Le Grand Virage de Jules et Jim

— Arrêtons les conneries ! rugit Jules, jetant sa clope dans une flaque d’huile qui traînait près de la vieille Simca.

Jim, assis sur le capot, acquiesça d’un hochement de tête, le regard perdu dans le vide. Depuis qu’ils avaient kidnappé un curé, tout avait basculé. Braquer une banque, ils l’avaient fait. Organiser une orgie no limits c’était dans les archives de leur chaos. Et maintenant quoi ? La pente descendait droit vers un précipice.

— Il est temps de redresser la barre, Jim. Une vie respectable, c’est ça qu’il nous faut.

— Respectable ? Genre… ouvrir une épicerie ?

— Mieux que ça, un sex-shop, répondit Jules avec un sourire coquin.

Jim haussa un sourcil. L’idée semblait ridicule, mais il y avait une certaine logique. Leur raisonnement ? La clientèle de ce genre de commerce était composée, selon Jules, de retraités pleins de fric, discrets, et aimables.

Une reconversion inattendue

Quelques semaines plus tard, "Plaisirs en Dentelles" ouvrit ses portes au coin d’une rue tranquille. Et contre toute attente, ça marcha. Les vieux du quartier, armés de leurs lunettes à double foyer et de leurs chéquiers, affluaient pour se procurer des accessoires qu’on n’aurait jamais imaginé dans leurs mains.

— Le silence des clients, c’est ça le luxe, disait souvent Jim.

Mais un vieux monsieur attira particulièrement l’attention de Jules. Il venait régulièrement, toujours vêtu d’un pardessus trop grand et transpirant abondamment. Jules ne savait pas pourquoi il le suivait des yeux à chaque visite. Était-ce de l’intérêt ? Une intuition ?

Le jour du scandale

Un après-midi, la climatisation du magasin rendit l’âme, transformant "Plaisirs en Dentelles" en sauna improvisé. Quand le vieux monsieur se présenta à la caisse, dégoulinant de sueur, sa fausse barbe glissa sur le comptoir. Jules écarquilla les yeux. Monsieur le curé !

Les clients autour stoppèrent leurs discussions en chuchotant. L’affaire fit grand bruit. Un curé pris la main dans le sac (ou plutôt dans le tiroir à jouets) dans un sex-shop, géré par deux ex-délinquants ? La nouvelle éclata comme une bombe dans le quartier.

Le pèlerinage redempteur

Face au scandale, Jules et Jim firent ce qu’ils savaient faire de mieux : improviser.

— On l’emmène à Compostelle, déclara Jules. C’est son truc les prières, non ?

Le curé, pris au dépourvu, finit par accepter. L’idée de fuir la honte et de marcher vers un semblant de rédemption lui convenait. Cependant, Jules et Jim avaient leurs propres conditions :

— On ne fait pas ça comme des martyrs, hein. Bouffe et pinard à chaque étape. Il faut bien "recharger les batteries".

Le trio prit la route à pied, avec une charrette pleine de victuailles, des bouteilles de rouge et une tente en forme de coquille Saint-Jacques.

Une aventure hors normes

Le voyage fut un mélange improbable de spiritualité et de débauche modérée. À chaque village, ils s’arrêtaient pour festoyer, provoquant des scènes mémorables. Le curé tentait d’entonner des cantiques pendant que Jules chantait du Brassens, un verre à la main. Jim, lui, s’improvisait chef cuisinier sur un réchaud portable.

Un soir, autour d’un feu de camp, le curé, un peu éméché, lâcha :

— Vous savez… Peut-être que ce scandale était une bénédiction. Vous, vous m’avez fait découvrir la liberté. Moi, je vous ai donné une chance de vous racheter.

Jules et Jim échangèrent un regard incrédule.

— Alors là, mon père, si c’est pas une confession digne d’un Oscar, je sais pas ce que c’est, répliqua Jules en éclatant de rire.

L’arrivée

Quand ils arrivèrent enfin à Saint-Jacques-de-Compostelle, les trois compères se sentirent étrangement légers. Le curé trouva un certain apaisement. Jules et Jim, eux, réalisèrent qu’ils avaient découvert une vocation : organiser des pèlerinages gastronomiques.

Ils rebaptisèrent leur sex-shop en "Pèlerinages & Plaisirs" et se mirent à vendre des guides spirituels accompagnés de paniers gourmands. Leur clientèle resta fidèle, trouvant dans cette transition une originalité qui faisait leur charme.

Ainsi, Jules, Jim et le curé continuèrent leurs aventures, mêlant repentir, hédonisme et une bonne dose d’absurde, prouvant que, parfois, la meilleure des conversions passe par une route bien sinueuse.