Quelques mois s'étaient écoulés depuis leur retour de Saint-Jacques-de-Compostelle, un périple qui avait laissé plus de souvenirs rocambolesques que d'ampoules aux pieds. Pourtant, pour Jules et Jim, propriétaires du sex-shop du coin, les affaires n’étaient pas au beau fixe depuis le scandale. Ah, ce fameux scandale ! Bref, tout cela était derrière eux et Jules n’avait plus qu’une idée en tête : repartir.

Il avait acheté une vieille estafette bleue, une véritable relique mécanique avec une peinture écaillée et un compteur qui semblait avoir tourné deux fois autour du cadran. Jim, son meilleur ami et compagnon d’aventures improbables, était d'accord pour l’accompagner. Mauricette, la femme de Jules, avait été « convaincue » à coups de grands arguments douteux : "C’est l’occasion de renouer, chérie". Il avait insisté pour qu'elle vienne. Bien-sûr il n'avait pas oublié sa coucherie avec Jim mais il avait pardonné, "Jim est un très bon copain et il y avait la Marie-jeanne" disait-il.

Ainsi, le trio improbable prit la route, bien décidés à oublier leurs déboires. Tout allait relativement bien jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent pour un spectacle des Bodin's dans un village perdu. L’humour champêtre et quelques litres de vin blanc plus tard, ils titubaient joyeusement jusqu’à l’estafette. Malheureusement pour eux, une patrouille de gendarmes, sur le chemin du retour à la gendarmerie, les intercepta.

— Messieurs, dame, pas besoin d’éthylotest, hein ! Vous empestez la vinasse à 10 mètres.

Confiscation immédiate du permis de Jules, et le trio fut invité à suivre les gendarmes jusqu’à la gendarmerie.

La soirée dérape

Arrivés sur place, le calme régnait. La cellule de dégrisement était une pièce minuscule, prévue pour une seule personne. Mauricette, toujours pleine de ressources, se plaignit aussitôt :

— Moi, j’ai faim ! Vous pensez qu’on va tenir toute la nuit comme ça ?

Les gendarmes, un brin désabusés mais visiblement bonhommes, se laissèrent attendrir. Jules saisit l’occasion :

— Dites, si je vais chercher quelques victuailles dans l’estafette, vous nous laissez grignoter ? Ce serait dommage de gâcher…

Les gendarmes, un peu curieux, acceptèrent. Jules et Jim revinrent triomphants, les bras chargés de deux paniers débordants : du saucisson, du fromage qui embaumait, une quiche aux poireaux et, bien sûr, trois bouteilles de vin rouge.

La gendarmerie se transforma rapidement en une salle de restaurant improvisée. On tira une table, on sortit des verres. Mauricette joua les sommelières, et bientôt, les gendarmes eux-mêmes se laissèrent tenter.

— Après tout, c’est calme ce soir, lança l’un d’eux en débouchant une nouvelle bouteille.

Les langues se délièrent, les rires fusèrent, et la soirée prit des allures de banquet médiéval. Jules, véritable chef d’orchestre de cette débauche gastronomique, alla même rechercher une quatrième bouteille dans l’estafette.

L'éthylotest olympique

Quand l’aube pointa, tout le monde était dans un état second. Un gendarme, hilare, proposa de tester leur taux d’alcoolémie pour voir qui avait « gagné ». Jules souffla dans l’éthylotest et fit un score qui aurait pu faire exploser l’appareil. Jim le suivit de près, tandis que Mauricette, championne toute catégorie, faillit être applaudie.

— On devrait breveter ça, murmura l’un des gendarmes, hilare.

Retour à la route

Au moment de partir, Jules lança, le visage encore écarlate :

— Franchement, les gars, on s'emmerde plus au café qu'à la gendarmerie !

Les gendarmes éclatèrent de rire et, dans un élan de complicité, décidèrent de les laisser repartir avec un simple avertissement.

Dans l’estafette bleue, bringuebalante mais fidèle, le trio reprit la route, avec une nouvelle histoire loufoque à ajouter à leur collection.

Quant à la morale de l’histoire ? Peut-être qu’elle tient dans cette vérité universelle : même au poste de gendarmerie, tout est une question de vin et de bonne compagnie.