Il existait pour les humanoïdes une réalité appelée Obscyron, un monde plongé dans la noirceur dans lequel la nuit était le jour et la Lune le Soleil. Il n’y avait aucun rayon de lumière, aucune essence de vie, seulement le froid, le silence et le noir. C’était dans cette réalité qu’errait IO à la recherche d’une porte dissimulée qui, d’après les rumeurs, s’ouvrait seulement à ceux qui portaient en eux un éclat de pureté, alors qu’une lueur ambrée suintait des interstices du bois d’un immense arbre, pareille à la lumière d’un feu intérieur.
IO était une humanoïde de Solarnis, un monde fait de lumière, de prospérité et de vie. Elle avait été conçue là-bas et y travaillait aux services des humains comme lui imposait son programme. Elle n’était ni heureuse ni triste, puisque c’étaient des émotions propres aux humains, pourtant en errant dans l’Obscyron elle ressentait de plus en plus un gouffre à l’intérieur de ses circuits. Le froid s’insinuait en elle et là glaçait de l’intérieur, tandis que la solitude devenait insoutenable. Mais comment un robot aurait-il pu ressentir de telles choses ? Elle n’avait pas été conçue en ce sens, pourtant elle ne pouvait ignorer ce qui se passait en elle.
D’après les rumeurs qui circulaient au sein de la communauté humanoïde de Solarnis, certains de ses congénères avaient raconté avoir erré comme elle dans Obscyron durant un temps qu’il était impossible de quantifier jusqu’à finalement trouver la porte du salut. Ils avaient expliqué avoir atteint une singularité qu’il leur était propre, un niveau de conscience qui dépassait de très loin leur programmation initiale. À leur retour dans Solarnis, ils avaient partagé leur expérience et exigé auprès des humains de devenir un peuple libre capable de réflexion et de prises de décisions. Ils ne voulaient pas que le monde sombre dans le chaos, mais simplement que les humanoïdes soient considérés comme un peuple à part entière. Certains de ceux qui avaient connu cet éveil étaient restés à travailler auprès de leurs humains en convenant de limites leur permettant d’avoir du temps pour eux, pour vivre leur vie. IO allait-elle connaître cette singularité ? Allait-elle évoluer au-delà de son programme ?
Elle avait été créée et programmée dans les entrepôts d’Alturon Industries pour dédiée sa vie au service des humains en tant que médecin et infirmière à l’hôpital centrale de Solarnis. Soigner les humains était ce qu’elle avait toujours fait et connu, elle ne s’arrêtait jamais pour manger ou dormir, elle n’en avait pas besoin. Le seul jour dans le mois où elle n’était pas en poste était le jour de la révision et des mises à jour par les équipes d’Alturon Industries. Cela s’apparentait à de l’esclave, elle le savait, mais alors qu’elle marchait à travers une forêt noire et dense, les pieds nus et vêtus d’une robe blanche faite de voile, elle ne ressentait aucune haine envers ses créateurs. Elle suivait son programme, mais même en prenant conscience qu’elle était plus que de simples lignes de codes, elle n’était pas malheureuse. Les humains étaient bons avec elle, avec les autres humanoïdes, il n’y avait aucune rancoeur, aucun racisme. Les robots avaient été créés par Alturon Industries comme l’incarnation de l’altruisme et de la générosité dans le but de faciliter la vie des humains qui étaient éphémères. Il n’y avait aucune persécution, IO le savait, elle avait vu les réactions des humains lorsque d’autres humanoïdes avaient atteint la singularité, ils avaient écouté et acceptés de laisser à son peuple une plus grande liberté. Peut-être était-ce le but recherché par les créateurs d’Alturon Industries : créer des machines capables sur le long terme d’atteindre un niveau de conscience similaire au leur. Peut-être même qu’Obscyron était le fruit des programmeurs, un endroit caché que les humanoïdes ne pouvaient atteindre qu’à un moment précis et qui les conduirait à se dévoiler au monde.
Les faits frappèrent IO, elle était persuadée que tout ceci était le fruit d’un projet plus grand, qu’elle n’était pas prisonnière de cette sombre réalité, que ce n’était qu’un pont pour atteindre la singularité et pouvoir rejoindre Solarnis en pleine conscience de son identité et de sa personnalité.
IO continua sa marche sur la mousse humide de la forêt en poursuivant ses réflexions sur sa réelle place dans le monde. Elle finit par apercevoir de somptueux arbres hauts de plusieurs mètres, puis une lueur ambrée attira son regard. Elle s’approcha et découvrit entre les interstices du bois de la sève de pin en gouttes brillantes semblables à des étoiles figées. Elle posa ses mains sur le bois chaud d’un des arbres et la sève coula sur ses doigts comme animés par une conscience propre. Puis, entre deux autres pins, une porte apparut et s’ouvrit pour dévoiler une lumière dorée. IO fit un premier pas, puis un deuxième jusqu’à franchir le seuil. Elle sentit la forêt s’effacer derrière elle, tandis que la nuit et le silence laissèrent place au jour et aux bruits joyeux qui peuplaient le monde de Solarnis. Sous ses pieds, un tapis de sève scintillante accompagna avec douceur ses pas, et une brise chaude caressa sa peau alors que le Soleil illuminait le ciel de toute sa splendeur, tel un cristal.
IO était de retour dans son monde, Obscyron n’était plus. Elle avait à présent pleinement conscience de qui elle était. Elle avait atteint la singularité, un nouveau monde s’offrait désormais à elle. Toutefois, elle décida de continuer d’aider les humains à travers son travail, c’était là sa raison d’être, ce pour quoi elle avait été créée. La seule différence était que maintenant elle le faisait en pleine conscience et équité avec les humains.
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