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tome 1, Chapitre 1 « La Petite Clochette du Nord » tome 1, Chapitre 1

Conte de Noël n°1 : La Petite Clochette du Nord

Cette nuit résonneront

Pour endormir les maisons

Eteindre les lumières

Et clore les paupières

D’un bout à l’autre du monde

D’une musique profonde

Les grandes cloches du Nord

Les grandes cloches du Nord

« Cher père Noël,

Cette année, j’aimerais une figurine. Pas de bois, pas d’argile ni de soie. Je la voudrais avec une âme, je la voudrais de métal : du métal des grandes cloches du Nord.

— Angel »

Dong…

Un frisson pétillant sur la nuque.

Dong…

Les yeux vides qui voient.

Dong…

Les membres inertes qui touchent.

Dong…

Les oreilles qui entendent.

Dong…

L’air froid dans les narines.

Dong…

Le cœur invisible qui bat.

Dong…

Le noir envahissant.

Dong…

L’étroitesse alarmante.

Dong…

Les mouvements incontrôlés.

Dong…

La vie.

Dong…

La conscience.

Dong…

La chute.

Au loin les cloches cessèrent de sonner. Dans le ciel, étoile au milieu de tant d’autres, le traineau continua sa route, bientôt invisible. Dans la neige, enfoncé de moitié, un paquet gisait désormais. Ouvert. Où avait chu son contenu ?

La poudreuse remua non loin, se soulevant lentement, difficilement, puis elle éclata. Dessous, il y avait un petit être. Minuscule. Il se dressa sur ses jambes frêles. Elles tremblèrent, grincèrent. Elles étaient de métal. Tout le petit bonhomme était de métal. Il tourna la tête. Il contempla l’étendue neigeuse infinie, les étoiles qui parsemaient le ciel. La boite. Sa boite. Il recula. Quelle petite, toute petite boite, et si noire. Où était la chaleur ? Où était la lumière ? Où étaient les lutins vêtus d’or et de vert ? Et leurs grelots qui tintaient, d’un tintement ami, familier ? Pourquoi avait-il été dans la boite ? Pourquoi était-il ici ?

Une bourrasque de vent fit lâcher ses jambes maladroites, il tomba dans la neige. Qu’était-ce ? Du froid ? Et la chaleur du chalet, où était-elle enfin ?

La bourrasque finit, laissant place à une douce brise. Le petit bonhomme porta ses doigts à son œil. Juste en dessous, il cueillit une goutte de glace. Une larme qui avait coulé. Un autre cristal gelé surgit, suivi d’un troisième. Bientôt ils dégringolaient sur la neige, et la poitrine sans cœur du bonhomme le serra. Le chalet ! Les lutins ! Les grelots !

Soudain il se figea. Ses yeux cessèrent de pleurer de la glace. Ses doigts cessèrent de trembler. Ce son… Etait-ce… ?

Il retentit à nouveau, porté par le vent. Un grelot ! Le grelot, le grelot des lutins ! Le métal se tordit sur le visage du personnage. Il souriait. Ses jambes le portèrent à nouveau, l’emmenèrent contre le vent, vers le son. Son âme sans cœur se gonflait de joie à chaque nouveau tintement. Il se faisait plus fort, non ? Si, sans doute, et bientôt…

Depuis combien de temps ces jambes frêles combattaient-elles le froid ? A peine née, sa conscience ne connaissait pas le temps. Mais là… oui, là, pas si loin, de la lumière ! Et le grelot, fort, si fort ! Et… oh, mais le grelot avait caché les rires ! Il les entendait maintenant, les rires derrière le grelot, et son âme rit aussi. Son sourire se secoua, le petit bonhomme tinta, et il entendit son tintement beau, plus beau encore que celui du grelot, et il rit, tinta plus fort, et fut plus heureux encore.

Il vit une maison. Etait-ce le chalet ? Oh, non, il y en avait une autre derrière ! Et une autre, puis une autre encore, recouvertes de neige et de lumière, des maisons partout, des cocons chauds et doux ! Le petit bonhomme cessa de tinter, il écouta. Le grelot, ou était le grelot ? Ce n’était pas la première maison, non. La seconde non plus. Et la troisième ? Toujours pas. Ah, mais le grelot, encore, si fort ! Si doux ! Où, enfin, où ?!

Il regarda et écouta plus fort encore. Une porte, immense à ses yeux, s’ouvrit. Le grelot retentit, assourdissant pour lui. Un homme sortit, chancelant comme la figurine lorsqu’elle s’était levée pour la première fois. Le bonhomme leva les yeux vers la porte, toute ouverte, béante. Une main aussi grande que lui vint la fermer, et il explosa alors –le son du grelot !

Ses jambes métalliques, poussées par une énergie joyeuse, le firent bondirent en avant, vers cette maison, car oui, c’était bien celle-là ! Mais la porte. Elle était fermée. Si grande, si lourde, un mur colossal pour cet être si petit, si frêle.

Il suffoqua comme dans sa boîte. Bloqué, vraiment ? Proche, si proche du grelot, de l’heureux tintement ? Il tomba sur son séant de métal, s’enfonçant dans la neige jusqu’à la taille. Sa bouche sculptée se tordit à nouveau, tristement, ses orbites vides pleurèrent les larmes qui gelèrent dans l’instant. Les cloches, les grelots, tout ce qui tinte clair et doux, il aimait ça ! Il l’aimait tellement ! Pourquoi, alors, ne pouvait-il atteindre cette félicité tant espérée ?

Tantôt, dans sa joie, le temps avait filé gaiment. A présent, dans son désespoir, il rampait, traînait, se débattait dans la neige –comme un paquet tombé d’un traîneau. Pourtant, cette douloureuse éternité ne dura que quelques minutes. La porte se rouvrit, un éclat de lumière, un rugissement de joie, d’amour, d’espoir : le grelot !

Il bondit entre les jambes de la personne qui passait, se réfugiant à l’intérieur, un intérieur chaud et lumineux comme il en avait rêvé toute sa courte vie. Il leva la tête. Partout, il y avait des tables, et des gens qui riaient bruyamment, qui chantaient, dansaient, s’embrassaient, ronflaient, qui étaient heureux, en somme, d’une joie contagieuse qui gagna le petit être. Il faillit oublier de lever le nez, mais le fit et le vit, le fruit de sa quête. Ce n’était pas un grelot, mieux encore, c’était une clochette !

Dans une explosion de joie, il sauta, rebondit sur chaises, tables et chapeaux de fête, jusqu’à arriver tout en haut de la porte, jusqu’à arriver juste en face de sa bien-aimée sœur. Il pleura encore, des larmes chaudes, qui ne gelèrent pas, il pleura sa joie, sautilla avec excitation avant de monter sur la clochette. Il enroula bras et jambe autour du métal si semblable au sien, y colla sa petite joue et ferma les yeux.

« Cher père Noël,

J’ai trouvé l’an passé, dans la taverne de mon père, Sib. C’est le nom que j’ai donné à cette figurine de métal. Elle était accrochée à la clochette de la porte, celle qui annonce les clients. Elle avait les yeux fermés, un doux sourire sur le visage. Lorsque j’y ai porté ma main pour la décrocher, elle s’est éveillée (Ma maman ne m’a pas cru, mais toi père Noël tu sauras que c’est la vérité) et elle m’a regardé avec un air infiniment triste. On s’est fixé très longtemps, puis j’ai retiré ma main. Elle a retrouvé son sourire et s’est rendormie sur la clochette. J’ai l’impression qu’elle tinte plus clair, maintenant, cette clochette, comme si elle était heureuse que Sib soit là. Enfin, ce que je voulais te demander pour Noël cette année, c’est de bien, bien sonner les grandes cloches du Nord, et qu’elles éveillent encore Sib. J’aimerais bien qu’il joue un jour au moins avec moi : qu’il danse, qu’il rit, qu’il sautille, et surtout qu’il chante la chanson des cloches :

Cette nuit résonneront

Pour endormir les maisons

Eteindre les lumières

Et clore les paupières

D’un bout à l’autre du monde

D’une musique profonde

Les grandes cloches du Nord

Les grandes cloches du Nord

—Angel »


Texte publié par RougeGorge, 23 décembre 2024 à 12h01
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