Complet. Ce mot résume parfaitement ce qu’il ressent à cet instant. Dans les draps les plus soyeux côtoyés jusqu’à présent, son corps enlace un plus petit à ses côtés. Le parfum floral de ses cheveux chatouille ses narines et laisse naître un sourire sur son visage. De nombreux souvenirs se heurtent à son esprit et après tant de temps à la chercher, il est heureux de se sentir enfin entier. Peu importe les siècles qu’ils ont traversés, il n’a pas douté une fois de la force de leur amour et des retrouvailles qui s’en suivent. Il sent sa main s’agiter sur son torse et la silhouette à ses côtés se tortille pour se mettre face à lui :
— Bonjour.
— Bonjour à toi aussi.
Elle s’étire, glisse une main dans ses cheveux avant qu’elle ne descende sur sa joue et caresse sa barbe naissante. Il dépose un baiser sur son nez et plonge dans son regard chocolat aux éclats de caramel.
— Nous avons réussi. Je t’ai enfin retrouvée.
Elle déglutit et sourit tendrement :
— Oui. Je dois dire que, cette fois, les Dieux ne nous ont pas facilité la tâche.
— En Égypte, cela n’a pas été simple non plus, rappelle-t-il.
— Mais je n’ai pas été obligée de me cacher durant des mois, le corrige-t-elle.
Souhaitant chasser ses souvenirs douloureux et ne pas briser le plaisir de ces retrouvailles, il change de sujet :
— Comment va Emera ?
— Après la célébration, tout ira bien pour elle. Nous n’avons plus qu’à rester sur nos gardes quelques heures.
— Et pouvons-nous en profiter un peu maintenant ?
Elle se lève, le laissant admirer son corps nu pour la première fois depuis bien des années, un sourire malicieux sur les lèvres :
— Tu vas devoir faire preuve de patience. Le temps ici ne passe pas comme dans les autres mondes, au cas où tu ne l’aurais pas compris.
— Tys restera un mystérieux pays… avec bien trop de complot.
Elle enfile sa robe armure de couleur ivoire, réajuste la plaque métallique sous sa poitrine, attache divers poignards sur sa cuisse.
— Avoue que tu aimes cela. Tu as appris bien plus dans ce monde que dans le nôtre en deux mille ans…
Il fait mine de réfléchir alors qu’elle hausse un sourcil avant de lui lancer un coussin moelleux :
— Ne fais pas semblant de réfléchir. Si tu es le stratège, sache que je suis plus maligne.
— Je n’en ai jamais douté. Tu as fait des guerres.
— Que tu as défait !
Leurs yeux se croisent et la tension dans la pièce augmente. Ils ne peuvent nier le lien qui les unit depuis si longtemps et pour lequel ils donneraient tout ou ont déjà tout donné. Tel un félin, il s’approche d’elle et capture ses lèvres dans un baiser passionné. Leurs battements de cœur réagissent à l’unisson et la mélodie qu’ils jouent ravirait les oreilles des compositeurs musicaux de tous les mondes.
Sentant que la situation lui échappe, elle décide de mettre fin au baiser, non sans dissimuler son petit sourire amusé :
— Tu es un traître, Scael.
— Tu l’es tout autant, Yaissie.
Délicatement, elle caresse sa joue et se perd dans son regard azur aussi clair qu’un ciel d’été. La barbe lui picote les doigts, mais ce délice ravive de nombreux souvenirs.
— À quoi penses-tu ?
— À ce que nous avons traversé… À ce plaisir d’être enfin à tes côtés, avoue-t-elle, toujours plongée dans ses yeux.
— J’espère que, cette fois-ci, les Dieux nous laisseront plus de temps l’un avec l’autre…
— Cinquante ans ne t’ont pas suffi ? demande-t-elle le cœur battant.
— Ils nous avaient promis l’éternité…
Elle laisse son souffle chaud caresser ses lèvres avant de les effleurer :
— Je l’espère aussi.
Avant de se laisser de nouveau tenter par le plaisir qu’il désire ardemment lui offrir, elle s’écarte et terminer de s’habiller.
— Réserve-moi une danse…
— Une seule ? s’offusque-t-elle en glissant ses longs cheveux ondulés dans une pince métallique pour les lier.
— Je garde les autres pour nos retrouvailles privées.
Yaissie lui adresse un clin d’œil avant de sortir de la chambre et d’aller rejoindre Emera.
Dans les couloirs d’une couleur miel, reflet du caractère de la princesse, Yaissie salue chaque garde qu’elle croise, vérifiant que tout soit en ordre avant le grand bal.
— N’oubliez pas de contrôler toutes les invitations. Nous n’aimerions pas qu’un certain duc en colère se présente et ruine les festivités.
— Bien, Gardienne.
Yaissie continue sa progression jusqu’à la chambre d’Emera et entre après avoir frappé trois coups contre la porte. Une violente tornade blonde au parfum fruité la heurte de plein fouet et la fait reculer d’un pas sous la brutalité du choc.
— Yaissie ! Tu es enfin là ! Je te jure, je deviens dingue à t’attendre !
— Calme-toi, Emera, sourit-elle.
— Non ! Je t’en prie, ne me dis plus cela ! Tricha n’arrête pas de me le dire et j’en ai marre de l’entendre !
J’ose un regard vers la demoiselle de la princesse qui soupire et murmure :
— Merci d’être enfin là.
— Moi qui pensais que ces derniers mois à vivre comme une sauvageonne t’auraient appris la patience et le contrôle…
— Mais je me contrôle !
Yaissie l’observe sautiller dans la pièce comme une puce, sa longue chevelure d’or emmêlée et ses habits en désordre, sa voix ne cessant de psalmodier tout un tas de mots incompréhensibles :
— Une vraie princesse pourrie gâtée.
Emera s’arrête et plonge dans son regard.
— N’est-ce pas toi, ma Gardienne, qui m’as abandonnée hier soir pour te perdre dans les bras de son amant ?
— Mais je savais que je te laissais entre de bonnes mains… Silvan en a profité, j’espère ?
— Il embrasse divinement bien !
La Gardienne admire les étoiles qui brillent dans les yeux de sa protégée avec un sourire sincère. Tout n’a pas été vain. Le combat contre le Duc la revendiquant après la mort de ses parents a peut-être laissé des marques, mais le temps saura les effacer, elle n’en doute pas. Tous ces moments passés à fuir dans le pays, à chercher sa véritable âme sœur qui valait la peine vécue pour s’ouvrir à un bonheur sans fin. Yaissie pouvait le voir, le sentir à travers l’excitation de son amie.
— Tricha, faite prendre un bain à la princesse et préparer son costume. Le bal ne va plus tarder et je me dois de surveiller l’entrée.
— Tu m’abandonnes déjà ?
Yaissie s’approche d’Emera et caresse tendrement sa joue, comme une mère le ferait avec sa fille. Image très surprenante quand on sait qu’elles ont toutes les deux le même âge.
— Lorsque tu feras ton apparition, je serais à tes côtés.
Emera n’avait pas besoin de lui demander de le promettre, car le ton de sa voix l’exprimait parfaitement.
— Drovos, Yaissie.
— Tu me remercieras demain.
Puis, elle quitte la pièce en s’assurant d’un dernier regard qu’Emera parviendra à contenir sa nervosité jusqu’au commencement du bal.
Quand elle pénètre dans l’enceinte du château en ébullition, Yaissie tente de maîtriser la boule d’appréhension qui grandit dans son ventre. Toute cette agitation est plus laborieuse à supporter que des mois passés à fuir sans savoir ce qui les attendait le lendemain.
Elle préférait affronter l’ambiance dégagée par des officiers avant un combat plutôt qu’une nervosité sans nom. Tout le monde s’affairait à sa tâche, des ordres étaient hurlés ici et là et ce brouhaha ne l’aidait absolument pas à apaiser les voix de son esprit. La tête commence à lui tourner et sa respiration s’accélère, lui donnant mal au cœur.
Puis, le silence. Pas au-dehors, mais en elle. De longs doigts se promènent sur son épaule, avant de descendre sur son bras et de terminer leurs courses sur son ventre, lui laissant des frissons sur son passage.
— Inspire, petite luciole.
La voix de Scael la ramène à l’instant présent tout comme son souffle chaud qui s’échoue sous son oreille.
— Tu te sens mieux ?
— Beaucoup, murmure-t-elle. Comment as-tu su ?
— Notre lien. Tu es si prise dans tes tourments que tu ne t’es pas aperçue que tu m’appelais à l’aide…
Elle se tourne pour lui faire face, observe son regard azur et inspire son parfum boisé caramélisé à plein nez. Toujours la même odeur qui la réconforte.
— Drovos.
Il dépose un chaste baiser sur ses lèvres et s’éloigne un peu avant de ne plus pouvoir se contrôler.
— Comment va notre princesse ?
— Une vraie boule de nerf prête à exploser. Et Silvan ?
— Je crois n’avoir jamais vu un homme aussi serein.
— Tu as peur ? lui demande-t-elle en inspirant.
— Pas si je sais que c’est toi qui es aux commandes.
Elle frappe son épaule gentiment avant de sourire :
— Tout ira bien.
— Je le sais, répond-il avant de l’embrasser de nouveau. As-tu besoin que je fasse quelque chose en particulier ?
— N’oublie aucun détail de cette soirée. Tes retranscriptions sont importantes pour le futur.
— Même sur nos propres passages ? demande-t-il langoureusement.
— Non. Ça, on le garde pour nous.
Elle lui adresse un clin d’œil et un sourire avant de rejoindre, l’esprit plus apaiser, les grilles principales du château pour accueillir les premiers invités sous le soleil couchant.
Au bout de deux heures, tous les convives sont arrivés et les grilles sont fermées et verrouillées pour toute la nuit.
— La relève sera là dans quatre heures, lance-t-elle aux gardes. Que personne ne quitte les lieux sans mon aval.
— Bien, Gardienne.
Yaissie a toute confiance en eux, les voyant évoluer depuis des mois sous son commandement et tout était sous contrôle.
D’un pas rapide, elle rejoint la chambre de son amie et la trouve rayonnante, assise dans sa chaise devant sa coiffeuse.
— Tu es magnifique, dit-elle en fermant la porte dans son dos.
— Drovos. Tricha a des doigts de fée.
La demoiselle s’incline et sourit au compliment.
— Es-tu prête ?
Une longue inspiration, suivie d’une tout aussi longue expiration qui lui répond avant qu’Emera quitte son siège et s’approche d’elle :
— Je te dois tellement, Yaissie, commence-t-elle en prenant ses mains. Tu m’as sauvé d’un amour sans… amour, d’une vie certainement malheureuse et je n’ai rien à te donner en contrepartie.
— Je ne veux rien, Emera. Juste que tu profites de ce bonheur jusqu’à ton dernier souffle.
— Compte sur moi.
Malgré toutes les âmes déjà liées, toutes ses vies vécues, s’il y a bien un moment que la Gardienne affectionne, c’est celui-ci. Tant de paroles sont échangées sans mot, simplement par les gestes et les regards. Même si cela signifie qu’elles n’auront certainement plus la chance de se revoir, Yaissie sait qu’elles en garderont toutes les deux en souvenirs forts.
La princesse glisse son bras sous celui de son amie, dépose la tête sur son épaule et laisse un profond soupir de soulagement quitter son être.
— Il est temps pour toi de faire ton entrée, sourit Yaissie en se mettant en marche.
À cet instant, aucune des deux jeunes femmes, de leurs amants ou de leurs convives ne se doute que tout se finira dans les larmes.
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