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tome 1, Chapitre 3 « Les Souhaits à Exhausser » tome 1, Chapitre 3

Conte de Noël n°3 : Les Souhaits à Exhausser

Sib trépignait d’impatience devant la porte s’élevant sans fin vers les cieux. Le grelot retentissait de plus en plus fort.

— Sib ? demanda Angel avec hésitation. Il y a quoi derrière cette porte ?

Le bonhomme de retourna et agita la tête en émettant son éternel tintement en si bémol.

— Oui, ça j’avais compris qu’il y avait un grelot, mais…

— Mais est-ce qu’il y aura le village ? termina le vieil oncle.

La figurine haussa les épaules et se remit à sautiller devant le panneau, lui donnant des petits coups de poings pour l’ouvrir.

— De toute manière, dit Claus, c’est notre seule option pour nous tirer de cette forêt enchantée. Essayons de l’ouvrir.

Il s’approcha, Sib s’écarta en vociférant lorsqu’il faillit être écrabouillé. Claus poussa le panneau. Il resta immobile. Ils s’y mirent tous les trois ensemble, en vain : on n’entendit pas même grincer le bois.

— Il faut peut-être tirer, dit le garçon.

— Et comment ? Il n’y a pas de poignée !

Angel leva les yeux.

— Si la porte est si grande, la poignée doit être très haute aussi. Sib, tu…

Il s’interrompit. Le petit être avait déjà sauté sur sa tête et commençait à escalader le battant, s’agrippant aux motifs gravés dans le bois. Angel fut émerveillé de son agilité, l’oncle et Claus en restèrent cois. Bientôt, Sib fut trop haut pour être encore visible à travers toutes les branches de pin.

— Il… Il va monter longtemps comme ça ? s’inquiéta l’oncle.

Angel haussa les épaules.

— Apparemment, il adore les cloches. Il fera tout pour trouver ce grelot.

Le vieil homme hocha vaguement la tête. Angel, les yeux levés vers les cimes, ne vit pas à quel point il était pâle. Toute cette aventure était beaucoup trop invraisemblable pour les deux adultes.

On entendit soudainement un énorme « CLAC » ! Tous levèrent en même temps les yeux vers l’immense porte. Angel plongea en avant, rattrapa à la dernière seconde un objet qui tombait du ciel. C’était le petit être de métal.

— Sib ! s’écria-t-il. Tu vas bien ?

La figurine secoua la tête, désorientée. Il se mit debout dans les mains du jeune homme, se tâta un instant le corps, puis hocha affirmativement la tête avec un tintement.

— Tu m’as fait peur, dit Angel en riant, lui caressant la tête.

Il leva les yeux vers la porte.

— Bon… soupira-t-il. Il semblerait qu’elle reste fer…

Une lumière éclatante jaillit alors, le garçon se couvrit les yeux, ébloui. Clignant des paupières, il regarda entre ses doigts.

— La porte… souffla-t-il.

Le panneau s’était ouvert de quelques centimètres vers l’intérieur.

— Sib ! s’écria le garçon. Tu as trouvé la poignée !

Le bonhomme hocha fièrement la tête. Angel déposa un baiser sur sa petite tête froide.

— Tu es le meilleur !

Le petit être se mit à rire de son tintement cristallin. Puis retentit, immense, le son du grelot que l’on entendait tantôt. Sib se retourna vivement, bondit hors des mains du garçon et se précipita dans l’ouverture. Angel se retourna. Claus et l’oncle fixaient la porte avec ébahissement.

— Venez, s’exclama le garçon, Sib est déjà à l’intérieur !

Sur ce, il n’attendit plus, poussa le lourd panneau sans plus de mal et passa le seuil de lumière.

De la musique envahissait l’espace tout de clarté. Un violon, une trompette, un piano, une guitare, invisibles mais retentissants, jouaient des airs de noël festifs, entourés de rires et de martèlements de pas au rythme des danses.

Angel n’y voyait rien. Il était ébloui. Tout ne semblait être que lumière. Puis une vague silhouette se dessina dans son champs de vision, verdâtre, se précisant de plus en plus au fil des secondes. C’était un arbre de noël, un sapin immense, plein de cadeaux à son pied, illuminé de mille chandelles.

Le garçon fit un tour sur lui-même. Une salle de festin était apparue, démesurée, des lustres de cristal pendant du plafond, des tables recouvertes de nappes blanches et de chandeliers d’or, remplies de mets merveilleux. Au centre de la salle, autour de l’immense sapin, des hommes et des femmes dansaient, tourbillonnaient, et au fond Angel put apercevoir la scène et les musiciens.

Puis on entendit sonner une horloge. Douze fois. A chaque coup, un peu plus de danseurs s’arrêtaient, puis à la fin la musique s’était tue et plus personne ne bougeait. Des centaines de prénoms furent alors criés par chaque couple d’adulte : « Jacques ! » « Juliette ! » « Eléonore ! » « Sébastien ! » « André ! »… Puis, explosant aux oreilles du petit garçon : « Angel ! ».

Il se retourna. Son père et sa mère se tenait par la main, derrière lui.

— Viens ouvrir tes cadeaux, dirent-ils.

Le garçon sourit de toutes ses dents. Ses parents le prirent chacun par une main et le conduisirent à l’arbre de noël, où étaient toujours les centaines de paquets. Tous les danseurs faisaient de même avec leurs propres enfants, des petits garçons et des petites filles de tous horizons, aux idiomes dissonants mais exprimant tous une joie démesurée d’ouvrir leur paquet. Angel repéra le sien, rouge et or, une étiquette avec son prénom écrit magnifiquement. Ses parents le lâchèrent, il se précipita vers le cadeau, joignant ses exclamations à celles des autres enfants tandis qu’il défaisait le ruban pailleté.

Il ouvrit la boite.

Tous ouvrirent leur boite.

Il perdit son sourire.

Tous perdirent le leur.

Il pleura.

Tous pleurèrent.

Tes gémissements d’injustice s’échappèrent de tous côtés, Angel sentit la colère l’envahir. Dans son paquet, il n’y avait rien.

« Il est sur sa clochette, se dit-il. Il y restera toute l’année, et moi je n’aurais pas de cadeau. Père Noël, tu es méchant ! Je te hais ! Je hais ton cadeau ! »

Il jeta la boite, la piétina, tandis que tout autour de lui, les enfants faisaient de même, la rage générale électrisant l’air, soufflant les chandelles des tables et des lustres, plongeant la salle dans l’obscurité. Puis la foule d’enfants furieux s’attaquèrent au sapin, donnant des coups de pieds dans le tronc, faisant vaciller les branches. Angel allait se joindre à eux, quand un son retentit.

Accroché sur l’une des ramures, un grelot s’agitait, tintant en douceur. Le garçon se figea. Puis autre chose sonna. Un chœur de sons harmonieux. La lumière revint dans un coin de la pièce. C’était la musique. Angel reconnut la figure de monsieur Claus, qui le fixait avec inquiétude. Puis, tenant le violon, il y avait le vieil oncle. Tous les musiciens jouaient une note.

Un si bémol.

— Sib…

Angel se remémora son rire avant de passer la porte, lorsqu’ils s’étaient embrassés. Lorsque, risquant sa vie pour les sortir de la forêt, Sib avait gravi la porte.

— Pardon… dit-il.

Il tomba à genoux, puis tout s’éteignit.

— Mère Elisa ?

La vieille femme aux cheveux blancs se tenait devant Angel, au milieu de la forêt.

— Où… ?

Il ne put finir sa phrase, incapable de trouver ses mots.

— Tout va bien, mon petit Angel. C’est Noël ce soir.

— Sib ?

— Il est avec sa clochette.

— Que s’est-il passé ?

— Tu es un gentil petit garçon, Angel. Tous les vœux ne méritent pas d’être exhaussés, mais le tient le sera. Ce soir.

— M-Mais…

—Tu as des amis pour t’aider. Tiens.

Elle ouvrit la main, montrant une truffe.

— Rentre chez toi, dit-elle avec un tendre sourire.

Angel hésita. La mère Elisa approcha la friandise de ses lèvres. Il ouvrit la bouche et la mangea. Un doux gout d’orange se répandit sur son palais.

« Cher père noël,

Quand hier, minuit a sonné, Sib s’est réveillé. On a joué toute la nuit et toute la journée avec le vieil oncle et monsieur Claus. Ils m’ont sauvé, dans cette immense illusion où ils s’étaient retrouvés entraînés. C’est grâce à eux que j’ai retrouvé la raison et que Sib a pu rester à mes côtés. Pour cela merci. Merci d’avoir exhaussé mon souhait. Je ne te demanderai plus des cadeaux exceptionnels, je te le jure. J’ai compris que tout ne devait pas arriver, et je ne veux pas que ma volonté soit à nouveau remise en question dans ce monde fictif de doute et de peur. Je ne sais plus que penser de Noël et des enfants méchants. J’ai peur, je me sens perdu. Mais le vieil oncle et monsieur Claus sont à mes côtés, mes parents aussi. Mais merci père Noël, pour eux. Pour Sib. Je ne comprends pas tout, mais lui je l’aimerai toujours. Seulement, j’aimerais maintenant te poser une question. Puis-je encore manger les truffes de la mère Elisa ?

— Angel »


Texte publié par RougeGorge, 24 décembre 2024 à 21h09
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