Les claquements des pas et du fer sur la terre cendrée laissent des marques de fumée. Des arbres calcinés n'exhalent qu'une odeur nauséabonde. La chaleur oppressante, mêlée à la poussière et à la fumée, fait pleurer les yeux et rend le monde flou. Des cadavres gisent partout sur le terrain, bouclier et épée à la main, ne laissant que les traces d'un combat acharné.
Un groupe d'orcs au visage pâle et blessé lèvent un verre à leur victoire : celle de la défaite du royaume des Elfes de l'Est.
— "70 % du territoire mondial entre vos mains maintenant"
Dira un orc particulièrement crasseux, avec un œil complètement blanc et portant une succession de cottes de mailles.
— "Je pense qu'on est plutôt bien pour l'espace vital, quand même", ajoutera-t-il.
Devant lui, siégeant sur un trône de fer orné de crânes et de cornes de dragon, ainsi que d'épées à la lame bleutée, se tenait une stature imposante d'environ deux mètres, entièrement vêtue d'une armure d'un gris très sombre.
— "70 %... Il doit y avoir une erreur de calcul...", lâcha-t-il d'une voix grave.
— "Désolé de vous décevoir, Seigneur, mais c'est véridique. Vous avez entre les mains le plus grand empire qui ait jamais existé. Franchement, belle perf'." Répondit l'orc
L'ombre en armure poussa un bruit dubitatif.
— "Mais ça semble trop... facile. Ce n'était pas simple, mais j'imaginais ça encore plus compliqué... Je suis déçu. 70 putain de pour cent, ça en fait du territoire à gérer."
Sorti de nulle part, un être mélangeant traits orcs et humains, couvert de rides et d'une barbe si grande qu'il pouvait s'enrouler dedans, fit son apparition. Il parvenait à peine à entrouvrir les yeux. D'une voix faible, il prononça :
— "Il faut connaître le passé pour ne pas commettre les mêmes erreurs que le futur..."
Les deux autres restèrent figés d'incompréhension, jusqu'à ce que l'ombre en armure brise le silence :
— "Je crois que tu t'es un peu... emmêlé, Malvendu..."
La créature à la barbe gigantesque s'excusa
— "Ah, excusez-moi, votre majesté des ténèbres ! Je me suis confusé. Attendez, j'allais dire quoi déjà... Ah oui ! Il faut diviser pour mieux régner."
Le Seigneur s'offensa
— "Quoi ? Partager mon empire ? Nan mais, je me suis bien emmerdé à le conquérir, c'est mort, je le donne pas ! Nan mais oh ! Je suis pas devenu Seigneur des Ténèbres pour ça !"
L'orc toujours présent dira alors d'une voix calme et basse
— "Je crois qu'il voulait dire qu'il faut démocratiser les élections presque législatives pour l'ensemble des villes importantes de l'empire."
Le Seigneur ténébreux réfléchit un instant avant de répondre
— "C'est pas con... Ça me limitera le boulot. Tu peux t'en aller, euh... Rathor. Quant à toi, Malvendu... Tu peux aussi partir."
Les deux orcs (ou l'orc et le demi-orc) s'en allèrent, laissant le Seigneur des Ténèbres seul dans cette gigantesque salle du trône.
"70 % du territoire..." Ces mots résonnaient dans sa tête. C'était trop. Il avait tout amassé : gloire, richesse, pouvoir et un très large territoire. De ce fait, tout lui paraissait plus ennuyeux. Pourquoi attaquer une autre nation, ou commettre un autre génocide, alors qu'il avait déjà tout ce qu'il fallait ?
— "Faudrait peut-être que je prenne des vacances. À ce qu'il paraît, les Chutes Draconiques sont très jolies en été", se murmura-t-il à lui-même avant d'ajouter : "Mais bon, en été, il y a aussi la pleine puissance des volcanos... La dernière fois, il y avait eu une tentative de renversement... Et qui c'est qui va devoir s'en occuper après ? C'est moi, bien sûr..."
Il soupira dans un geste dramatique, mais son nouvel objectif était devenu clair : stabiliser cet empire pour pouvoir partir en vacances.
Le Seigneur des Ténèbres se gratta machinalement le bas de son casque d’obsidienne, comme s’il caressait un menton imaginaire.
— "Par quoi commencer..."
À peine avait-il commencé à réfléchir qu’une silhouette familière fit irruption dans la salle du trône. Il la reconnut immédiatement et murmura dans un soupir exaspéré :
— Oh non… pas lui.
L’homme s’approcha, révélant un individu à la peau métissée, portant une légère armure ornée de symboles religieux. Une marque en forme de triple anneau trônait sur son front, et une épée à la garde serpentiforme pendait à son flanc. Il prit une grande inspiration et déclara d’un ton solennel :
— "Zhagar l’Indomptable et Destructeur, je viens vous apporter mon rapport."
Zhagar leva un regard las vers lui et soupira.
— "Normalement, c’est Rathor qui m’informe des nouvelles. Pourquoi diable viens-tu me "rapporter ton rapport" ?"
L’homme à la marque fronça légèrement les sourcils et répondit avec sérieux
— "Parce que vous avez vous-même congédié Rathor, il y a quelques minutes, votre Majesté."
Le Seigneur des Ténèbres bougea distraitement la main pour l’inciter à poursuivre.
— "Très bien… Vas-y, crache le morceau."
— "Les royaumes humains refusent toujours d’ouvrir le commerce avec nous… enfin, sauf celui d’extrême gauche."
Zhagar arqua un sourcil.
— "Attends… quoi ? D’extrême gauche ?"
— "Vous n’êtes pas sans savoir que les grandes idéologies qui façonnent les races sont le Bien, le Mal, les Ténèbres, la Lumière et… les Peace-Love-and-War."
— "Bien sûr que je sais ! Me prends pas pour un abruti, Salsfur."
— "Eh bien, les humains ont développé d’autres idéologies. Vous avez la gauche, la droite, l’extrême droite, l’extrême gauche, le centre, le centre droit, le centre gauche, l’extrême centre, le parti écologiste, et même le parti scientifique."
Un silence s’installa. Zhagar resta figé, l’expression vide, comme si son cerveau tentait de digérer une information beaucoup trop absurde pour son esprit tyrannique.
— "... C’est une blague ?"
— "Non, votre Majesté."
— "Hmpf. Et c’est tout ?"
Salsfur secoua la tête.
— "Il y a aussi eu une tentative de révolte en Volscanie, dans la ville de Chocacao."
— "Menée par des partisans du Mal ?"
— "Tout à fait. Mais comme cette région est plutôt affiliée aux Ténèbres Modérés, leur révolte a fait un flop monumental. Ça les a même discrédités auprès des habitants. "
Zhagar hocha la tête d’un air pensif.
— "Bande d’imbéciles..."
— "Ah, et Rathor m’a aussi chargé de vous rappeler que vous avez des documents à signer pour les élections presque législatives, ainsi que pour la construction de routes et de bâtiments dans les territoires récemment conquis."
Salsfur s’inclina légèrement avant de conclure :
— "Sur ce, je vous souhaite une sombre journée, Seigneur."
Il tourna les talons et quitta la salle d’une démarche impeccable, laissant Zhagar seul, méditant sur cette soudaine surcharge administrative. Il se pinça l’arête du nez avant de marmonner pour lui-même
— "Et demain, je dois encore rencontrer les représentants des peuples presque exterminés… À ce rythme, les Chutes Draconiques, c’est pas pour tout de suite"
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