Depuis quelques temps déjà, Erwan avait réussi : Alex était libre. Mieux encore, il n’en avait pas été tenu responsable. Eobard avait subi les conséquences à sa place et il était parvenu à garder la confiance de Donovan. Un coup de maître.
Que pourrait-il faire de plus, désormais ? Il avait l’impression de revenir au point de départ, sa mémoire toujours aussi fragmentée. Sur une intuition, il flânait souvent bien loin de l’antre de leur souverain. Son objectif n’était pas de le servir, il en était persuadé. Avait-il été mandaté pour l’espionner ?
Il errait sans but apparent. À chaque fois, il sentait qu’il se rapprochait de plus en plus de son passé. Au hasard de ses pas, il s’arrêta devant une auberge. Sombreflamme. Une brume de souvenirs à peine tangible afflua à la surface lorsqu’il en lut le nom. Dissipant son hésitation, il s’avança et franchit le seuil, capuche rabattue pour ne pas se faire reconnaître sur un éventuel malentendu.
Après avoir poussé la porte, il balaya la salle du regard, puis s’avança vers l’une des tables située contre un mur, un peu à l’écart. Encore une fois, il se sentait guidé par son intuition. Personne ne fit attention à lui lorsqu’il s’installa.
Sirotant sa commande, il écoutait d’une oreille distraite les conversations alentour en essayant de rappeler à sa mémoire les vestiges de son existence quand un homme masqué prit place face à lui.
— Tu en as mis, du temps.
Cette voix grave avec un léger accent, ces cheveux blonds… Erwan les reconnut. Pourtant, le nom qui y était associé ne lui vint pas directement à l’esprit. Des images s’entrechoquèrent. Il le connaissait bien, sans aucun doute.
— Pourquoi ne dis-tu rien ? Les oreilles indiscrètes seront sourdes à notre conversation, tu le sais bien ! En tout cas, tu joues ton rôle à la perfection ! Et surtout… Merci d’avoir sauvé Alex.
— Je ne sais même pas pourquoi je l’ai fait, ni ce que je suis en train de faire, répondit Erwan d’un ton abrupt.
Il avait l’impression de recevoir des coups de massue sur la tête à mesure que son interlocuteur lui débitait ses paroles. Ce dernier le fixa avec compassion.
— Oh… Alors c’est vrai, elle n’y est pas allée de main morte.
Boris. Enfin, son nom lui était revenu. Tout devenait plus clair. Lui-même faisait partie de la Dissidence, Boris en était le leader, et il était aussi son meilleur ami. Soulagé, il finit d’un trait sa pinte avant de la reposer sur la table bruyamment.
— Bon sang, ça y est, ça me revient… Elle m’a déglingué l’esprit tu peux le dire, reprit-il amèrement. Tu connais la garce qui m’a fait ça ?
Le visage de Boris fut traversé furtivement par une expression de surprise peinée qu’il tenta de masquer sans tarder. Pourquoi cette réaction ?
— Hum… Eh bien, ça n’a plus trop d’importance, éluda-t-il en proie à un malaise évident. De quoi te souviens-tu exactement ? Ton rôle est important, nous ne pouvons nous permettre un échec maintenant que tu es arrivé jusque là !
— Tu veux dire, après que j’ai sacrifié mon intégrité ? ironisa Erwan. Très bien… Lorsque j’ai repris conscience, tout a été compliqué. Seule ma mission vis à vis d’Alex m’apparaissait clairement, même si je ne savais pas réellement où me situer. J’ai agi par instinct, par intuition. Cette même intuition qui a fini par me mener jusqu’ici. Je pense me souvenir de l’essentiel, à présent.
— Bon retour parmi nous, alors, mon pote ! J’envoie ma tournée pour fêter ça !
Tout en prononçant ces paroles avec ferveur, Boris tendait une main vers lui, son visage bourru fendu d’un large sourire. Erwan n’eut pas le cœur à revenir sur ses doutes, sur l’identité de cette femme qui le hantait, ni sur le but de la manœuvre qui l’avait mené jusqu’ici. Malgré les questions qui tournaient inlassablement dans sa tête, il accepta donc la poigne puissante sans un mot, souriant à son tour.
— Raconte-moi comment tu as réussi à sauver mon frère, reprit Boris, les yeux plein d’étoiles.
Alors, Erwan entama son récit, enjolivant chaque action pour le rendre épique, tant pour faire plaisir à son ami retrouvé que pour écarter ses propres tourments.
Hélios et Ignus avaient convenu de se retrouver suite à chaque session d’entraînement avec Lucien. Ce rituel lui permettait de progresser rapidement et ils avaient développé une complicité durant ces cours supplémentaires officieux.
Cependant, Ignus arriva avant sa session officielle dans une étrange euphorie. Hélios ne l’avait encore jamais vu se comporter ainsi.
— Tu ne vas pas le croire, j’ai fait une découverte incroyable ! s’enthousiasma Ignus.
Il prit son ami par les épaules, le transportant avec lui dans son Repère, et d’une voix emplie d’émotion, les yeux brillants, il lui annonça de but en blanc :
— Hélios, j’ai trouvé un moyen de retrouver tous mes souvenirs du temps où j’étais mortel.
Abasourdi, il accusa le coup. Pourquoi Ignus voudrait-il tenter une telle chose ? En avait-il mesuré les conséquences ?
— Se souvenir de chaque instant, de chaque personne que j’ai connue… Tu te rends compte ? Ce serait merveilleux !
— Je… Tu ne crois pas que ça va à l’encontre de ce que nous sommes censés faire ?
Devant l’attitude et la réplique d’Hélios, Ignus fronça les sourcils, perdant instantanément son entrain.
— De quel droit me juges-tu ? Tu ne connais même pas toutes nos règles ! s’emporta-t-il.
Hélios resta coi, déstabilisé par l’attitude si étrange de son ami. Que pouvait-il répondre à cela ? Il en savait pourtant bien assez pour réaliser qu’Ignus avait dû enfreindre quelques règles afin de parvenir à ce résultat. Notamment ce fameux Traité dont il avait pris connaissance. Ignus lui lança un regard suspicieux.
— Tu ne vas quand même pas en parler à Lucien, si ?
— Je persiste à te déconseiller une telle entreprise, mais si ce n’est pas ce que tu souhaites, je ne vois pas pourquoi je lui en parlerais…
Ignus se détendit et Hélios dissimula son malaise comme il le pouvait. Il décida de changer de sujet, parce qu’il n’était effectivement pas en position de juger les actes de son ami. Par ailleurs, il y avait autre chose dont il souhaitait s’entretenir avec lui.
Parallèlement à ses entraînements, Hélios fréquentait souvent Aurora. Leurs échanges étaient toujours agréables et il s’attachait de plus en plus à elle. Cependant, il écoutait avec désarroi ses confidences. L’absence d’Ignus, qui l’évitait perpétuellement, pesait à son amie et il lui avait finalement avoué qu’il le côtoyait toujours de son côté.
— Je dois te parler de quelque chose d’important par ailleurs… commença-t-il. Aurora se morfond. Tu lui manques. Pourquoi l’évites-tu ?
— Cela ne te regarde pas, se renfrogna Ignus. Je voulais partager ma joie avec toi, mais visiblement c’était une erreur.
— Mais qu’est-ce que tu racontes !? Je viens de te dire qu’Aurora souffre de ton absence, et c’est tout ce que tu trouves à répondre !
— Ne vois-tu pas que tu es plus important à ses yeux, désormais ?
Surpris, Hélios haussa les sourcils. Ignus était donc vraiment jaloux ?
— Tu as pris ma place, pour Lucien comme pour Aurora, continua-t-il d’un ton acerbe.
C’était évident, Ignus se sentait rejeté par sa faute, et même s’il avait tenté d’adoucir cette amertume en lui offrant sa sollicitude, Hélios ne pouvait pas effacer le bouleversement que son arrivée avait provoqué.
— Je comprends ta rancœur en ce qui concerne Lucien… Mais pour Aurora, tu es le seul responsable, se défendit-il pourtant.
— Je ne peux plus rester auprès d’elle, pas tant qu’elle ne sera pas prête.
— Prête ?...
— Hélios. Tu es en retard.
Lucien n’aurait pas pu tomber plus mal. Ignus semblait regretter les paroles qu’il avait prononcées du bout des lèvres. Son visage s’était fermé.
— De quoi est-ce que tu parles, Ignus ?
— Peu importe.
— Prête à quoi ?
— Vous êtes tous les deux aussi bornés l’un que l’autre en tout cas… Lucien t’attend, il me semble, conclut-il en le chassant de son Repère.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2974 histoires publiées 1326 membres inscrits Notre membre le plus récent est Amateur de lecture |