Je suis immobile, je le fixe. Tout ce qu’il voit c’est une silhouette menue, presque à contrejour. Jean, sweat à capuche et veste en cuir par-dessus. Depuis son trou il ne semble pas comprendre ce qui lui arrive. Enfin si peut être. Coincé dans un trou dont il ne peut sortir, le trou que j’ai creusé, moi, petite chose fragile d’apparence, il est désorienté. Il regarde autour : Une vielle bâtisse en ruine, une éolienne qui grince, quelques arbres. Le désert.
Surprise, abruti !!!!
Le flingue à ma main ne sert à rien, sinon à faire peur. Je ne sais même pas tirer avec. Enfin MOI, je ne sais pas. LUI, il sait. Mais il n’est pas encore arrivé. Je l’attends. J’ai fait ma part du boulot, c’est à son tour maintenant.
- Et maintenant tu comptes faire quoi ? Me buter ? me lança le type au fond de son trou.
Non, ce n’est pas moi qui m’occupe des connards dans ton genre, c’est son truc à LUI. D’ailleurs il arrive, je vous laisse faire connaissance.
Je ne réponds pas, me contentant de le fixer, l’air absent. Petit à petit je me détache de mon environnement, je prends le large et je LUI cède la place. J’ai fait ma part du boulot, IL va faire le reste. Je sais qu’IL piaffe d’impatience.
Mes sentiments s’estompent, je bascule dans le vide tandis qu’IL s’installe aux commandes.
La capuche du sweat se rabat sur ma tête, comme un masque se mettant en place, mon corps se tend alors que mes muscles se crispent. La transformation s’opère. Je sens une dernière fois l’acier de l’arme dans ma main avant que tout ne se voile. Je vois le regard du salopard en contrebas afficher de la surprise pendant qu’il assiste à sa venue à LUI. Puis de la peur.
Trop tard connard, trop tard…
Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas…
Une semaine plus tard…
- Comment vous sentez vous Hélène ?
La femme assise devant le bureau semble hésiter. Son visage crispé se détend légèrement et l’esquisse d’un sourire se dessine. Mais ses mains continuent de trahir l’anxiété qui l’emplit.
- Mieux. Soulagée. Ils m’ont dit que c’était terminé, qu’il ne reviendrait pas. Que je n’ai plus à avoir peur.
- Comment voyez-vous l’avenir maintenant que vous savez tout ça ?
- Je ne sais pas trop. J’ai des projets que je vais pouvoir mettre en œuvre. Repartir à zéro, prendre un nouveau départ.
- Vous avez raison Hélène. C’est ce que vous devez faire. Projetez-vous dans l’avenir et positivez. Votre vie vous appartient désormais, il est temps de la vivre.
Hélène se lève de son fauteuil, la femme derrière le bureau fait de même.
- Merci docteur. Merci pour tout.
- Je suis là pour vous aider Hélène. Revenez quand vous voulez.
Une poignée de main chaleureuse et elle quitte la pièce. La porte se referme doucement, la psychiatre pousse un soupir avant de se retourner. C’était son dernier rendez-vous de la journée et celle-ci n’est pas encore terminée. Elle aussi devrait être soulagée pourtant l’anxiété se lisait sur son visage : une autre tâche l'attendait.
Elle regarde sa stagiaire rassembler ses affaires, pour elle aussi la journée devrait être close. Et pourtant…
- Marjorie, tu aurais quelques minutes à m’accorder ?
- Bien sûr Julia ! Un débriefing sur Hélène ?
- Oui, en quelque sorte.
Le ton employé par le docteur surprend Marjorie qui fronce alors les sourcils. Six mois de stage, elles avaient appris à se connaître. De déjeuners en dîners, la professeure et son élève étaient devenues intimes au fil du temps. Trop même.
- Je dois lui parler.
Marjorie se fige, ses yeux bleu clair fixe la psychiatre, un voile de crainte y passant.
- Pourquoi ? Vous savez bien qu’il ne peut pas…
- On est venu me poser des questions. Il faut que ça s’arrête. On doit lui dire.
La stagiaire se met à trembler légèrement, esquisse même un pas en arrière avant de se ressaisir.
- Je ne comprends pas…
- La police. Une enquête a été ouverte pour les trois disparitions. L’une des choses qui les relient ce sont les femmes qui viennent me consulter. Donc bien sûr j’ai été considérée comme suspecte, mais après mes réponses et vu mon… gabarit, ils m’ont éliminée de l’équation. Ils m’ont aussi posé des questions sur toi mais… Julia désigna la jeune femme. De toute évidence ils ne te croient pas capable de…
Un silence s’installe, les deux femmes se regardent, la plus âgée renouvelant sa requête de façon plus insistante.
- Marjorie, c’est important. Je dois lui parler. Je suis là pour vous protéger tous les deux, mais sans dialogue je ne peux rien faire.
La jeune femme ne répond pas mais plonge une main dans la poche arrière de son jean. Julia retient sa respiration puis expire lorsqu’elle voit cette main en sortir une casquette. Marjorie rassemble sa chevelure blonde qu’elle fait disparaître sous celle-ci avant de se redresser et de fixer à nouveau le docteur.
Julia frissonne en voyant les yeux bleu clair se changer en bleu acier. Les traits du visage de sa stagiaire changent, se font plus durs. Elle voit aussi les muscles de son corps se nouer et se tendre. Comme à chaque fois, elle est presque en admiration devant ce phénomène. La bouche de la jeune femme s’ouvre et Julia entend, dans un murmure, le début de la comptine rituelle.
Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas…
Le nouveau visage de Marjorie cligne des yeux, dévisage la psychiatre et se met à sourire. Julia rassemble son courage avant de se lancer.
- Bonjour Chris.
La voix qui lui répond est plus grave, plus posée. Une voix d’homme.
- Bonjour Docteur. Ça faisait longtemps.
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