— Froid glacial. Arbres nus et noirs. Une forêt, sous un ciel lourd. Des flocons de neige tombent languissamment.

— Que vois-tu d’autre ?

— Une lumière rougeâtre. Elle pulse entre les troncs. Dois-je la rejoindre ?

— Oui. Et n’oublie pas : tu es en sécurité.

L’acolyte sourit. Il vibrait d’une émotion forte, comme celle qu’il ressentait le matin de Noël, quand il se réveillait et savait qu’il allait ouvrir ses cadeaux. Une joyeuse impatience. Au creux de sa vision, un immense cadeau l’attendait. Son esprit traversa la forêt, fila entre les pins aux écorces rugueuses, dépassa la clairière à la fontaine. La lumière s’intensifia et se précisa de seconde en seconde. Lorsqu’il atteignit sa destination, il le vit : l’Arbre de Pouvoir, aux puissantes pulsations qui déformaient la réalité autour de lui. Sur ses branches cramoisies, des boules scintillaient d’une lueur carmin.

— Je le vois. L’Arbre est devant moi. Quelle splendeur !

Un bruit de crayon sur du papier retentit, puis la main de sa mentore se posa sur son épaule, aussi légère qu’un flocon.

— C’est parfait. Vois-tu les Messagers ?

Amraël secoua la tête, faisant cliqueter les cristaux accrochés à son crâne nu. Puis des murmures retentirent dans son esprit, venus de nulle part et de partout à la fois. Puis des bruits de pas légers et des silhouettes brumeuses apparurent. Le cœur exultant de joie et de nervosité, l’acolyte attendit. Du brouillard grisâtre naquirent quatre enfants aux yeux brillants d’une lueur rouge.

— Oui, ils sont là, murmura-t-il d’une voix impressionnée.

Sa mentore resta silencieuse et il l’oublia totalement, se concentrant sur le spectacle qui se jouait dans son esprit.

Les Messagers s’affairèrent autour de l’arbre, ajoutant des boules et des guirlandes. L’un d’entre eux se tourna vers Amraël. Il tenait entre ses mains un cœur vibrant, pierre précieuse palpitante de vie.

— L’Arbre de Pouvoir t’accueille au sein de sa toile, Ô acolyte, murmura-t-il, d’une voix à la fois jeune et ancienne, dont il avait l’impression d’entendre les échos tout autour de lui. Le cœur de saphir t’offrira son Pouvoir. Désormais tu es l’un des serviteurs de l’Arbre. La créature qui n’était pas un enfant lui tendit le cœur. Amraël le prit et sentit un feu ardent s’emparer de lui, remonter le long de ses nerfs et de ses muscles. Le décor s’effilocha autour de lui alors qu’il était arraché à sa vision. Lorsqu’il ouvrit les yeux, une lueur saphir y resta quelques secondes. Le visage buriné de sa mentore se pencha au-dessus de lui, légèrement inquiet.

— J’ai réussi. J’ai le cœur en moi, murmura-t-il.

La vieille femme sourit.

— Alors te voici prêtre de l’Œil de l’Univers, mon enfant, fit-elle.

Le jeune homme s’assit, le cœur gonflé d’une joie pure. Sa mentore défit le diadème de cristal. Il vit les silhouettes de ses amis, qui attendaient juste derrière l’arche, à l’extérieur du Sanctuaire de Révélation. La mentore surprit son regard et laissa un sourire tendre errer sur son visage.

— Tu vas pouvoir profiter des fêtes avec tes amis, fit-elle. C’est un magnifique cadeau que l’Œil de l’Univers t’a offert.

— Un magnifique cadeau, inestimable, Mère, acquiesça Amraël.

Alors qu’elle se détournait pour ranger les précieux cristaux dans leur coffret, il laissa son regard errer sur les fresques qui ornaient les murs de la pièce ovoïde. Tout en haut, au plafond, une représentation stylisée de l’Œil de l’Univers l’observait. Maintenant que l’épreuve était terminée, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver un peu de déception. Il avait été tellement persuadé que l’Arbre de Pouvoir et les Messagers comprendraient ses véritables intentions. Mais non. Ils avaient donné un pouvoir incommensurable à Celui qui devait les détruire.