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tome 1, Chapitre 2 tome 1, Chapitre 2

Je suis pleinement conscient que cette approche va à l'encontre de notre empirisme le plus pragmatique. Toutefois c'est en bouleversant nos repères que nous prenons conscience de notre réalité. Si l'on s'en tient aux études portant sur la musicalité de l'univers, et j'en parlais encore hier avec le professeur Mancuso, les plantes ne sont que le vecteurs… Je dirais le vecteur physique d'une onde spirituelle qui nous unit tous et qui, j'en suis convaincu même si l'on cherche à nous persuader du contraire, une onde spirituelle qui nous permettra d'accéder à un autre phénomène de conscience, que j'appellerais la Conscience Polyphonique… Un autre phénomène de conscience qui révèlera nos aptitudes synaptiques. Alors pour en revenir à…"

L'homme se leva en soufflant. Il n'était pas d'une corpulence imposante, on aurait même pu dire qu'il était petit, mais l'espace entre les sièges était tellement exigüe qu'il bouscula sur son passage les quelques personnes dans la même allée que lui. Celles-ci écoutaient avec attention le scientifique sur l'estrade en face qui expliquait avec tout le sérieux possible que le maximum de nos capacités serait atteint d'ici un ou deux millénaires.

Lui en avait assez. Assez d'entendre pour la quarante-septième fois ce genre de baratin. Assez de perdre son temps dans ce genre de conférence débile où les organisateurs faisaient venir le premier pseudo-chercheur qu'ils trouvaient. Chercheur qui n'avait comme références professionnelles que de prendre moins cher que le précédent. Et assez d'être cerné par des crétins hallucinés qui espéraient s'entendre dire que, oui demain matin avec beaucoup de bonne volonté ils pourraient faire léviter une assiette. La prochaine fois qu'il verrait son supérieur il lui dirait en face sa

façon de penser…. Tout en sachant très bien qu'il ne le ferait jamais à moins d'être absolument certain de vouloir en finir avec la vie…

En soufflant de nouveau il sortit de la salle et laissa derrière lui des gens suspendus aux lèvres du même homme qui entamait la meilleure partie de son débat : « Mes capacités parapsychologiques peuvent-elles m'aider pour l'entretien de mon jardin ».

Une petite pluie fine, insidieuse, l'accueillit à bras ouverts quand il passa la double porte de sécurité au fond de la salle. Il détestait la pluie. Cela lui rappelait sa jeunesse à Seattle, quand il passait des journées entières enfermés au lieu de pouvoir aller jouer dehors. A dix-sept ans avec un portable, ça pouvait passer. Mais une quinzaine d'années plus tôt, à une époque où les cellulaires n'existaient pas encore et âgé de douze ans, c'était plus compliqué à vivre. Elle se glissa dans son col et ruissela sous ses vêtements. Et pour couronner le tout un vent glacial le saisit jusques au parking pour rejoindre sa voiture. Cette fin d'Août n'était vraiment pas idéale. Cela ajoutait à l'impression désagréable que dégageait le lieu. Le quartier de cette ville était déjà d'un naturel peu chaleureux en plein jour, la nuit il devenait le repère des dealers, des petites frappes et autres paumés de la vie. Mais tout ceci ne le surprenait plus… Il y avait dans ces occasions de conférences, comme une sorte d'obligation de se réunir dans ces lieux malsains. Un peu comme ces photos-témoignages de phénomènes paranormaux, qui à l'époque des appareils photographiques numériques n'étaient toujours pas nettes, une tradition en quelque sorte...

Il remonta le col de son manteau. Un de ces vieux manteaux beige, typique des polars des années 50. Il avait vu une fois Bogart dans un film et s'était promis qu'un jour il aurait le même pardessus. Ce qu’il n’avait pas prévu c’était que ce genre de manteau n’isolait pas de la pluie. Un regard à sa montre. 21:30. Il se demanda comment il avait pu tenir une heure trente face à ce verbiage, puis très vite il se dit que cela faisait une heure trente de perdue définitivement dans toute sa vie... Une heure trente pendant laquelle il aurait pu finir son roman de Marc Lévy, une heure trente qui lui aurait permis d'avancer dans le dossier Bernstein. Une heure trente qu’il aurait pu commencer à préparer les affaires pour son voyage en Floride, voire même le terminer… Il souffla de nouveau et sortit une cigarette qu'il alluma… Il savait que c’était mauvais pour lui, et plus d’une fois il avait décidé d’arrêter. Avant de porter la cigarette à ses lèvres, il resta un moment interdit. Il s’apprêtait à ranger sa cigarette dans le paquet et à jurer une fois de plus que ce serait la dernière fois, puis il repensa à ce qui l’attendait dans les prochains jours. Alors finalement le tabac ne lui apparut plus aussi désagréable. Mourir de ça ou d'autre chose…

Réflexion faite, compte tenu de ce qu'il savait, ou plus précisément de ce qu'il ne savait pas, il valait mieux mourir de cela….

Il entendit d'abord quelques gravillons rouler sur le macadam du parking avant même d'entendre la voix.

— Dis donc fillette faut pas traîner toute seule dans ce parking si tu ne veux pas qu'il t'arrive des bricoles…

L'homme ne se retourna pas. Il fit littéralement voler son coude en arrière et celui-ci heurta la pomme d'Adam du mastodonte qui venait de le menacer. King Kong s'effondra aussitôt à genoux. Il lâcha la battede base-ball qu'il avait emmenée faire une balade avec lui et tint son cou à une main en cherchant sa respiration, l’autre reposant sur le sol telle une béquille de fortune l’empêchant de s’écrouler comme un sac de linge sale. Il n’avait pas prévu qu’un si petit gars, par rapport à sa taille puisse offrir une telle résistance. Cela se passait toujours comme ça d’ordinaire : il les menaçait, ils flippaient, lui filaient fric et portable et il n’avait pas besoin de frapper avec sa batte. Mais là, quelque chose d’inattendu s’était produite. Il s’étouffait à moitié mais le pardessus ne faisait plus attention à lui.

Sans se retourner, la cigarette finissant de brûler à ses lèvres, l'homme au pardessus ouvrit la portière de sa voiture et partit directement chez lui.

La nuit s'annonçait longue.

15:17. Deux minutes de plus que lorsque il avait regardé sa montre précédemment. Et environ dix-sept minutes de plus que l’heure officielle de son rendez-vous. Bogart détestait quand son patron faisait cela. Il savait que de l’autre côté de la porte son chef était assis à son bureau et attendait. Ou au mieux il finissait de ranger quelques documents. En tout cas, rien qui justifiât dix-sept minutes de retard pour un rendez-vous avec ses agents. Cette manie qu’avait leur patron n’était destinée qu’à faire monter lapression pour que lors de l’entretien ils soient en position de faiblesse. Bogart détestait cette manie. Peut-être parce que cela fonctionnait particulièrement bien sur lui. Enfin, pas tout à fait. Il n’était pas en situation de faiblesse. Il était juste suffisamment énervé pour ne pas se maîtriser dans ses propos lors de la réunion.

Face à lui, assise à son bureau, derrière une machine à écrire d’un autre âge, chignon serré et verres en demi-lune, une Moneypenny bas de gamme, et surtout beaucoup moins jeune que l’originale, était très affairée par sa pile de dossiers. Elle ne lui adressa pas un regard, pas un mot mais semblait très concentrée sur son Underwood.

A l’heure où toute l’Agence était informatisée, les seuls documents tapés à la machine étaient ceux que personne ne devait pouvoir consulter. Bogart sut instinctivement que ce qu’elle tapait était ultra-confidentiel. A moins qu’elle ne tapa sa liste de courses, pour noyer le poisson. C’était parfois ce qu’elle faisait. Cela maintenait le flou. Et était parfaitement raccord avec une organisation qui avait pour tradition de brouiller les pistes. Il n’aurait pu dire si ce qui l’agaçait le plus dans cette secrétaire était le fait qu’elle l’ignorât sublimement, ou la machine à écrire. Ou le fait qu’elle tapa n’importe quoi juste pour entretenir le doute. Ou son chignon. Ou ses lunettes. Ou tout en fait.

La clenche s’activa doucement. Par réflexe il nota l’heure 15:27, et attrapa son manteau avant d’entrer dans le bureau.

L’homme avait traversé les six mètres de distance dans un souffle et se tenait maintenant face à la fenêtre, derrière son bureau. Il était d'une haute stature et cachait presque entièrement la vitre malgré la grandeur de celle-ci. Il tournait le dos à son interlocuteur, les bras croisés dans le dos. Il semblait observer la ville en contrebas. Comme absorbé par le flot de circulation. Aucun bruit ne parvenait de nulle part. Le bureau était entièrement insonorisé. C'était volontaire, pour les cas où les entretiens entre ses agent et lui risquaient de monter dans les tours… Mais pour l'instant les deux hommes restaient muets. Bogart attendit patiemment que son patron ouvrit les hostilités.

— Alors, Summers ? Quelles sont les nouvelles ?

L'agent Summers nota que le Soleil brillait intensément dehors et qu'aucun nuage ne se présentait. Il se souvint avoir lu cela sur la programmation de la semaine du service météo. Cela faisait trois semaines que ces crétins programmaient du beau temps sans une goutte de pluie. C'était la conduite à tenir lorsque le boulot était particulièrement chargé, toutes les fenêtres virtuelles du centre devaient diffuser des images agréables afin de ne pas décourager le personnel. En fait, ce n'était pas une vraie fenêtre, c'était un écran qui diffusait des images virtuelles. Seuls les cadres de l'organisation avaient droit à ce genre de gadget. Summers lui-même avait choisi que les siennes diffusent l'image d'une île vierge. Celle qu'il avait achetée deux ans plus tôt et où il se rendait à chaque permission.

— Alors, Summers ? Les nouvelles ?

Son chef, venait de répéter la question, avec une légère irritation.

— Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, qu'est-ce que je vous ai fait pour que vous m'imposiez ce genre de travail ? Je veux dire, je n'ai pas couché avec votre femme, et j'ai à mon actif quarante-six missions réussies sur les cinquante-deux.

Summers regretta presque aussitôt les paroles qui venaient de quitter sa bouche comme

si elles avaient été dotées d’une pensée propre ! Et voilà… Presque trois quarts d’heure d’attente et il ne pouvait tenir sa langue.

— Parce que vous n'avez pas couché avec ma femme et que vous avez à votre actif quarante-six missions réussies.

— Rien de nouveau monsieur, répondit-il en soupirant face au mépris de son supérieur. Une conférence comme toutes les autres au point que je suis même parti en plein milieu... Monsieur, permission de parler librement ?

— Allez-y.

L'homme se retourna, il était rare que ses agents demandent une telle permission. Le regard d'un gris presque transparent, derrière de larges lunettes un peu démodées, le fixa intensément. Summers se sentit soudain très mal à l'aise. Néanmoins, il ne recula pas.

— Pourquoi devons-nous faire ça ? Je ne comprends pas nos motivations.

— Si vous deviez tout comprendre, agent Summers, de deux choses l'une : soit vous seriez à ma place et moi encore au-dessus de vous et de toute façon vous devriez faire ce que je dis, soit nous serions dans le cas présent et je devrais vous abattre, vous le savez bien.

— Non… Summers perdit un peu de sa prestance. Hum… Ce que je veux dire c'est que j'ai réfléchi à d'autres solutions moins… Brutales. Qui dit moins brutales dit moins de bruit et plus de discrétion. Plus de discrétion plus de rapidité et de tranquillité pour nos projets ensuite. Et…

— Ca suffit Summers. J'ai entendu votre opinion, maintenant vous êtes sous mes ordres et je ne vous demande pas de penser. Préparez votre vol pour… Venice… C’est ça ?

— Monsieur, je…

— La porte est derrière vous.

Le ton était clair, ni agressif, ni froid, juste clair. Il était le patron, et lui l'employé. Donc les rôles étaient clairs. Comme son ton.

Summers sortit sans claquer la porte.

La soirée démarrait à peine quand il sortit de l’ascenseur qui le déposa à son étage sous-terrain. Il y avait là toute une cité engloutie. Construite des kilomètres sous terre en profondeur et en largeur. Une ville de la taille de New-York pour le moins, quelque part sous terre en plein désert américain.

Une fois chez lui, après s’être débarrassé de son pardessus et de ses chaussures, il fila dans sa chambre. Au matin, il avait déjà sorti la valise et commencé à la préparer. A moitié remplie, il constata qu’il avait oublié quelques vêtements confortables. Pour des raisons de service et de présentation, il était obligé de porter chemise et costume. Cela permettait aux agents de se faire passer tantôt pour le F.B.I. tantôt pour un patron d’entreprise. Outre ces vêtements imposés, il ajouté quelques T-Shirts amples et des jeans souples. Il savait qu’il faisait toujours chaud à Venice, la Floride ne devait pas sa réputation qu’à ses tartes au citron ou ses pamplemousses. Malgré tout, il prit un sweat gris chiné léger.

Si Summers avait emprunté les avions de lignes standards, comme n’importe quel américain, il aurait sans aucun doute été retenu à la douane. Mais Summers n’utilisait que les jets de l’Agence. Cela lui permettait entre autre de transporter sans précaution particulière un magnifique Beretta 9mm et son silencieux multifonctions. Outre le fait d’éliminer en toute discrétion un importun, Summers avait découvert qu’il décapsulait aussi très bien les panachés.

Il alla se doucher. Après quelques instants, il ressortit en pyja-short. Puis se dirigea vers sa salle principale où il s'installa sur sa banquette, une bouteille de panaché dans la main droite et le dossier Bernstein dans l'autre. En fond sonore une sonate de Chopin créait une ambiance feutrée.

Les murs capuccino renvoyaient avec beaucoup de douceur la lumière du feu de cheminée. Un vaste foyer recouvert d’une cloche en verre au-dessus de laquelle remontait le conduit d’évacuation des fumées. La cloche ne joignait pas sur le foyer et permettait de pouvoir y griller des châtaignes. Le foyer était rond, au centre de la pièce, d’un diamètre intérieur d’un mètre cinquante. En face du canapé en tissu jean gris bleuté, un écran plat d’une diagonale respectable était accroché au mur, barré de chaque côté par de petites enceintes. Fan de musiques et de films, il possédait une installation home cinéma dernier cri. Et chaque angle de la pièce portait un petit haut-parleur.

Il aimait bien son appartement, il avait de la chance, il logeait au vingt-deuxième sous-sol, ramification Nord-Nord-Est, c'était la branche des agents spéciaux. Ceux qui étaient là étaient des épées. Summers était certainement un des meilleurs agents de ce service et on lui avait donné un appartement d'environ 150m² avec vitres virtuelles et le dernier équipement high-tech. Sans compter la place de parking et l'accès illimité aux activités du quinzième sous-sol. Et puis à cet étage et quelques appartements plus loin, il y avait Sandra.

Elle bossait au service de comptabilité équipementier. En gros c'était elle qui chiffrait tous les besoins matériels pour les opérations. Il l'avait déjà abordée… Pour lui demander à combien s'élever son autorisation de frais… Mais il pourrait très bien le faire pour une autre raison. Comme l'emmener prendre un vrai café servi dans ce faux bar du quinzième sous-sol.

Là où il y avait les faux bars avec les vrais cafetiers. L'organisation voulait offrir à ses employés un espace détente. Elle avait aménagé ainsi tout un niveau de sous-sol. Elle avait reconstitué tout un quartier avec des rues, des cafés, des cinémas, des théâtres, des salles de gym et des piscines. Pour cela elle avait fait venir de vrais professionnels, engagés sous le sceau du secret, pour animer tout cet étage. Vrais cafetiers-limonadiers, faux bars. Un peu comme ces rues dans Singing in the Rain, vraie lumière faux réverbère, vrai parapluie fausse pluie. Une grande tradition de son métier. L'organisation était douée pour faire du vrai avec du faux. Pour faire croire à l'impossible. Pour rendre réelle une situation construite de toute pièce.

Lorsqu'il jeta un regard au dossier, il ne put s'empêcher de réciter à haute voix les trois premières lignes du texte. Cela faisait tellement de fois qu'il lisait ce rapport qu'il n'avait plus besoin de l'ouvrir. Et Summers, d'un naturel joueur, se faisait de micro-challenges en essayant chaque fois de réciter un peu plus loin.

Malgré tout, il avait beau lire et relire le dossier quelque chose le choquait mais il n'arrivait pas à dire quoi. Tout à l'heure il avait essayé d'en parler au patron en lui soumettant son idée mais le boss était plus que têtu. Pourtant il était convaincu que la solution qu'ils avaient retenue n'était pas la bonne. Trop disproportionnée pour le peu de choses à faire.

Une phrase lui revint en tête : « Les gens croient en quelque chose parce qu'ils veulent que ce soit vrai ou parce qu'ils ont peur que ce soit vrai. » Il l'avait lu dans l'Epée de Vérité, le premier tome. Dès la première fois, il avait trouvé cette phrase particulièrement juste. A toutes les époques on avait la preuve que les gens étaient des moutons qui préféraient croire un énorme mensonge par sécurité plutôt que de le mettre en doute. Immédiatement il repensa à un proverbe « Ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont forcément raison. »

L'organisation dans laquelle il travaillait agissait considérablement, voire exclusivement dans ce sens. Il suffisait de relire les journaux des quinze dernières années. Faire crasher des avions pour récupérer une personne précise à leur bords, provoquer des guerres civiles pour se débarrasser d'états entiers aux intérêts politiques trop éloignés des patrons… L'arbre qui cache la forêt….

Une autre phrase des leçons de sorcier lui revint : « Les pires maux découlent des meilleures intentions. » Ce qui revient à « la passion domine la raison ». Mais l'agence était une pro de cette application. Mieux valait faire gros et improbable que discret et invisible, au risque que l'opération aille à sa perte. Roswell était un bon exemple. Ils avaient voulu faire très visible à l'époque de Blue Book et le bluff leur avait échappé et pris des proportions qu'ils n'avaient pas été en mesure de canaliser. Tout ça pour se débarrasser d'un pilote qui avait vu et lu des documents qu'il n'était pas censé voir.

Pourtant, dans le cas de figure du dossier Bernstein, leur méthode n'avait pas sa place.

Rien dans le dossier ne permettait d'intervenir autrement que de manière grossière. Aucune aspérité sur leur cible. Pas une trace de dérive addictive, ou de consultation internet de site louche, rien qui ne laissait supposer une quelconque faille. Toujours ponctuelle, pas de petit ami, une discrétion et un sérieux exemplaire. S'ils n'y mettaient pas les grands moyens, il n'y avait pas d'opportunité possible.

Son panaché fini, Summers se leva pour aller le jeter dans la cuisine ouverte qui était derrière lui. Une console en bois noir vitrifié portait un grand évier et dissimulait la poubelle dans le placard.

Ce soir c'était festival, il avait prévu de bosser une heure sur Bernstein puis de s'octroyer une soirée détente. Il avait loué dans le faux vidéo-club un vrai bon film fantastique et acheté une vraie pizza chez le faux pizzaiolo.

Il sortit un couteau du tiroir des couverts de la console ainsi qu’un plateau et une assiette. Sur le plan de travail, la pizza attendait placidement que l’on s’occupe d’elle. Tandis qu'il se préparait son plateau pour s'installer devant son home cinéma, son cerveau continuait de travailler sans qu’il put l’en empêcher.

Le couteau resta suspendu en l'air quelques secondes. Puis Summers le posa lentement sur le plateau comme si son bras devenait autonome… Il finit la phrase qu'il avait dans la tête à voix haute… Il écouta résonner les derniers mots prononcés dans sa tête… Et son visage s'éclaira. Aussitôt plus rien n'exista, il déposa son plateau et fonça vers la banquette reprendre le dossier. Il tourna quelques pages et après avoir survolé les lignes qui l'intéressaient poussa un « Ouais ! » rugissant.

Summers venait de trouver une solution au problème Bernstein. Soulagé, il esquissa un moonwalk sur Moonlight Serenade qui avait remplacé Chopin et se dit que finalement, il avait bien mérité sa soirée.


Texte publié par Aymris, 9 décembre 2024 à 19h53
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