Un héros dans la ville.

Quelle bonne blague !

Cela fait longtemps que je ne regarde plus le journal télévisé. Grand bien m’en a pris de changer cette habitude ce soir. Je me masse les tempes. J’essaie de m’asseoir plus confortablement.

Toujours et encore des mauvaises nouvelles pour nourrir la voracité morbide des téléspectateurs. Quelques minutes de diffusion pour donner au cousin du singe l’impression qu’il est instruit, qu’il comprend le monde, le contrôle. On lui offre sur un plateau d’argent un sujet ou un autre à aborder le lendemain pour nourrir une conversation avec son voisin de palier, ses collègues, son épouse. Si les informations n’y suffisent pas, la météo se chargera du reste.

Les mauvaises nouvelles m’agacent, les bonnes m’exaspèrent. Un gamin des banlieues prête main secourable à un cadavre ambulant, et on le couronne héros national. Pourquoi ne pas lui remettre la Légion d’Honneur ? La vieille qui l’adule dépérit à vue d’œil ; personne ne s’en soucie, surtout pas la chair de sa chair qui a fui cette charge. L’Homme est ainsi fait, égoïste et superficiel.

Je suis assis sur mon canapé, je bois une tasse de café noir qui m’empêchera probablement de dormir. Accompagnée d’un Ibuprofène, elle aidera peut-être ma migraine à passer. Je regarde, las, le théâtre taille nature de cette absurde comédie se jouer sous mes yeux.

Si l’Homme attend vraiment un héros pour le secourir, pour le sortir de la misérable existence qu’il mène, autant qu’il se jette du haut d’un gratte-ciel en priant Superman d’intervenir. De grandes chances que son cerveau et ses tripes décorent la voie publique avant que cela n’arrive. M. Superman a un emploi du temps plus chargé que celui d’un ministre. Débordé. Quant aux anges ? Que dire de ceux-là ? Intelligents, je présume. Ils ont abandonné l’Homme depuis longtemps à son triste sort.

J’éteints la télévision.

Si je pouvais éteindre mon cerveau aussi facilement au moins un court instant. Si seulement !