La première fois qu'une copine m'a dit ça ma première réaction a été de lui répondre " Et ta sœur ?".
Ce qui, tu en conviendras, n'est pas la réponse la plus sympathique à quelqu'un qui s'intéressait à ce que je faisais alors que je ne l'avais pas menacé de perdre la vie en échange.
Il faut comprendre que cette remarque était plus une évidence qu'une réelle question. Si j'écris c'est forcément pour être lu et publié.
Après cette première réaction spontanée, j'ai pris un moment et je me suis posé la même question. Mais comme elle venait de moi, je la trouvais beaucoup plus intéressante et beaucoup plus justifiée.
Pourquoi écrivons-nous ?
C'est clair qu'à sept ans, tu écris pour devenir un auteur à succès, avec dans la tête cette phrase qui tourne en boucle " ils n'attendaient que moi, comment ont-ils pu vivre jusques à présent sans ma bonne parole? ".
Mais plus tard, quand tu grandis, pourquoi écrire ?
Personnellement l'idée d'être lu ne m'a pas effleuré, l'idée d'être publié encore moins. Au début j'écrivais pour le besoin de coucher sur le papier toutes les idées, tous les univers que j'avais dans la tête. Je ne trouvais pas dans les livres d'univers satisfaisant mon imaginaire.
Je t'avais prévenu que j'étais mégalo. Plus sérieusement, je lisais beaucoup et je vivais à fond les histoires (Bastien Balthazar Bux sors de ce corps !). Mais j'en ressortais frustré parce que l'univers s'arrêtait à la dernière page. Et il fallait donc que j'écrive les histoires que j'avais dans ma tête pour qu'elles ne s'arrêtent jamais, puisque je pouvais sans aucun problème ajouter de nouveaux livres, donc de nouvelles aventures, à mon univers.
Pourquoi écrivons-nous ?
Maintenant, il y a trois ans, j'écris pour être publié. Enfin, pas vraiment. J'écris pour être lu. Par toi, par des inconnus. Pas par ma famille ou mes proches ou n'importe quelle personne dans un état d'ébriété tel qu'il ne se rendra compte de rien. La publication, personnellement, je ne cours pas derrière parce que je pars du principe que je n'y arriverai jamais. Mais être lu par des inconnus et que ces mêmes inconnus accrochent et me demandent la suite, voilà qui est motivant.
Mais avant maintenant.
Avant j'écrivais pour mettre sur le papier les univers que j'avais en tête, c'est-à-dire que je n'écrivais que pour moi. Je pense que l'on a chacun nos cadavres dans les placards et certainement que les miens ont pesé pour beaucoup dans une écriture qui m'était exclusivement destinée. Toujours est-il que je n'écrivais pas, et ce jusques à il y a trois ans donc, pour un destinataire.
Ecris-tu pour être lu ? La question est intéressante. Si tu réponds oui, l'approche n'est pas la même que si tu réponds non.
Selon ma perception des choses, si tu réponds oui, alors tu écris pour être publié et peut-être pour produire quelque chose de "vendable", au risque de perdre ton âme dans une dépravation commerciale à destination du grand public.
Si tu réponds non, alors ça veut dire que l'écriture a été chez toi quelque chose d'intime, d'impossible à réfréner comme respirer par exemple.
Mais j'en entends déjà qui disent " Oui ! J'ai répondu OUI je suis corrompu, c'est le mal etc etc." Non ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux juste dire, que vous serez sans doute plus souple et plus enclin à adapter votre écrit que si vous n'écriviez pas pour être lu.
Moi je me moque de savoir si mon texte plaît ou non, si mon style plaît ou non. Les gens sont libres de lire ou d'aller voir ailleurs. Je veux dire, ce n'est pas parce que ça passe au cinéma que tout le monde aime. Chacun ses goûts. Si les gens aiment ce que je fais tant mieux, mais s'ils n'aiment pas ils peuvent aller voir ailleurs. C'est normal. Mais je ne toucherai pas à mon texte pour avoir plus de lectorat.
" Donc les commentaires et les conseils tu t'en fous ? Tu penses que ton écrit est parfait ?" Non. Bien sur que non. Mais je ne changerai pas la trame, ou les idées, ou le style d'écriture juste pour avoir plus de lecteurs. J'ai besoin de conseils, j'ai besoin de m'améliorer mais j'écris d'abord pour moi.
Concernant le style et le genre on en reparlera plus tard.
J'écris parce que je ne trouvais pas dans la littérature quelque chose qui me satisfaisait. Maintenant, avec le temps, depuis le lycée, j'écris aussi pour dire des choses qui m'interpellent. Qui me choquent, qui m'inquiètent. Bref, j'écris de manière cathartique.
Peut-on écrire juste pour créer une histoire, sans volonté de catharsis ? Ou sans volonté d'écrire un texte "qui donne à réfléchir" ? Bien sur. Je suis convaincu que oui. C'est même par là que j'ai commencé. Mes premiers écrits, dont je tairai le nom et l'intrigue par respect pour toi lecteur, n'avaient comme unique vocation que de raconter les histoires que j'avais en tête. Autrement dit, uniquement du divertissement.
Loin de moi l'idée d'être un modèle, mais je veux pour preuve de cette approche uniquement ludique de l'écriture, uniquement distrayante, la parole d'un maître du genre : M. King lui-meme. J'en parlais encore avec lui la semaine dernière lorsqu'il me demandait des conseils pour Conte De Fées. Je lui disais "Steve ! Ecris-tu pour le plaisir ?". ll explique dans une version d'Anatomie de L'Horreur, que son écriture à lui, n'a pas d'autre fonction que celle d'amuser et de divertir (et non ce n'est pas tout à fait la meme chose).
Je crois qe l'écriture distrayante est tout aussi valable que l'écriture message.
Je vais même aller plus loin, je crois que l'écriture message, cathartique, est une spécialité franco-française comme le cinéma d'auteur ou le cassoulet.
Je sais que King est, était, un professeur de lettres et qu'il a passé sa vie à analyser, décortiquer, les écrits anglais pour en saisir l'essence et le sens. Il n'y a rien de spécifique à la France dans ce genre d'attitude certes. Mais à ma connaissance peu de professeurs de Lettres peuvent vous dire : "Ce texte-là ? Absolument aucun message philosophique, par contre je te le conseille parce que tu vas te poiler !" La spécialité française c'est de ne considérer artistique que quelque chose à qui on peut attribuer un sens caché, et si possible torturé ce sera mieux.
Bruce Willis fait-il moins de films que Godard ? Bon maintenant, oui il fait plus de films. Mais les films de Willis ont-ils moins de valeur que du Cocteau ? N'y a-t-il pas une patte artistique, ou plus précisément, la valeur artistique d'Independance Day est-elle plus médiocre qu'Orphée ou, pour ne pas être taxé d'archaïsme, qu'un film de Bacri ? Certes l'américain fait des films plutot divertissants mais ça reste des oeuvres.
Donc oui je dirais même, avec King, que la première fonction de l'écriture est de divertir. Soi-même, on écrit pour se changer les idées, on écrit pour se créer des univers. Puis accessoirement les autres. Et dans un second temps seulement, on peut trouver une valeur philosophique à l'écriture.
"Okay. Où veux-tu en venir ?"
A cela. Si tu écris uniquement pour te faire plaisir, si tu inventes des univers parce que tu aimes t'y réfugier. Si tu écris uniquement pour toi ou pour distraire les gens : la valeur de ton écrit n'est pas moins importante, ou plus nulle qu'un écrit théorique ou un essai philosophique.
J'entends beaucoup de gens dire que leur texte est mauvais parce qu'il n'y a pas de message. Et alors ? Y a-t-il un message essentiel dans TPMP ? Si lui peut le faire, vous pouvez largement écrire votre univers il est certainement plus légitime que cette émission.
"Pourtant pendant tes années lycée et maintenant tu mets des messages cachés. Même dans les Enfants de Lilith."
Ah oui petit scarabée ! Mais c'est l'âge et l'expérience de vie qui m'ont poussé à ça. Au départ, je n'écrivais que pour raconter des aventures. Avec le chemin de vie que j'ai eue, j'ai eu des angoisses, des peurs, des joies... Un trop plein d'émotions que j'ai eu besoin d'évacuer. Mais si tu relis bien, il n'empêche que mes textes peuvent être lus sans chercher un message philosophique.
D'ailleurs, je te remercie de cette remarque car je ne pense pas que mes textes donnent à réfléchir.
Est-ce que l'on doit se demander pourquoi on écrit avant d'écrire ?
Est-ce que tu as besoin d'une justification pour t'installer devant la télé ? Si tu fais partie de ceux qui ont répondu "pour me vider la tête" va au paragraphe 180, si tu as répondu "non" vas au paragraphe 45. Je crois que la seule réponse à la question de se demander pourquoi on écrit est "parce que j'ai envie". N'allez pas au 180 ou au 45 il n'y a rien.
Si tu as envie d'écrire, ne te demande pas si ton écrit est philosophique. Si tu as envie d'écrire ne te demande pas si tu vas avoir un lectorat de malade qui t'empechera d'aller faire tes courses toi-même. Si tu as envie d'écrire, écris. Point.
Et pour boucler la boucle, si ta volonté est de publier, prostitue-toi un peu. Un tout petit peu. Juste ce qu'il faut pour que ton livre ait la possibilité d'etre publié. Mais n'oublie pas l'essentiel : tu as ton style, ton genre de prédilection (ce n'est pas la même chose), et c'est TON histoire. Pas l'histoire du type qui te relit et te dit "Va falloir changer quelques petits passages. Lesquels ? Ben de la page 20 à la 240. Ouais sans rien garder." C'est TON histoire, TON style, TON genre. Tu es le seul juge de ce qui est bon pour ton livre. Comme un enfant en fait.
Dans l'enseignement on nous dit que si on a réussi dans la journée à aider un seul gamin, ça valait le coup de venir. Ben dans l'écriture, si tu écris pour une seule personne et que cette personne trouve des réponses, un réconfort, dans ton texte, alors il valait le coup d'être écrit.
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