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Êtes-vous vraiment là où vous pensez être ?

Cet après-midi, le café était plus animé et plus bruyant que jamais : entre les discussions banales et le cliquetis des tasses, il était difficile de se concentrer pour ceux qui tentaient de réviser leurs examens.

La pièce était de taille moyenne. Devant moi, cinq tables rondes étaient dispersées : trois pour deux personnes et deux pour quatre. Une seule était inoccupée, celle pour deux.

Un nouveau client apparut à ma droite. Il ôta son chapeau, s'installa à la table libre, puis sortit son journal, le déplia et commença à lire. Je lui donnais la trentaine. Il portait des lunettes rondes et avait un visage doux. Une serveuse s'approcha de lui :

— Bienvenue, monsieur ! Puis-je prendre votre commande ? demanda-t-elle.

— Deux cafés moulus, s'il vous plaît, répondit-il avec un sourire qui me sembla… un peu surjoué.

— Entendu, je vous les apporte dans cinq minutes.

Sur ces mots, la serveuse retourna au comptoir.

Allez savoir pourquoi, parmi toutes les personnes ici, seul cet homme qui semblait attendre quelqu'un attirait mon attention. Étrangement, tout semblait tourner autour de lui. Sa table était un peu à l’écart, l’isolant comme s’il était au centre d’une mise en scène, comme si quelque chose allait se passer précisément ici, à cette table.

À cet instant, un autre client entra. La première chose que je remarquai chez lui fut sa barbe noire. Elle lui donnait un air plus âgé, mais comme il n'avait aucun poil blanc, j'en déduisis qu'il avait à peu près le même âge que l'homme aux lunettes. Il s’assit en face de ce dernier.

L’atmosphère changea brusquement. Une tension, sourde et pesante, s'installa. Je pouvais presque la sentir vibrer dans l’air. L’éclairage du café sembla se concentrer sur leur table. Tout le reste perdit soudain son importance : le bruit ambiant, les autres clients, les serveurs. Je n’avais plus d’yeux que pour eux.

Que se passe-t-il ?

Sont-ils ennemis ?

Qui sont ces hommes ? Pourquoi cette tension ?

— Je t’ai commandé un café, dit l’homme aux lunettes, visiblement détendu, comme si cette tension n'existait que pour moi.

— Tu crois qu’un café va régler mon problème ? répliqua sèchement l’autre.

Je ne l’avais pas remarqué tout de suite, mais l’homme barbu gardait sa main droite enfouie dans la poche intérieure de son manteau.

Cacherait-il quelque chose ?

De quel problème parle-t-il ?

L’homme aux lunettes ne répondit pas et se contenta d’afficher ce même sourire énigmatique en regardant la serveuse qui leur apportait leur commande. Puis, comme si elle disparaissait dans l’ombre, elle s’éloigna, les laissant seuls sous la lumière qui semblait ne briller que pour eux.

C'est là que je compris. Moi aussi, j'étais dans l'obscurité. Le contraste était saisissant : eux, au centre de la lumière, comme mis en scène ; moi, rejeté dans l’ombre.

Tout était calculé.

Un piège ???

Aucun des deux hommes ne toucha à sa tasse.

— J’ai fait appel à toi pour m’aider à fuir cette ville, et toi, au lieu de ça, tu me mets des bâtons dans les roues ! À quoi tu joues, toi et tes copains ? Tu veux me couler ? Notre marché ne tient plus ?!

Le barbu haussa la voix, son ton devenant plus menaçant à chaque phrase. Il semblait être le seul à s’énerver. En face, son interlocuteur restait imperturbable.

Poker face ! criai-je intérieurement.

Son pied qui tremblait légèrement le trahissait. Il était en mauvaise posture. Et l'autre ? Il cachait probablement une arme.

Pourquoi personne ne réagit ?

Les autres clients ne voient-ils pas que la situation dérape ?

Les serveurs ? Allôôôô ? Quelqu’un ?

Puis, tout bascula.

Le barbu se leva d’un bond et, sans prévenir, sortit un revolver. Avant même que je puisse comprendre ce qui se passait, il pressa la détente.

PAN !

L’homme aux lunettes bascula en arrière. Son visage crispé ne se tordit pas de douleur, comme si…

Un second coup retentit.

PAN !

Un tir en l'air. La pièce sembla se figer. Tout autour, les clients réapparurent comme par magie. Mais alors que je m’attendais à des cris, des mouvements de panique, il ne se passa rien.

La serveuse bondit sur le barbu et tenta de lui arracher son arme. Il la repoussa d’un coup de poing, reprit son revolver et afficha un sourire triomphant.

Oh non... c’est pas bon pour moi...

J'essayai de bouger. De me lever. De fuir. Mais je restai cloué à mon siège rouge.

Que m’arrive-t-il ?!

D'une voix grave, l'homme armé déclara :

— C’est bon, je viens de régler mon problème. On peut partir.

Et alors, d’un seul mouvement, tous les clients se levèrent et se dirigèrent vers la sortie, sans un mot, sans expression.

Mais l’homme aux lunettes n’était pas mort. Il se redressa d’un coup, attrapa un pistolet caché sous son chapeau et tira.

PAN !

L'homme barbu, pris de dos, s'effondra.

Un gilet pare-balles !

Sans hésiter, l’homme aux lunettes vida son chargeur. Chaque balle atteignit sa cible. En quelques secondes, tous les autres étaient à terre, baignant dans un liquide rouge d'une teinte étrangement artificielle.

Tous sauf moi.

L’homme aux lunettes tourna alors lentement la tête vers moi.

Je sentis mon cœur s’arrêter.

Il leva son arme. Me visa.

NON ! JE NE SUIS PAS UN ENNEMI ! JUSTE UN CLIENT MALCHANCEUX !

Mais aucun mot ne sortit de ma bouche.

PAN !

Puis… le noir.

Le bruit du coup de feu résonna dans mon crâne, se mélangeant au silence étrange et pesante de la pièce.

Soudain, une ombre gigantesque tomba devant moi.

Les lumières se rallumèrent.

Et je vis les rideaux se refermer, sous les applaudissements du public.

C’est à cet instant que je compris : J’avais été témoin d’un crime… inexistant.


Texte publié par Aikōkyarakutā, 28 janvier 2025 à 23h29
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