Ah, l’automne… Ma saison préférée ! Ses couleurs chatoyantes, son annonce du renouveau et ses colchiques s'épanouissant à l'image de mes petits étudiants qui commencent à prendre leurs marques… Oui, la plus belle période de l'année !
L'effervescence matinale agitant mes couloirs me galvanise. Tout le monde commence à s'y repérer et je m'arrange pour aider les moins dégourdis à retrouver leur chemin. Un couloir sombre par-ci, un tableau étrange par-là… À force, ils finiront bien par se souvenir du bon chemin !
Amaryllis sinue au beau milieu du chaos apparent, le nez sur ses feuilles, absorbée par des formules mathématiques. Je ne comprends pas pourquoi elle s’est inscrite dans un cursus ordinaire. Ignore-t-elle l’énergie magique qui l’habite et la nature de ce lieu ? Cette hypothèse m'apparaît des plus étranges. Ah ! J'oubliais. Je vous dois des explications. Lorsqu'une personne entre ici, je perçois son aura, son énergie, si vous voulez. Chaque personne possède une signature énergétique qui lui est propre. Celle d’Amaryllis m’a estomaquée dès le départ ! À peine a-t-elle posé un pied dans le hall que j'ai ressenti sa douce puissance. Cependant, j'ai été surprise de constater qu'elle avait choisi un parcours classique en biologie. Les conversations des professeurs ne m'ont pas permis d'en apprendre plus pour l'instant. Depuis qu'ils ont tout informatisé, je n'ai plus accès à ma guise aux informations stockées ici, à mon grand désarroi. Ces objets diaboliques demeurent opaques à ma magie. Parfois, je m'amuse à les éteindre avec de malencontreuses pannes d'électricité, mais j'essaie de ne pas trop en abuser non plus. Je crois bien que personne n'a encore jamais percé mon secret et c'est très bien comme ça !
Mince ! Pendant que je digresse, Amaryllis vient de croiser le chemin de Jeremiah. Enfin, heurté devrais-je plutôt dire… Voilà ce que c'est d'étudier en marchant ! La jeune fille reste interdite un instant alors que le bougre commence déjà à l'insulter.
– Tu peux pas regarder où tu vas !? Espèce de…
Jeremiah s'interrompt lorsqu'il croise le regard gêné d’Amaryllis. Qu’est-ce qu’il fait là, lui, d’abord ? Il devrait se trouver dans l’aile des études magiques. Elle se mord la lèvre, paraissant plus embêtée par ses papiers éparpillés au sol que par le grossier personnage qui lui fait face, et marmonne :
– Désolée…
Le pauvre type hausse les sourcils et la gratifie d'un sourire charmeur. Non mais il croit faire quoi là ? Hors de question que je le laisse draguer ma protégée préférée de cette année ! Oui, je ne l’aime pas, ça se voit tant que ça ? Son aura a beau être puissante, l'énergie qui s'en dégage m’apparaît nauséabonde. Il prend plaisir à étaler sa supériorité à qui veut bien l'entendre et même à écraser les autres sous sa botte de snob à la moindre occasion. Bref, je ne peux déjà plus me l'encadrer en peinture, même si je dois avouer qu’il est beau gosse avec sa carrure et son allure ténébreuse. Et voilà qu'il essaie de faire du charme à ma petite Amaryllis ! D’accord, comme tous les garçons qui la croisent. Avec ses traits fins, ses iris aux reflets carmins et sa chevelure d’une blondeur tirant sur le blanc, elle attire l’attention malgré sa discrétion. Ce que tous ignorent, c’est que ces couleurs sont naturelles. Ma curiosité à son sujet n’en est que plus attisée. Je soupçonne qu’elle fasse partie d’une famille prestigieuse parmi les magiciens. Pourquoi semble-t-elle l’ignorer totalement ?
– Tu pourrais m’offrir un verre pour te faire pardonner, propose Jeremiah.
Mais quel culot ! Les bras croisés, adossé au mur, il n’esquisse même pas un geste pour aider Amaryllis à ramasser ses cours. Je crois bien que je m’échauffe au sens propre car il s’écarte vivement des pierres devenues brûlantes.
– Ouch ! Mais c’est quoi ça ? C’est toi qui as fait ça !?
Amaryllis relève la tête, surprise. Jeremiah fulmine, les poings serrés. Puis il se calme d’un coup et un rictus anime ses lèvres. La jeune fille ayant terminé de rassembler ses feuillets, il tend une main vers elle.
– Bon, ok, c’est moi qui t’invite.
– Je suis pressée. Pas de temps à perdre avec des inconnus indélicats. Bonne journée, assène-t-elle sèchement en refusant son assistance.
Bien envoyé ! Elle s’éloigne déjà, laissant Jeremiah bouche-bée derrière elle. Ça lui apprendra, lui qui n’a pas l’habitude de se faire rembarrer ! Faut pas rêver, ça ne lui servira sûrement pas de leçon, mais c’est quand même satisfaisant. C’est là que je le remarque, un peu plus loin. Lucas sourit devant la scène qu’il vient d’observer. Comptait-il intervenir ? Ma foi, je n’en ai aucune idée. Même s’ils suivent le même cursus et qu’il semble faire partie des fervents admirateurs d’Amaryllis, il n’a pas osé l’aborder jusqu’ici. Tout le contraire de Jeremiah. Serviable, humble, intelligent... même physiquement ils sont à l’opposé, bien qu’aussi agréables à regarder l’un que l’autre. Dommage que Lucas ne possède aucune capacité magique.
Le reste de la matinée se déroule sans aucun autre évènement notable. J’apprécie ce calme confortable en m’amusant à observer tout ce joyeux petit monde : les cours passionnants, ou pas, donnés par des professeurs tous compétents en tout cas, et les étudiants, sérieux ou moins sérieux, spectateurs ou acteurs de leurs apprentissages. C’est à midi qu’une conversation intéressante attire mon attention. Dans la salle réservée aux enseignants, les potins vont aussi bon train que chez les apprentis. Je ne suis pas en reste quand je surprends des chuchotis entre deux collègues, Mme Brun et Mme Schmitt, respectivement professeures d’histoire des sciences et de sciences appliquées. Officiellement, du moins. Officieusement, l’une est spécialisée dans l’histoire de la magie, l’autre dans un aspect plus pratique, plus précisément la maîtrise des capacités magiques.
– Quand même… On ferait mieux d’enquêter sur elle, avance la brunette historienne.
– Qu’est-ce que tu soupçonnes ? Cette fille est inscrite dans un parcours ordinaire.
– Je vais me renseigner. Dois-je te rappeler l’histoire des Amloth ?
– Moi, je dis que tu te fais des films, comme d’hab ! se moque Mme Schmitt.
– Salut les filles ! On colporte des rumeurs ? intervient un rouquin trentenaire.
C’est le professeur de biologie, M. Onfroy. Il tombe mal, j’étais curieuse de vérifier ma théorie ; je suis persuadée qu’elles parlaient d’Amarillys. Je me désintéresse d’eux car leur conversation devient triviale. Je devrais redoubler de vigilance pour en apprendre plus, car je ne suis apparemment pas la seule à être intriguée par cette jeune fille spéciale…
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