses bafouillements déclenchent un léger rire chez son interlocutrice. Je les trouve plutôt mignons, tous les deux !
– Vraiment, c'était sympa de jouer l’jeu… Lucas, c'est ça ?
Il acquiesce frénétiquement en répondant à sa poignée de main, croisant son regard.
– Nous n'avons pas encore eu l'occasion de faire connaissance alors, enchantée ! Moi, c'est Amaryllis.
– Oui, je sais, c'est très joli, affirme Lucas d'une voix forte avant de bégayer dans la précipitation, enfin, je veux dire, on suit les mêmes cours donc, j'ai entendu, tu vois…
– Hey, Lucas ! Tu viens ? On va être à la bourre sinon !
Joseph agite impatiemment ses longs membres effilés pour lui faire signe de le rejoindre. Les leçons de l’après-midi ne vont pas tarder à débuter et ils ont pour habitude de s'entraîner au basket avec un groupe d'amis durant la pause déjeuner. Lucas reste planté là un instant, indécis.
– À toute, Lucas ! le salue Amaryllis pour l'encourager.
– Oui, c'est ça, à tout à l'heure !
Il s'emmêle les pieds en se retournant pour rejoindre son ami mais se retient in extremis. Sa timidité est vraiment maladive…
Tandis qu'il s'éloigne, Amaryllis effleure mes pierres en sillonnant le couloir, pensive. Elle murmure :
– Cette fenêtre… Je me demande si c'était vraiment une coïncidence ?
Elle hausse les épaules. Une drôle de sensation m'envahit. Devrais-je tenter de communiquer avec elle ?
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