Aujourd’hui, c’est une journée comme les autres. Je vais au lycée. Ça faisait un moment que je n’y étais pas allée à cause de mes activités.

— Ah, Clara ! T’es revenue !

C’est plutôt rare qu’on me dise ça. Honnêtement, ça fait du bien d’entendre ces mots.

— Ouais, j’ai rien cette semaine.

— Par contre, on a regardé un peu où t’es apparue… et franchement, t’es presque invisible. Genre, on dirait un PNJ. Sans vouloir te vexer.

— Ouais, faudrait que t’essaies de te mettre un peu plus en avant, parce que quand j’ai dit que je connaissais quelqu’un dans le milieu et que j’ai lâché ton nom… personne ne te connaissait, ptdr.

Je vois, je vois… Il faut que je me fasse remarquer, sinon je ne suis qu’un élément de décor. Il faut que je bosse plus.

— Merci, je retiens.

Mais comment je vais faire ? Qu’est-ce que je peux apporter ? Pas assez jolie… Pas assez marquante… Qu’est-ce que les gens veulent aujourd’hui ?

— Les gens veulent quelque chose de surprenant.

C’est ce que m’avait dit une collègue. Choquer, c’est le meilleur moyen de sortir de l’ombre. Ce gros misogyne d’Andrew je-sais-plus-quoi avait fait ça : il balançait du contenu volontairement choquant, et résultat, sa popularité a explosé malgré la controverse. Peut-être que c’est ce qu’il faudrait que je fasse, moi aussi.

—"Moi en me rendant compte que Clara existe : Weshhhh."

" Carrément, elle m’a fait un déclic. Vraiment, elle est plus inutile que Sakura, mdr."

Il faut que je change ça. Je ne veux plus voir ce genre de commentaires, aussi rares soient-ils.

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Inspire. Bloque. Expire.

C’est juste des mots à dire, rien de compliqué. Tu peux le faire. Tu n’as pas bossé ton ton toute la semaine pour bégayer. Allez, ressaisis-toi. Tout va bien se passer.

— J’en ai marre de ta sale gueule.

Non, trop extrême.

— Cette fois-ci, je vais te montrer de quoi je suis vraiment capable.

Trop cliché, trop gênant. Il faut quelque chose de percutant mais pas ridicule. Peut-être avec de grands gestes, ça accentuerait le côté spectaculaire…

— C’est moi qui vais mener la danse.

T’apprends rien de tes propres analyses ou quoi ? Bon, il me reste quoi…

— Pousse-toi, je vais t’éclipser en un instant.

Mouais… Pas ouf. Mais j’ai pas trouvé mieux, et puis je n’ai plus le temps.

Allez, inspire, bloque, expire… Maintenant !

— Dégage, je vais te faire sombrer !

… Ah, putain, c’est nul.

Trop tard maintenant. Bref, j’espère que—

Oh mon dieu.

Je… je l’ai vraiment giflée ?

Comment c’est possible ? Je faisais que parler, et…

— Est-ce que tu me détestes ?

— Non, non ! Je sais pas ce qui m’a pris, t’es—

Elle me serre dans ses bras.

— C’est tout ce que je voulais entendre. T’inquiète, c’est rien. Tu devais être stressée et tout.

C’est… c’est tout ? Pas de colère ? Rien ? Juste ça ?

C’est vrai qu’on n’a plus l’âge de s’énerver pour un rien… Ça me rassure. Mais bon, je veillerai quand même à m’excuser en lui offrant un petit truc. C’est la moindre des choses.

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"Cette Clara aurait dû rester invisible."

"Sérieusement ? C’est quoi cette chienne ? Elle fout rien, puis elle vient foutre sa merde."

"C’est quoi cette salope violente ? Elle doit se calmer et réaliser qu’elle est personne."

"Et au calme on la laisse, en mode tranquille. Elle a juste frappé quelqu’un, faudrait la virer."

"Putain, moi qui pensais qu’elle avait quelque chose à apporter… Au final, elle est juste merdique."

"J’étais avec elle en 4ème, elle était déjà une grosse connasse, miskine."

J’ai… j’ai vraiment fait ça.

Et voilà les conséquences.

C’est de ma faute.

J’ai essayé de m’excuser, mais ça n’a rien changé.

"L’hypocrisie à son paroxysme."

"Si je te vois dans la rue, je te pète la gueule. Mais après, je vais m’excuser donc tu seras obligée de me pardonner."

Elle m’avait prévenue pourtant.

— Quand tu t’excuses, les gens s’acharnent encore plus, parce qu’en plus, tu reconnais les faits. Mais ne te préoccupe pas trop d’eux, et arrête d’affronter cette haine. Ce ne sont que des puceaux dans leur chambre qui se donnent l’impression d’exister.

…

"Même le plus coincé des détraqués ne se masturberait pas sur elle en vrai."

"Crève."

Je veux bien arrêter de lire, mais même quand je ferme les yeux, je les entends encore. Je vois leurs écrits.

J’essaie de m’endormir en me disant que ça ira mieux demain.

Bien sûr, ce n’est pas le cas.

"En gros, c’est juste une p*te."

"Mais sans aucun client, t’as oublié."

— Clara, tu veux sécher les cours ?

— Non, maman. Je vais bien.

— T’es sûre ?

— Ne t’inquiète pas, je te l’aurais dit sinon.

… Désolée, maman.

"C’est à cause de sa mère. Les femmes de merde créent des cercles infinis de femmes tout autant merdiques."*

"La femme dans toute sa splendeur : inutile, puis elle fait un truc et après elle vient chialer."

C’est bon, je peux aller en cours. Sinon, j’aurai pas le niveau pour le—

— T’as vu ce qui s’est passé avec Clara ?

— Ouais, elle a carrément giflé quelqu’un ! Sérieux, c’est une bombe à retardement, cette meuf.

— J’ai toujours su qu’il fallait pas l’approcher. Elle fait la timide pour cacher son venin.

— Apparemment, elle fait tu-sais-quoi à n’importe qui.

… Je devrais rentrer.

— Ça va, Clara ? T’as mangé ?

C’est vrai, faudrait que j’aille bouffer.

— Pas encore, faut que j’aille m’acheter un truc.

— Bah, c’est un peu tard, y’a un orage. T’as pas des réserves chez toi ?

— Clara ?

…

J’en ai marre.

Y’a rien qui va.

Je peux plus supporter tout ça.

J’ai même pas de valeur.

Et plus ça avance, plus j’ai l’impression de m’enterrer.

C’est bon. Tant pis.

Ça ne sert plus à rien.

( Cette œuvre est une fiction, toutes ressemblances avec des personnages ou des évènements seraient complètement fortuite et un hasard des connexions neuronales )