« Tu es la prochaine… »
Pathétique. Voilà ce qu’elle était. Une jeune femme à la force surhumaine. Une guerrière qui se dressait contre les forces démoniaques. Une serveuse le jour qui tentait de contrôler sa peur la nuit. La voilà qui défaillait face à une planche et une peluche.
Jill frissonna et releva le menton. Recroquevillée dans le noir, elle étira ses jambes et se redressa. Il n’y avait plus rien autour d’elle si ce n’était le Ouija, cerclé de lumière et la porte de la chambre. Tout avait disparu, englouti dans des ténèbres poisseuses. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour tenter de modifier le décor autour d’elle, faire revenir les éléments de la chambre dans laquelle elle s’était réveillée mais rien n’y faisait.
Debout, dans le noir, avec pour seule défense ce pyjama en velours, Jill prit une profonde respiration pour tenter de calmer son cœur bien trop rapide et se pencha vers la planche Ouija. La goutte s’agitait nerveusement sur les lettres noires : S-O-R-S.
— Pour aller où ? murmura-t-elle, front plissé.
Elle inspira. Avait-elle un autre choix ? Elle était désormais certaine de ne plus être dans une quelconque réalité. Tout était bien trop nébuleux.
Quand sa main fébrile rencontra la poignée, de la brume commença à glisser le long du chambranle en bois. Jill s’écarta vivement et trébucha en arrière, manquant de s’affaler sur ses fesses. La brume serpentait jusqu’au sol et se mélangeait à l’obscurité. Jill reculait mais la fumée la poursuivait sans relâche pour finalement s’enrouler autour de ses chevilles. Elle poussa un petit cri ridicule et sautilla pour tenter d’y échapper : rien n’y fit.
Soudain, la porte s’ouvrit avec fracas ; Jill sursauta et cessa de s’agiter. La brume se déversa dans ce qui ressemblait à une cuisine. La lumière s’intensifia, le décor se modifia et bientôt elle se trouva au centre de cette pièce qui lui paraissait trop familière pour n’être qu’une simple coïncidence. Il y avait cette table, recouverte d’une nape rouge. Cette fenêtre à la vitre fêlée. Ce robinet qui ne cessait de cracher de l’eau. Et ce parfum. Une odeur de sève de pin et de cannelle. Le parfum de…
Ses yeux revinrent à la table. Rencontrèrent les tâches qui ne partaient plus sur la nappe. Retombèrent vers la chaise. Et s’accrochèrent aux pieds qui dépassés de derrière, recouverts d’une savate en cuir blanc. Les pieds de Linda. Les pieds de sa mère, qu’elle savait étendue, morte, ses yeux gris grand ouverts.
— Approche !
— Maman… ?
Jill s’exécuta doucement, interdite. Elle commença à contourner la table d’un pas léger et…
— Attendez, nan, nan, nan ! déclara-t-elle en s’arrêtant net. S’approcher ? Vraiment ? Trop pas !
— Approche !
— Je viens de dire non. On sait tous que dans les livres d’horreur, c’est à ce moment là que la pauvre fille qui écoute la voix venue de nulle part se fait « couic » !
Elle mima les guillemets avec ses doigts et croisa les bras.
— Hors de question ! Mourir dans ce pyjama, non merci…
— Approche…
— Maman… Si tant est que tu es bien ma mère ? Qu’est-ce que tu comprends pas dans ce petit mot composé d’un « n », d’un « o » et encore d’un « n » ? C’est non ! Pourquoi faire ? Revivre les scènes du passé ? Tu es morte. Zack est mort. Je vis avec ça tous les jours, pas besoin d’un rêve bizarre pour m’en rappeler !
Un silence.
— Et si le but de tout ça c’est de me faire avouer, pas besoin de toute cette mise en scène grotesque. Je sais que Zack était à l’étage, la gorge arrachée. Je sais que toi tu es morte derrière cette table. Je sais que c’est moi qui ai invoqué le démon qui vous a eu. Je sais…
Elle soupira et serra la mâchoire.
— Tu m’entends ? s’énerva-t-elle. Qui que tu sois qui contrôle cette supercherie démoniaque, je sais. JE. SAIS. C’est moi ! Je suis coupable du meurtre de ma famille, voilà, heureux ?
Jill patienta quelques instants avant de rajouter :
— Maintenant que nous sommes d’accords, pourrais-tu me dire comment sortir de ce rêv…
Ses mots s’étouffèrent dans le fond de sa gorge. Propulsée en arrière par une force imperceptible, Jill traversa le mur. L’air quitta ses poumons à l’impact ; les parois se brisèrent sous son poids mais ne l’arrêtèrent pas pour autant : tirée par un fil invisible, Jill fut violemment projetée. Quand elle toucha enfin le sol, elle sentit sa peau s’arracher par endroit et ses os s’entrechoquer.
— Aïe…
Jill toussa et recracha le sang qui emplissait sa bouche. Sa vue mouchetée de noir, elle mit un moment avant de se rendre compte qu’elle avait échoué sur un parquet brillant et bien trop propre pour appartenir à l’ancienne maison de sa famille.
Mais était-ce bien le parquet qui était brillant ? Où ces magnifiques souliers à talon, lacets au millimètre prêt qui venaient d’apparaître dans son champ de vision ?
Ses jambes flageolèrent quand elle tenta une première fois de se mettre debout. La douleur l’obligea à stopper tout mouvement et à laisser passer une nouvelle salve de toux. Après quelques efforts supplémentaires, enfin sur ses jambes, son regard se fixa dans les yeux marrons d’Isorel.
Une légère courbure maquillait ses lèvres avec arrogance. Isorel ne cillait pas, fière et droite, à l’observer le menton haut.
— Alors c’était toi ! maugréa Jill.
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