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tome 1, Chapitre 1 « Daliah » tome 1, Chapitre 1

Ce matin-là, la salle d’entraînement était particulièrement animée. Les élèves avaient décidé de se lancer dans un mini tournoi sur le parcours d’agilité. Tout le monde avait approuvé l’idée proposée au petit-déjeuner et dès dix heures et demie, ils s’étaient regroupés dans l’une des salles dédiées. Cependant, par mesure de sécurité, ils n’avaient pas eu d’autre choix que d’accepter la présence d’un de leurs enseignants.

Les tours éliminatoires s’étaient achevés très rapidement, ne laissant que les plus agiles en course. Le parcours qu’ils avaient à compléter n’était pas très long, mais il n’en était pas moins intense physiquement. Escalader des palissades, traverser des crevasses, esquiver les pièges, le tout sans s’arrêter ou se faire retarder sous peine d’être dépassé par l’adversaire.

Même les élèves éliminés n’en étaient pas moins enthousiastes. Après tout, quel spectacle plus réjouissant que de voir deux de leurs camarades se disputer une première place avec acharnement ? Leurs cris d’encouragement pour l’un des concurrents ou l’autre résonnaient dans toute la salle, tandis que les deux garçons progressaient sur le parcours.

Au premier rang, deux filles se tenaient côte à côte, fixant intensément la progression de leurs condisciples. Cependant elles n’y mettaient pas du tout la même énergie. Kessy Fitz, la première, sautait sur place en hurlant pour soutenir les deux garçons. Ses cheveux blonds mi-longs volaient chaotiquement autour de son visage. Sa peau légèrement cuivrée allait à la perfection avec ses yeux verts.

Son amie, Daliah Rosenwald, était bien plus taciturne. Bras croisés, les lèvres closes, elle suivait avec attention la course. Ses cheveux, d’apparence argentée, étaient en réalité d’un léger violet très pâle. Bien que ce soit sa couleur de naissance, elle avait plus d’une fois hésité à les teindre. Ses yeux bleu azur, légèrement plissés, ne lâchaient pas les deux garçons des yeux. Sa peau était claire, et si Kessy parlait de peau de porcelaine, elle se contentait de dire qu’elle était pâle comme un cadavre.

Toutes les deux portaient un pantalon noir qui laissait les mouvements très libres et souples, ainsi qu’un t-shirt gris clair. Elle avait un visage moins avenant que sa camarade, probablement à cause de ses sourcils froncés.

Ou peut-être à cause de sa réputation de catastrophe sur pattes.

C’était sans doute par sa faute que Maître Vallys était présent aujourd’hui. Furtivement, Daliah lui jeta un rapide coup d’œil. Ce qu’elle regretta amèrement car elle croisa immédiatement son regard de glace. Et voilà, il était encore en train de la surveiller ! De grande taille et d’apparence mince, Maître Vallys était indéniablement l’un des plus inquiétants de leurs enseignants. Ses cheveux noirs coiffés vers l’arrière laissaient pourtant quelques mèches rebelles tomber sur son front. Sa peau claire était presque blanche, contrastant avec sa chevelure sombre.

Au-dessus de sa chemise immaculée et de son pantalon sombre, il portait un long manteau noir orné de quelques symboles dorés. Il surveillait de loin les adolescents, craignant visiblement qu’un incident ne se produise.

Et bien qu’elle soit amère à cette idée, Daliah devait bien reconnaître que ses peurs n’étaient pas sans fondement. Depuis qu’elle l’avait enseveli, accidentellement mais enseveli quand même, sous un tas de débris de plafond en faisant exploser le toit de la salle d’entraînement, l’adulte se méfiait de ce qu’elle pourrait déclencher comme prochaine apocalypse.

Détournant son regard du Maître, Daliah se reconcentra sur la course en cours. Celle-ci arrivait à son terme, et le gagnant, un grand garçon, célébra en levant victorieusement le poing. La foule l’acclama avec énergie alors que le perdant les rejoignait, un peu déçu de sa performance.

— Je suis sûre que tu aurais pu gagner, lança Kessy en se tournant vers son amie.

— Mouais, marmonna l’intéressée en haussant les épaules, faudrait que j’arrête de me faire déconcentrer par n’importe quoi pour ça. Si ce parano arrêtait un peu de me fixer, je me serais jamais cassé la gueule comme ça…

La blonde posa une main compatissante sur son épaule mais n’ajouta rien. Il valait mieux éviter de mentionner la façon dont son amie s’était fait balayer par un piège qu’elle n’avait pas vu venir, perturbée par le regard noir de leur sinistre surveillant. Elles prirent alors la direction de la sortie, chacune ne souhaitant qu’une seule chose : une bonne douche chaude. Elles remontèrent ensemble les grands escaliers en pierre pour retourner vers leurs chambres.

Daliah abandonna son amie devant la porte de sa chambre et continua sur une dizaine de mettre avant d’entrer dans la sienne. Dès qu’elle fut certaine d’être seule, elle s’adossa à la porte en poussant un profond soupir de fatigue.

Bien qu’elle n’avait pas de quoi s’ennuyer, elle aurait bien aimé que toutes ses journées ne se ressemblent pas de la sorte. Élève de la forteresse des Arcanes, elle avait pourtant déjà une chance incroyable.

Elle posa sa main sur la serrure de la porte en fermant les yeux, et entendit un petit clic satisfaisant annonçant que la porte était verrouillée. Elle allait pouvoir traîner un peu dans son bain.

Daliah traversa sa chambre, résistant péniblement à la tentation de sauter dans son lit moelleux. Avisant son bureau d’un air méprisant, elle remarqua qu’elle avait toujours quelques leçons à apprendre et qu’elle ne s’y était toujours pas collée. En même temps, l’histoire, qu’est-ce que c’était barbant !

Sa raison lutta quelques instants avec sa paresse dans sa tête. Le résultat du combat ne tardait pas : la flemme l’emportait laaargement sur sa crainte des représailles.

— Je ferai ça plus tard, marmonna l’adolescente en haussant les épaules.

Elle récupéra dans son armoire un t-shirt noir et un jeans confortable avant de se diriger dans sa salle de bain. Heureusement, elle avait passé le stade des douches communes !

Daliah laissa l’eau couler dans la baignoire, pensive. Quelques minutes plus tard, elle put se glisser dans un bon bain chaud, d’où s’échappait un délicieux parfum de fleurs sauvages. Fermant ses yeux azur, elle profita de la sensation des nœuds de ses épaules se décrispant.

Cela lui semblait être hier le jour où elle était arrivée ici. Tout était allé si vite. Parfois sa vie à la campagne paraissait si lointaine. Depuis combien de temps était-elle ici ? Six mois ? Un an ?

PRESQUE 2 ANS !!

Elle rouvrit brutalement les yeux en se redressant. Elle était dans la forteresse depuis si longtemps ? Ayant du mal à y croire, elle recompta rapidement sur ses doigts. Daliah était arrivée quand elle avait un peu plus de treize ans… et maintenant elle approchait des quinze ans.

Je suis vraiment une vieille branche, s’amusa l’adolescente en souriant.

Avec plaisir, elle se replongea dans ses souvenirs. Elle se rappelait la vie qu’elle avait mené pendant un long moment à la campagne. La découverte de ses capacités étranges et surtout la rencontre avec ce curieux personnage qui était devenu son enseignant.

Sans son don, elle ne serait pas ici. Enfin, un don… outre celui de se mettre dans le pétrin, que ce soit volontaire ou non.

La capacité de matérialiser des objets, les bouger sans les toucher, transformer et se transformer, ce n’était pas exceptionnel. Cela faisait si longtemps que ça existait que personne ne savait dire avec exactitude depuis quand ce genre de pouvoir était présent. Ce don, nommé Arcane, Daliah s’était aperçue qu’elle en était dotée lorsqu’elle n’avait que sept ans. Encore aujourd’hui, elle n’avait que le statut d’apprentie, alors que leurs professeurs à tous étaient des Arcanistes accomplis.

Cependant, l’Arcane n’était pas si simple à maîtriser, et il avait joué bien des tours à Daliah. Sa rencontre avec Maître Lumenor avait été une aubaine. Bien qu’elle ait dû quitter son père pour partir près de la ville, elle avait obtenu une place dans la forteresse.

— DALIAAAAAAAH !! cria une voix reconnaissable.

La jeune fille poussa un soupir en levant les yeux au ciel, et fit mine de ne pas avoir entendu. Hors de question de laisser Kessy lui saboter son barbotage dans l’eau chaude… enfin plus si chaude que ça.

— OOOON MAAAAANGE !! continua la blonde avec une capacité pulmonaire étonnante.

Rien qu’en entendant cette phrase, l’estomac de l’adolescente émit une protestation sonore. Bon, elle n’avait plus vraiment le choix, là…

Daliah s’extirpa de son bain tiède et s’enroula dans une serviette en maudissant 

— J’arrive ! cria-t-elle à l’intention de Kessy. Pars devant, je te rejoins à table !

En s’habillant à la hâte, elle rejoignit sa chambre et jeta un coup d’œil par la fenêtre. Le soleil brillait et le ciel était presque sans nuage. Au loin, elle pouvait voir le Bois de la Lamentation qui cernait la capitale, la forteresse étant un peu à l’écart de cette dernière.

Puis, se rappelant que son amie l’attendait sûrement, Daliah attrapa sa veste bleue, qui était le seul élément d’uniforme pour les apprentis, et sortit dans le couloir en courant.

Elle rejoignit en sprintant la salle à manger où ses condisciples étaient déjà tous réunis. En tout, il y avait une cinquantaine de jeunes gens, certains étant déjà adultes et d’autres mêmes pas encore des ados. Quand elle la vit entrer, Kessy lui fit de grands signes de la main pour lui dire de la rejoindre. Haletante, la jeune fille se laissa tomber sur la chaise à côté d’elle.

— Je me demande ce qu’on pourrait faire cet après-midi, lança son amie avec un soupir. J’avoue que j’ai un peu la flemme de travailler là.

— Pareil, approuva Daliah en se servant une large portion de pommes de terre. J’ai envie de prendre un peu l’air, pas toi ?

— Moui, hésita sa camarade, on peut se poser dans le parc et se la couler douce quelques heures.

— Sérieux ? s’amusa l’adolescente aux cheveux violets. Personnellement, j’ai plutôt envie de marcher un peu.

— Raaaah j’étais sûre que tu allais dire ça ! lâcha Kessy avec désespoir. Mais bon, c’est vrai que respirer un coup, ça nous fera du bien.

La forteresse était peut-être un endroit très confortable, mais de temps en temps cela faisait du bien de profiter du plein air. Une fois leur repas avalé, les deux amies sortirent discrètement. Elles ne tenaient pas à ce que d’autres personnes veuillent les accompagner. En sortant dans l’enceinte du parc, Daliah prit une grande inspiration. L’air était doux, une légère brise agitait ses cheveux violets. Une météo idéale pour une balade entre copines, loin des adultes et de sa maudite leçon d’histoire. Mais à peine avait-elle fait quelques pas qu’une voix masculine l’interpella.

— Daliah ? Puis-je savoir où vous comptez aller, toutes les deux ?

L’adolescente tressaillit, sachant très bien de qui il s’agissait, mais se retourna tout de même. À l’ombre d’un arbre se trouvaient deux Arcaniste. L’un était — oh joie ! — son enseignant préféré, Maître Lumenor, et à côté de lui - oh malheur ! - Maître Vallys. Maître Lumenor était de la même taille que son collègue, mais se distinguait par une musculature légèrement plus apparente et des cheveux blonds mi-longs en bataille. Ses yeux argentés pétillaient de malice, mais aussi de plaisir à la vue d’une de ses élèves favorites.

— Bonjour Maîtres ! saluèrent respectueusement les deux apprenties en s’inclinant.

— Nous allons nous promener dans les alentours de la forteresse, expliqua la jeune fille aux cheveux violets en essayant d’adopter son air le plus innocent.

En réalité, ce qu’elle espérait, c’était qu’il ne lui pose aucune question sur les obligations scolaires qu’elle n’avait pas remplies. En sentant Kessy se tordre les mains à côté d’elle, elle pria pour qu’il ne remarque rien.

— Vous avez raison, sourit Lumenor avec bienveillance, il serait dommage de ne pas profiter d’un si beau temps ! Faites tout de même attention à vous ! Vous pourriez vous…

— … blesser, tordre la cheville ou faire attaquer par des animaux féroces, récita Daliah avec un sourire, connaissant par cœur le discours du professeur.

— Exact, s’amusa ce dernier. Mais ne traînez pas trop, d’accord ?

Les deux apprenties approuvèrent d’un signe de tête positif, leur sourire le plus angélique collé sur le visage. 

— Et par pitié, Rosenwald, ajouta Vallys avec un mélange de moquerie et de froideur, ne relâchez aucun ouragan dans la région.

— Excusez-moi, Maître, répondit Daliah en ravalant proprement le « Oh mais ta gueule toi » qui lui brûlait la langue, mais il me semble que je n’ai encore rien fait de répréhensible aujourd’hui.

— Il n’est que treize heures, répliqua le noiraud en consultant sa montre.

— Je suis sûr qu’elles seront prudentes, coupa le blond en faisant preuve d’une bonne humeur à toute épreuve. Amusez-vous bien !

Daliah et Kessy les saluèrent d’un signe de tête respectueux avant de tourner les talons pour s’éloigner. Elles attendirent d’être à une distance raisonnable des deux professeurs pour parler.

— Maître Ronchon ne peut pas s’empêcher de l’ouvrir à chaque fois, déplora l’apprentie à la chevelue violette.

Sa camarade pouffa de rire à l’entente du surnom, tandis qu’elles marchaient sur le sentier qui menait en dehors de l’enceinte de la forteresse.

— Mets-toi à sa place, rigola Kessy. Il a reçu un plafond sur la tête, il est resté dans les vapes une journée entière et pendant une semaine, il avait apparemment une sacrée migraine !

— Je me suis excusée une centaine de fois ! s’impatienta son amie. Il m’a collé de corvée de nettoyage ET de cuisine pendant un mois ! C’est bon, là, non ?

— En tout cas, pour ce prix-là, tu as fait rire une bonne partie des apprentis !

Soudainement, la blonde porta la main à sa tête et prit une démarche exagérément chancelante comme si elle était ivre. Elle imitait à la perfection Maître Vallys après cet incident.

Elles s’éloignaient à présent de la forteresse, et sur un élan d’audace, Daliah désigna un sentier sur leur droite, à moitié invisible à cause des hautes herbes.

— On va par-là ?

Kessy la fixa quelques secondes avant de hausser un sourcil.

— Euuh, tu es au courant que ça mène au Bois de la Lamentation.

— Bah oui, je suis pas débile, répliqua platement son amie.

— Et tu sais probablement qu’on a pas le droit d’y aller sans être accompagné par un Arcaniste confirmé.

— Oui.

La seconde apprentie plaqua brutalement sa main sur son front. Décidément, parfois elle ne comprenait pas cette tendance à toujours chercher les ennuis.

— En fait, tu veux donner à Vallys une raison valable de nous transformer en femmes de ménage, soupira-t-elle avec agacement.

— Franchement, je fais une connerie, je me fais engueuler, je fais rien, je me fais engueuler quand même, répondit Daliah en haussant les épaules avec un sourire malicieux, glissant ses mains dans les poches de sa veste. Alors une de plus ou une de moins.

Voyant sa camarade inquiète, elle décida de ranger son humour et parla plus sérieusement.

— Je veux juste une fois voir la forêt de plus près. On restera pas longtemps, je te le promets.

— Tu sais pourquoi il s’appelle le Bois de la Lamentation au moins ? interrogea Kessy.

— J’imagine que c’est parce qu’il ne rigole pas ? supposa l’adolescente aux cheveux violets.

— Ha. Ha. rétorqua la blonde sans la moindre joie. Il a la réputation de donner des hallucinations. Des gens qui sont passés par là ont entendu une voix se lamenter. D’où son nom. Certains ont eu la sensation de perdre le contrôle de leur corps, d’être observés…

— Et tu as peur d’un bois qui parle ? demanda Daliah en haussant un sourcil sceptique.

— Nan ! J’ai peur de Maître Vallys ! S’il apprend ce qu’on fait, on va finir empaillée dans des poubelles !

— Je ne veux pas te forcer à venir, souffla l’apprentie en faisant décoller une mèche de cheveux violet pâle. J’y vais, je reviens dans cinq minutes.

Toujours les mains dans les poches, l’adolescente s’éloigna sur le sentier, laissant Kessy derrière elle. Elle se fit mentalement la promesse de s’excuser d’être aussi têtue plus tard, mais pour le moment, elle voulait découvrir ce fameux bois de ses propres yeux…

Irrésistiblement attirée vers le calme de la forêt, elle disparut en quelques minutes du champ de vision de son amie.


Texte publié par Elysio Anemo, 8 février 2025 à 15h48
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