Pourquoi vous inscrire ?
Humanité 2.0 - Chapitre 2 : La Cité des Rêves Perdus
icone Fiche icone Fils de discussion icone Lecture icone 1 commentaire 1
«
»
Lecture

Chapitre 2 : La cité des Rêves Perdus

Azraël se réveilla dans un lit de plumes. Le baldaquin, ainsi que la pièce et le mobilier, était sculpté dans la glace la plus pure. Il plissa les yeux, aveuglé par la lumière qui en émanait. Dehors, il neigeait toujours. Pourtant un soleil aveuglant semblait baigner la pièce. C'était tellement irréel qu'il en vint à se demander s'il n'avait pas été lui-même happé par l'un des Rêves qu'il convoitait tant. Il fit quelques pas, ouvrit la fenêtre et sortit sur le balcon. Ce n'était pas de la neige, mais de la cendre. Tout le village autour semblait exsangue. Des silhouettes haves et faméliques erraient dans les rues. Pas un mot, pas un bruit. Même les maisons semblaient tristes. Elles étaient blotties les unes contre les autres, couvertes d'une couche gris sale. Tout l'opposé de ce qu'il avait ressenti quelques instants (quelques heures ? Jours ?) auparavant. Il sentit comme un léger courant d'air derrière lui et se retourna.

Face à lui se tenait une femme d'une pâleur surnaturelle. Elle arborait un délicat masque noir brodé sur les yeux et un immense manteau en plumes de corbeau aux ailes métalliques déployées dans son dos.

Azraël frissonna. Sa présence ne lui disait rien qui vaille.

-Azraël Phineas Fogg.

Sa voix était aussi tranchante que des lames de rasoir.

-Vous êtes ici mon prisonnier.

Azraël écarquilla les yeux de surprise. Elle lui passa des chaînes d'argent et le conduisit dans une salle aux murs composés du même métal que ses ailes. Elle le fit asseoir dans un siège en forme de corbeau et y attacha les chaînes. Deux rangées de serviteurs apparurent presque immédiatement, les uns apportant un siège, les autres de quoi écrire.

Azraël comprit alors que l'interrogatoire était sur le point de commencer.

-Je suis la Reine du Pays des Rêves. Mon peuple et moi-même sommes les garants du bien-être de l'humanité. Nous fabriquons les émotions, les sentiments, les rêves et même les sensations. C'est grâce à nous que la race humaine perçoit le monde en cinq dimensions.

Azraël hocha la tête, se demandant ce que la Reine attendait de lui.

-Reconnaissez-vous avoir en votre possession une quantité non négligeable de Rêves ? Demanda-t-elle en dardant sur lui ses prunelles d'un noir d'encre.

Azraël baissa les yeux et acquiesça.

-Savez-vous qu'il est formellement interdit de manipuler les Rêves ?

-Non. Répondit Azraël.

-Vous êtes un robot, n'est-ce pas ?

La question, posée ainsi froidement, le cueillit comme un uppercut dans l'estomac. La réponse se forma sur ses lèvres, sans qu'aucun son ne puisse les franchir.

Contre toute attente, deux larmes roulèrent sur ses joues. La Reine eut un demi sourire ironique.

-Ah, les émotions. Difficile, n'est-ce pas ? Maintenant que vous y avez goûté.

-Que voulez-vous de moi ? Parvint-il à articuler.

-Tous les Rêves que vous avez dérobés.

Azraël pâlit.

-Comment vais-je accéder à l'humanité si je ne possède pas ces rêves ?

-Voilà le nœud du problème. Posséder. Toujours posséder, accumuler. Cela vous rend-il heureux ?

Azraël ne répondit pas. Sentant son avantage, la Reine attaqua de nouveau.

-La mort de l'humanité vaut-elle un semblant de bonheur pour vous ?

-La mort ?

-Oui. Regardez autour de vous. Les hommes ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. A peine une brindille, balayée par le moindre souffle de vent. Que peut l'homme sans ses rêves ? Vous êtes bien placé pour le savoir !

Toujours pas de réponse. La Reine renchérit :

-Personne n'est parfait, vous savez. C'est ce que Barthemius vous a fait miroiter ?

Azraël opina.

-Encore un cinglé qui se croit supérieur à tout le monde. Il a bien mérité son sort. Réfléchissez. Il y a d'autres façons d'habiter l'humanité.

Le jeune robot fronça les sourcils.

-Commencez par apprivoiser votre nature. Quel mal y a-t-il a être différent ?

-Que dois-je faire alors ?

-Un choix. Acceptez de redonner vie à l'humanité, asséna la Reine.

-Très bien, mais qu'est-ce que j'y gagne ?

-L'humanité. La reconnaissance. Réparer ses erreurs, ajouta-t-elle en voyant la mine déconfite d'Azraël.

Je vous laisse deux heures pour réfléchir.

Azraël fut reconduit dans sa chambre de glace. Dans sa tête, une véritable tempête faisait rage. Les émotions prêtées pour l'occasion par la Reine se déchaînaient. N'en ayant que peu l'expérience, il en fut effrayé. Cependant, il avait un choix à faire et aucune envie de rester prisonnier de cet univers de cendre et de mort. Peu à peu, son esprit s'apaisa et lui permit de sortir du cadre, des sentiers battus et du chemin tout tracé par Barthemius. Jamais il n'avait imaginé un autre monde que celui, froid et régi par des règles immuables, de son maître. C'était peut-être cela, la liberté dont parlait l'assistant du policier.

Il se rendit sur le balcon. Une foule compacte s'y massait à présent, fébrile, attendant la décision avec impatience. Au milieu d'eux, trônait la Reine.

Azraël se racla la gorge et déclama d'une voix solennelle :

-Moi, Azraël Phineas Fogg, robot créé par Barthemius Aristobule Junior, je fais la promesse de restituer tous les Rêves que j'ai dérobés par la force pour mon usage personnel.

Un hourra s'éleva de la foule enthousiaste. La Reine se détacha du groupe et s'éleva à la hauteur d'Azraël. Elle portait au creux de ses mains maculées de sang un cœur palpitant. Elle le tendit à Azraël qui le reçut en s'inclinant.

Alors, tous les Rêves affluèrent. Le monde se peupla de couleurs vives, la neige retrouva son éclat et le peuple, le sourire.


Texte publié par Agrippa Jn, 26 décembre 2024 à 00h08
© tous droits réservés.
«
»
Lecture
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2878 histoires publiées
1294 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Les Carnets d’Outremonde
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés