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tome 1, Chapitre 1 « Acte I » tome 1, Chapitre 1

Au Commencement…

L’Errance…

Pèlerin d’Entre-Mondes, fou arpentant les espaces-temps, sans cartes, sans étoiles, sans boussole, les yeux tournés vers le ciel où couve une nuit éternelle. Vois ce sable qui s’écrase sur ta barbe. Ce manteau de poussière, élimé par les ans, traîne sur le sol plat puis se soulève sous le vent qui n’en peut plus de souffler dans le vide. Pèlerin d’Entre-Mondes, quand cesseras-tu ton voyage aux confins du Néant ? Pèlerin d’Entre-Mondes, dis-moi qui tu es.

***

THOMAS

Quelque part dans le MONDE

Quand Thomas se réveilla, une aube grise filtrait entre les volets. Il se leva et l’ouvrit, luttant contre la lumière qui abîmait ses yeux encore embrumés par le sommeil. De sa fenêtre, il aperçut la silhouette de son père s’éloigner vers les champs où travaillaient déjà ses employés.

– Thomas ! clama une voix mélodieuse en contrebas. Descends, mon chéri, nous avons du travail !

– Oui maman, je viens.

Il enfila sa tunique, ses braies et ses bottes puis descendit l’escalier qui grinçait sous ses pas. Sa mère l’embrassa et le serra dans ses bras.

– Petit chéri, petite marmotte ! Si je ne t’avais pas réveillé, tu dormirais à l’heure du coucher. »

Thomas ne put s’empêcher de rire.

– Oh non ! J’aurais dormi encore plus longtemps !

– Petit farceur ! Prends ton petit-déjeuner, nous avons beaucoup de travail aujourd’hui.

Sur la table l’attendait un bol de bouillie d’avoine saupoudrée des mûres sauvages qu’il avait cueillies la veille, juste après les moissons.

Thomas avala son petit-déjeuner avec appétit. Ce n’était qu’un simple gruau mais par un procédé qu’il ignorait, sa mère semblait toujours donner une saveur particulière à tous les plats fussent-ils de simples brouets sans pain. Finalement, les voisins devaient avoir raison, elle devait être un peu magicienne !

– Ton père vient de partir, tu le rejoindras tout-à-l’heure. lui dit-elle en rassemblant le linge sale dans un grand panier.

L’évocation même des moissons et de son père lui serra soudainement l’estomac. Il posa sa cuillère dans le bol et lâcha :

– Je veux t’accompagner à la lessive.

– Mon ange, tu sais bien que ce n’est pas possible. Dans notre village, les petits garçons doivent aller aux champs avec leurs pères. »

La fin de sa phrase s'acheva par un soupir difficilement réprimé. Thomas sentit son sang bouillir dans ses veines. Sa mère était une fée qu’on avait capturée et enfermée sous cloche. Et la seule chose qui la faisait tenir était la résignation.

– Je ne veux pas faire ça. »

Sa mère leva les yeux vers lui.

– Que dis-tu, mon chéri ?

– Je ne veux pas m’occuper des champs, je ne veux pas hériter des terres de père quand je serai grand. Quand je serai grand… je serai… bah je ne sais pas ce que je serai mais on sera libre ! On vivra dans la forêt, tous les deux ! On fabriquera plein de remèdes et je pêcherai pour le repas. Tu verras, maman, ce sera magnifique ! »

Pendant un instant, il crut voir briller dans les yeux de sa mère, l’éclat cristallin d’une larme. Une tristesse cachée au plus profond d’elle-même qui apparaissait et disparaissait avec la fugacité de la grenouille qui plonge dans une mare au moindre bruit.

– Allons, on n’en est pas encore là, répondit-elle avec un sourire contrit. Tu auras le temps de choisir ce que tu voudras faire quand tu seras en âge de prendre des décisions. Pour l’instant, il faut que nous fassions notre part... »

Elle ne croyait pas ce qu’elle disait, Thomas le savait. Évidemment qu’il n’aurait jamais le choix. Les terres étaient un bien précieux dans la région, surtout des terres aussi fertiles que celles que possédait son père mais ce n’était pas ce qu’il voulait.

Sa mère se remit à sourire :

– Et après le travail, nous fabriquerons nos remèdes ensemble.

– Oh maman, j’ai tellement hâte !

L’idée de Thomas consistant à s’enfuir dans la forêt venait tout juste d’émerger de son esprit. Il n’y avait pas réfléchi auparavant mais maintenant qu’il avait cette idée en tête, il n’était plus question de la laisser s’échapper ! Oui, maman, un jour je t’emmènerai dans la forêt, nous vivrons avec les écureuils, les biches et les faucons. Je construirai une jolie chaumière avec un bon feu pour nous réchauffer l’hiver. Nous cueillerons des baies et des champignons. Tu connais si bien les champignons, pas de risque de s’empoisonner ! Nous vendrons nos remèdes pour nous acheter des vêtements chauds. On donnera même des remèdes aux plus pauvres quand on aura assez de quoi nous abriter. Le poisson que je pêcherai sera le meilleur de tous. Nous regarderons le soleil se lever et se coucher. Loin des champs, loin des voisins qui te regardent avec un drôle d’air, loin de tout.

***

LE PÈLERIN

Désert du Néant – OUTREMONDE

Loin des Hommes, loin du monde… depuis combien de temps erré-je dans ces terres plates et poussiéreuses ? Où les végétaux malingres penchent leurs têtes pathétiques comme pour vouloir revenir sous terre plutôt que de risquer à affronter le vide ? Combien de temps foulé-je ces terres que j’aie pourtant parcourues, il y a longtemps, très longtemps quand je découvris Outremonde pour la première fois ? Si j’ai oublié le but de mon voyage, je sais que je ne me suis pas perdu par hasard. Mais bon sang, qu’est-ce qu’Outremonde veut me montrer, à la fin ?

Bancal et brisé

Voyageur épuisé

Ne sait où aller.

Faut-il donc s’égarer

Pour qu’un voyage puisse s’achever ?

Ou alors… commencer ?

Pèlerin d’Entre-Mondes, fou arpentant les espaces-temps, sans cartes, sans étoiles, sans boussole, les yeux tournés vers le ciel où couve une nuit éternelle. Vois ce sable qui s’écrase sur ta barbe. Pèlerin d’Entre-Mondes, dis-moi qui tu es. 

***

Pendant qu’il attachait les gerbes de blé, Thomas avait cru voir un oiseau étrange se poser sur le rebord de la fenêtre de la cuisine, restée encore ouverte. Il portait une sorte de papier enroulé entre ses pattes, comme dans les contes. Sa mère l’avait-elle vu ? S’il y pensait, il lui en parlerait le soir venu.

***

Je connais pourtant tous les recoins d’Outremonde, des Terres du Crépuscule aux Cités des Mages, des Clans sylvestres aux Montagnes des Lunes. Je connais ses habitants, des êtres aux bêtes, des fées aux mages, des humains aux créatures abyssales. Alors pourquoi se perdre ici et maintenant ? Pourquoi ce grand désert gris poussière semble-t-il aussi infini que la mort elle-même ? Ah ! Voilà que mes yeux s’embrument. Mais… que vois-je ? Oui, un humain, un être humain, tout petit, qui semble s’avancer vers moi. J’entends une voix. Est-ce la sienne ? Que dit-elle ?

Je cours, cours éperdument vers ce petit être qui semble vouloir me rencontrer. Mais… je ne comprends pas ! … Que… Où est-il ? Mais où est-il ? Je l’ai vu, là ! Comme je vois le ciel vide, la poussière du sol, les pierres égarées et les végétaux moribonds ! Où est passé ce petit morceau de vie dans ce décor de mort ?

J’entends à nouveau la voix, cette fois je comprends ce qu’elle me dit :

Pèlerin d’Entre-Mondes, fou arpentant les espaces-temps, sans cartes, sans étoiles, sans boussole, les yeux tournés vers le ciel où couve une nuit éternelle. Vois ce sable qui s’écrase sur ta barbe. Pèlerin d’Entre-Mondes, dis-moi qui tu es.

Quelles paroles étranges ! Je sais qui je suis mais je ne sais pas ce que je fais ici depuis si longtemps !

Et cet enfant. Est-il réel ?

Je me souviens ! Je l’ai déjà vu ! C’était il y a si longtemps ! Mais où ? Mais quand ?

Où est-il passé, ce petit garçon aux épis de blé ?

« Pèlerin d’Entre-Mondes, dis-moi qui tu es. »

***

Thomas avala son dîner prestement et pendant que le père partait se coucher, il rejoignit sa mère qui rassemblait des herbes.

– Tu en as cueilli de nouvelles ?

– Oui ce matin, avant que le soleil ne soit trop brûlant. Touche, elles sont encore fraîches ! »

Il en prit une dans sa main. Le contact frais de la plante entre ses doigts l’apaisa immédiatement.

– Elles sentent si bon !

– Peux-tu nommer chacune d’elle ?

Thomas acquiesça, il avait appris chacune des plantes médicinales que sa mère cueillait : le basilic, la mélisse, la lavande, la camomille, la menthe, le romarin… Il participait à chacune des décoctions préparées par sa mère, celles qui allait soulager les maux des villageois qui venaient la consulter. Les mêmes qui la regardaient avec un drôle d’air quand il y avait du monde autour d’eux...

– Il est tard, va te coucher maintenant. » Elle l’embrassa sur le front. Il la prit dans ses bras, puis, monta dans sa chambre.

***

Au commencement. L’Errance. Mais pas dans cette vie. Bien avant ce commencement, il y avait l’amour. Une main douce qui caressait ma joue pour essuyer mes larmes. Un sourire qui réconfortait comme le feu de l’âtre. Un parfum doux comme une chair de jeune fille qui se dégageait d’un vieux châle. Des cheveux comme une envolée de plumes chatouillant le bout de mon nez.

De quelle couleur, ces cheveux ?

À quel oiseau rare ces plumes appartiennent-elles ?

Caprices de la mémoire, il n’en reste que des fragments. Des fragments sans visage ni couleur. Ne restent que de petits morceaux d’impressions, éclats de joie éparpillés dans les recoins de la conscience, de petites fleurs de coton douces et sucrées comme des nuages de contes cheminant avec moi dans le Chaos.

Pèlerin d’Entre-Mondes, fou arpentant les espaces-temps, sans cartes, sans étoiles, sans boussole, les yeux tournés vers le ciel où couve une nuit éternelle. Vois ce sable qui s’écrase sur ta barbe. Pèlerin d’Entre-Mondes, dis-moi qui tu es.

***

Thomas n’arrivait pas à dormir. Il était si jeune et pourtant, il repensait à tout ce temps perdu. Tout ce temps loin de la forêt, des cascades qui ruissellent le long des roches, des montagnes enneigées et des aigles majestueux. Il y avait bien une forêt à côté du village, mais c’était un domaine privé réservé aux chasseurs. Tout ce qu’il venait d’énumérer mentalement provenait des livres de sa mère. Comment pouvait-elle vivre ainsi ? Une vie, un homme, une maison qu’elle n’avait pas choisis ? Et lui, son fils ? Si elle avait été libre, aurait-il vu le jour ? Était-il une consolation ou un fardeau de plus ? N’y tenant plus, il décida de mettre son plan à exécution. Il s’enfuirait avec sa mère. Il alluma une bougie et descendit prudemment dans le cellier où sa mère entreposait ses livres, bien cachés sous des sacs d’herbes médicinales.

Il souleva les sacs et les posa sur le côté. Il souleva un petit volume et l’ouvrit avec un soin religieux. Les pages jaunies sentaient bon. Aucune odeur ne ressemblait à celle des vieux livres ! Il recherchait des ouvrages qui parlaient des montagnes enneigées et des forêts sans chasseur. Sa mère lui avait montré des images, et heureusement, elle lui avait appris à lire. Il y avait des livres de contes pour enfants, des livres sur les plantes, les animaux et même les montagnes ! Hélas, aucune destination n’était indiquée. Il fallait pourtant trouver quelque chose quitte à passer des mois à mener son enquête pour trouver une nouvelle destination hors de ce village ! Il allait poser un autre volume au fond de la caisse quand il entendit un drôle de grincement. Interloqué, il poussa doucement la caisse et palpa le plancher. Une planche grinçait plus que les autres ! Il glissa ses doigts sur les bords et se rendit compte qu’elle était descellée ! Le cœur battant, il la souleva et fit une découverte ahurissante !

***

Le Chaos, oui, celui qui a provoqué le Commencement. Qui a croqué l’Âge d’Or et en a répandu le jus comme une flaque de sang. Une main froide agrippe mon épaule, un regard de glace emprisonne le mien, une gueule de bête humaine qui vomit des ordres incohérents. « Reste pas là, éloigne-toi d’elle » ! Oh non ! Par pitié, Désert d’Outremonde, ne me laisse pas revoir cela ! Abandonne-moi à l’oubli !

Pèlerin d’Entre-Mondes, dis-moi qui tu es.

À suivre...


Texte publié par Les Carnets d’Outremonde, 18 janvier 2025 à 11h39
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