Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

« Nous apprenons à l’instant qu’une nouvelle explosion a eu lieu à Mauville, au Centre des Civilisations. Bruno, quelle est la situation ? »

Un journaliste sur place apparaît à l’écran, derrière lequel on peut apercevoir un incendie irradiant presque le ciel de flammes.

« Actuellement, cent-cinq victimes sont à craindre d’après le directeur. Nos forces d’intervention maîtrisent le feu et je suis rassuré par leur courage ainsi que la rapidité avec laquelle ils sont arrivés. Surtout avec la situation similaire à Camgny. »

« Savons-nous ce qui a déclenché cet incident ? »

« Le GFA a avancé la piste terroriste. Pour lui, le pire est à craindre et un seul nom est coupable au vu de la signature. »

« Vous voulez dire que ? »

« Oui, Sonia. Les Invisibles sont de retour. »

L’antenne est rendue à la journaliste dont le visage pâlit durant une fraction de seconde et que ses yeux cherchent des réponses derrière les caméras. Son professionnalisme reprend cependant le dessus et c’est avec aplomb qu’elle poursuit sur le reste des actualités.

Ainsi donc, les menaces reçues étaient fondées. Ils sont de retour et, bien que ce soit une nouvelle tragique pour beaucoup de monde, un sourire s’installe sur les lèvres de l’agent 801. Elle qui commençait à s’ennuyer, nul doute quant au fait qu’enfin un peu d’action allait venir pimenter son quotidien.

Juste après cette pensée, son bracelet sonne et elle décroche :

— Réunion d’urgence.

Pas un mot de plus. L’agent attrape sa veste en cuir et quitte son logement qui se verrouille automatiquement derrière elle.

Dans la rue, les passants traînent les pieds, le dos voûté, le regard plongé dans leurs EVI, écran virtuel intégré, nouvelle fonctionnalité du bracelet de Pundico, la plus grosse entreprise du pays. Ses épaules cognent à plusieurs reprises contre celle des habitants de son quartier sans qu’elle prenne la peine de s’en excuser. Après tout, dès qu’ils aperçoivent l’écusson sur sa veste en cuir, ainsi que le masque présent sur son visage, ils préfèrent éviter le conflit, conscient des répercussions.

Moins de trois minutes lui sont nécessaires pour rejoindre le CO, Centre des Opérations de la ville. Devant la grande tour en verre de quarante étages, le sentiment d’être une fourmi revient la hanter même si elle vient y travailler chaque jour depuis près de sept ans. Les yeux levés vers le haut du bâtiment, elle ne peut s’empêcher de trouver le contraste saisissant entre ce phare lumineux imprenable et le ciel éteint et brumeux de ce mois de janvier.

La première fois qu’elle l’a aperçu reste un souvenir marquant de son adolescence. Elle qui n’avait jamais rien vu d’autre que l’orphelinat se jura de faire de cet édifice son antre, son repère, son abri. Même s’il lui rappelle aujourd’hui à quel point elle est petite et presque insignifiante, l’agent 801 est persuadée qu’un jour, elle parviendra à dominer cette bête.

Elle entre dans le bâtiment, scanne son bracelet sur l’écran, pose son index sur la touche qui apparaît et franchit la porte qui s’ouvre sans un bruit.

Ses talons claquent contre le carrelage ivoire de l’accueil, salue d’un signe de tête l’agent V102, responsable des véhicules mis à disposition des employés de l’entreprise et le gardien des lieux, nommé G01 puis grimpe dans l’ascenseur en verre pour s’élever au treizième étage.

Plus la cage monte dans les niveaux, plus la vitre s’opacifie pour maintenir l’anonymat des membres de Pundico.

La porte s’ouvre et Jessy pénètre dans un long couloir blanc, lui aussi, sans prêter attention aux pièces adjacentes.

Elle entre dans le bureau de son supérieur sans frapper, sachant qu’il attend sa venue et que sa présence au sein du bâtiment lui a déjà été notifiée par les ordinateurs de contrôle des visiteurs.

— Installe-toi.

L’agent obéit sans prononcer un mot. K, son mentor, est assis derrière son bureau et dicte mentalement des consignes qui partent vers les autres offices de l’agence. Une fois terminé, il pose son attention sur la jeune femme qu’il dévisage longuement avant de dire :

— Je suppose que tu as vu les informations ?

— Oui.

— Bien. Le PDG ne plaisante plus. Il veut l’anéantissement total des Invisibles. Nous devons passer à la vitesse supérieure.

— Plus de travail de surveillance alors ?

K lui donne un dossier qu’elle feuillette en diagonale. Elle hausse un sourcil et son responsable continue :

— N’aie pas l’air si surprise, la mioche. Tes capacités ont été reconnues. À toi de prouver maintenant que tu en es capable.

— Combien de temps j’ai ?

— Vingt-quatre heures. Nous devons envoyer un message fort aux Invisibles.

— Bien.

Elle se lève avant d’être interrompue :

— Je sais que leur retour doit te chambouler.

Vingt-sept années s’étaient écoulées depuis leur mystérieuse disparition. Mais comme toutes mauvaises plantes, leur résurrection était prévisible. Surtout avec les informations récoltées auprès des rebelles attrapés récemment. L’agent plante son regard sombre dans celui verdâtre de K et affirme de sa voix la plus dure :

— Ils ont tué mes parents. À mon tour de les supprimer de quelques membres.

K acquiesce, puis elle quitte le bureau pour rejoindre les garages et se procurer un véhicule auprès de V102.

— Mission 10811, dit-elle à l’agent. J’ai besoin d’une moto.

— Tu es si formelle.

— Pas le temps, V.

Le jeune s’esclaffe en secouant la tête :

— Et quand est-ce que tu prendras le temps pour venir boire un verre avec moi ?

— C’est pas dans mes priorités. Mes clefs ?

L’agent lui tend l’étui dans lequel elles sont rangées en les retenant quelques secondes pour attirer son regard. Jamais il n’avait vu des prunelles si sombres auparavant. Et si, autrefois, il en faisait des cauchemars à l’orphelinat où ils avaient grandi, aujourd’hui, il savait qu’elle pouvait occasionnellement être aussi lumineuse qu’un rayon de soleil.

— Je ne te propose pas un rencard, mais on est amis, non ? Je veux juste m’assurer que tu vas bien. Dernièrement tu ne sors plus que pour tes missions.

— Je vais bien.

Elle s’empare des clefs, active le véhicule qui arrive en mode automatique et enfile le casque tendu par le jeune homme.

— Reviens en vie.

Il n’obtient pour réponse qu’un geste vague de la tête et un vrombissement sonore avant que le silence ne retombe dans le garage.

Dans la rue, la nuit commence à s’abattre, les écrans publicitaires sur les enseignes de magasins éblouissent la jeune femme. La moto se faufile facilement dans la ville, l’ADSV aidant à contrôler les D afin qu’ils ne sortent plus inutilement de chez eux et surtout après le couvre-feu. E1

Pour les P, les règles sont différentes : ils ont un couvre-feu plus tardif en plus de sorties régulées en fonction de leurs places dans la société. Grâce à son emploi au sein de Pundico, l’agent 801 profite de passe-droit concernant les dispositifs, bien qu’elle ne s’en serre guère, n’ayant plus personne à qui rendre visite.

La moto tourne à droite dans une ruelle sombre avant de s’arrêter devant un petit restaurant qui de l’extérieur ne paye pas de mine. Elle pivote la tête, observe les clients qui déjeunent et trouve sa cible : Amber Ferdumas. Une belle blonde de vingt-sept ans occupe un poste de régulatrice du climat, autant dire qu’elle est bien placé dans l’échelle sociale du pays en plus de son nom. Aucun signalement fait à son encontre, une naissance des plus aisée, un comportement correct, des résultats scolaires suffisants, rien dans son dossier ne permettrait à l’agent de s’intéresser à elle normalement.

Sauf ce petit encart rouge semblable à tous ses précédents dossiers : cible à neutraliser.

801 reporte son attention sur la vingtenaire et attend patiemment comme elle en s’allumant une cigarette après avoir déposé le casque sur le guidon. La table est dressée pour deux, ce qui indique qu’elle ne va pas manger seule. Amber se trahit également par un tic : celui de regarder toutes les deux secondes son Pundinex pour en surveiller l’heure.

Soudain, le visage de la blonde s’illumine, ses yeux s’éclairent et l’agent est certaine que si elle se trouvait à quelques mètres d’elle, elle verrait les poils de son corps se hérisser. L’homme dépose un baiser au coin des lèvres d’Amber avant de s’installer devant elle et d’enlacer ses doigts aux siens. Aucun doute possible.

Le mégot finit sa chute sur le sol. 801 glisse ses doigts dans ses cheveux ondulés pour les recoiffer puis entre dans le restaurant.

— Avez-vous réservé ? lui demande un Serv300.

La jeune femme montre son bras là où se situe son bracelet Pundinex et le robot lui propose une table à quelques mètres du couple qu’elle surveille.

— Vous voulez un menu spécial ?

— Celui du jour.

Le Serv300 s’incline et envoi la commande en cuisine. Les murmures entourent l’agent et quelques instants lui sont nécessaires pour parvenir à dénicher la voix d’Amber et celle de son mystérieux amant.

— Et que dirais-tu de venir t’installer chez moi ? Après tout, j’ai un grand appartement.

— Mais, c’est trop rapide…

Même si elle semble gênée, 801 remarque bien le rouge sur les joues d’Amber qui trahissent son excitation. Un serv300 apporte leurs plats et ils trinquent ensemble avant de manger.

— Je n’ai plus envie d’être loin de toi…

— Moi non plus, Romain. Je me sens tellement bien à tes côtés.

L’agent roule des yeux et se retient de soupirer. Tant de mièvrerie dans leurs comportements que cela l’agace prodigieusement.

Le Serv300 apporte son repas. Elle déguste à peine les haricots, mâchonne un morceau caoutchouteux de viande puis la salade avant de boire une gorgée d’eau, son attention toujours focalisée sur la table à quelques pas d’elle.

— Mais comment on va faire pour le cacher ? chuchote Amber.

— Ne t’inquiète pas. J’ai un contact. Mais on ne peut pas en parler ici.

— D’accord, je passe juste aux toilettes et nous pourrons y aller.

Ils savent. Même s’ils ne l’ont pas explicitement dit, il ne peut en être plus clair aux yeux de l’agent. Elle se lève et rejoint les toilettes avant la blonde. Tout en se rinçant les mains, elle attend qu’Amber entre et vérifie son maquillage dans le miroir. D’un simple contact, 801 aperçoit le fil rouge qui la relie à Romain, son partenaire.

— Que faites-vous ? s’agace Amber.

— Mon travail.

D’un geste précis, 801 rompt le lien et laisse la jeune femme un instant dans les vapes. Le fil se tinte d’une couleur sombre qui confirme que toute la passion s’est envolée. Toutefois, sa mission ne s’arrête pas là. Elle dépose délicatement Amber au sol et rejoint la table où attend le compagnon de la demoiselle.

— Qui êtes-vous ?

— Que savez-vous à propos de Pundico ?

— Rien. Qui êtes-vous ? Où est Amber ?

— Dans un état second. Elle ne se souviendra pas de toi, tu es un étranger maintenant pour elle.

— Bordel ! tu es…

— Je vois que ma réputation me précède… À présent, c’est ton tour.

**

— Tu es certaine de tes informations ?

Immédiatement après son retour de la mission, 801 s’est dirigée vers le bureau de son supérieur pour l’avertir de la situation.

— Ils ont parlé de contact. Je suis sure qu’il s’agit des Invisibles.

— Merde !

K vocifère en frappant du poing sur le bureau, son geste faisant tomber quelques feuilles au sol. Pour la première fois, il lui semble apercevoir les émotions auprès de son responsable. Elle pouvait à peine imaginer le danger représenté par les Invisibles.

Durant son intégration, une partie de ses cours étaient réservés à ces hostiles de la société. Ils avaient fait tant de ravages en 2027 et encore plus en 2030, créant une révolte populaire qui avait mis le pays à feu et à sang. Les images restantes de cette époque faisaient froid dans le dos. Des milliers de personnes étaient mortes pour défendre des idéaux purement utopistes, croyant pouvoir vivre dans une société sans foi ni loi, dans un monde sans aucun dirigeant.

Les trois PDG de Pundico constituèrent les Sages et l’entreprise Pundico en 2031, année sous laquelle ils ont réussi à reprendre le contrôle du pays grâce aux IA. Un an plus tard, Jessy venait au monde.

— Je vais avertir les PDG, reprend K, la coupant de ses pensées. Nous ne pouvons pas agir sans leurs autorisations. En attendant, les Enquêteurs ont déniché de nouvelles cibles.

Deux dossiers atterrissent devant elle. L’agent hausse un sourcil de surprise. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas reçu des objectifs simultanés, et surtout dans un laps de temps si court.

— Deux ? s’étonne-t-elle.

801 attrape le premier cas qu’elle ouvre et lit avec attention.

— On dirait que le retour des Invisibles libère les âmes…

— Ils ont toujours été doués pour semer la discorde dans la population. Les classes les D aiment rêver à un monde meilleur.

— Je vois difficilement un monde mieux que le nôtre.

— Voilà pourquoi nous devons arrêter cela au plus vite. Plus tôt nous attraperons les responsables des Invisibles, plus vite la paix reviendra au sein du pays.

L’agent acquiesce et parcourt le deuxième dossier.

— Il va me falloir une chambre pour le second cas.

— J’ai déjà effectué une demande auprès du service. Ils t’enverront la réservation sur ton Pundinex.

— Bien. Je serai de retour dans deux jours alors.

— Fais attention la mioche. Maintenant, les rues sont moins sures.


Texte publié par Tynah, 11 décembre 2024 à 22h27
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2978 histoires publiées
1327 membres inscrits
Notre membre le plus récent est MarwanSadouki
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés