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Capsule 2

Arôdi

Tournant

Pas le moindre son. Pas la moindre odeur. La seule lueur des astres lointains ne l’illuminaient guère. Elle dérivait, recroquevillée dans ce berceau d’obscurité constellée, seule. Exactement ce dont elle avait besoin tout de suite. Si elle abaissait sa dissimulation, elle verrait les vagues de détection essayant de la localiser et entendrait les messages télépathiques tentant de l’interpeller ; il était hors de question pour Arôdi que leurs auteurs y parviennent.

Ses pensées se bousculaient sans merci, elle luttait pour réfléchir. Une présence familière vint l’enlacer alors, sentant sa détresse. Sa jumelle, qui avait pourtant eu droit aux mêmes révélations qu’elle, arborait un calme presque serein. Petit à petit, Arôdi retrouva sa contenance et remit de l’ordre dans ses émotions : elle était en colère, triste, frustrée ; elle se sentait trahie, perdue, et… Non. Elle arrêta net son introspection, sentant son contrôle d’elle-même glisser de nouveau. Il lui fallait penser à ses prochaines actions en prenant exemple sur sa sœur chérie : aussi calmement et posément que possible.

Elle fut la première à briser le silence :

« Je m’attendais à beaucoup de choses, mais pas à ça…

- Moi non plus... » surenchérit Arôdi.

Nouveau silence ; ni l’une ni l’autre ne savait quoi dire.

« Nous ne sommes pas nées par amour, reprit Arôdi, après un temps.

- Je ne crois pas que ce soit aussi simple. Ils avaient l’air de ne pas savoir où commencer, ou comment en parler. » Sa sœur hésita. « Je suis persuadée que c’était un malentendu.

- Un malentendu ?!, s’emporta Arôdi. Je suis pourtant sûre d’avoir entendu "m’utiliser" dans la même phrase que "je suis née" ! Nous sommes un moyen pour une fin ! » Elle ne réalisa la véhémence de son ton qu’après s’être tue.

Prise de court d’abord, sa sœur s’efforça de répondre aussi doucement qu’elle put :

« J’ai entendu la même chose que toi, mais j’ai senti que leur tristesse était sincère. Ils auraient pu ne jamais rien dire. Ils auraient pu attendre le moment opportun pour… nous utiliser. » Le terme la mit visiblement mal à l’aise. « Pourtant, ils nous ont tout raconté. Si notre avis n’avait aucune importance, si nous n’étions qu’un moyen, penses-tu vraiment que ç’aurait été si dur d’en parler pour eux ? Que mère aurait ce regard et ces larmes quand tu… nous nous sommes enfuies? »

"Tu", voilà une confusion que sa sœur ne faisait que rarement. Pas si calme finalement. Arôdi ressentit une profonde culpabilité d’avoir troublé davantage sa pauvre jumelle.

« Excuse-moi, je n’aurais pas dû te crier dessus, dit-elle, s’efforçant de réconforter sa sœur.

- Tu sais très bien que je ne t’en veux pas. C’est déjà oublié. »

Comment pouvait-elle toujours être aussi gentille et patiente avec elle ? Elle soutenait, encourageait, consolait Arôdi, peu importe le moment ou ses propres émotions. Alors qu’Arôdi, peu importe à quel point elle le désirait, elle le priait, ne pouvait même pas faire quoi que ce soit en retour. Ajouté à cette horrible journée, elle se maudit une énième fois, les barrages de sa frustration près de déborder de ses yeux.

« Je ne veux plus les revoir. Même si cela signifie tout laisser derrière.

- Je comprends. Mais, même si ce pas tout de suite, je pense que tu devrais leur laisser une chance de s’expliquer.

- Tu es sûre à ce point que c’est un malentendu ?

- Je me fie toujours plus à ce que les autres ressentent qu’à ce qu’ils disent. » Ça lui ressemblait. 

« Ma décision est prise ; je ne compte pas revenir dessus.

- Je vois, répondit sa sœur, pleine de tristesse. Je respecte ta décision, je ne te presserai plus là-dessus. »

Arôdi savait comment lui remonter le moral. L’élan de frustration tout à l’heure lui avait révélé ce qu’elle allait faire.

« Maintenant que nous sommes totalement libres, et si on se concentrait sur la promesse que je t’ai faite ?

- Pour de vrai ? s’illumina instantanément sa sœur.

- Nous n’avons plus d’attache, plus d’obligation. C’est le moment ou jamais ! Toi et moi en voyage, en quête de ta liberté ! »

Si sa sœur avait eu son propre corps, elle trépignerait d’impatience, à cet instant. Peut-être bientôt ; ce rêve n’était maintenant plus si inaccessible.

Le rêve ferait place à la réalité, telle était la promesse d’Arôdi.

Préparant toutes les mesures pour se rendre indétectable, Arôdi sonda l’océan de l’espace. Les étoiles, si faibles auparavant, semblaient autant de phares pour les guider dans leur périple. Suivant l’intuition de sa sœur, Arôdi choisit un cap et, sans regarder une fois en arrière, fendit la mer de ténèbres dans un sillage de turbulences spatiales.


Texte publié par Arkhenbarn, 21 février 2025 à 00h01
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