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Le jeune garçon agenouillé se relève. Tournant le dos à l'homme, il crache. A cette heure de la nuit dans ce recoin de Venezia Park, il n'y avait personne. D'un revers de la manche il s'essuie la bouche, se râcle de nouveau la gorge et crache. Son esprit est déjà ailleurs. Seul le bruit de la fermeture éclair et quelques froissements de tissus lui rappellent pourquoi il est là.

  — Tu te débrouilles vraiment bien, dit l'homme ventripotent d'une voix grasse et méprisante. Tu es une vraie petite salope quand tu t'y mets. Tiens pour la peine je te mets une rallonge.

  Il lâche quelques soixante-quinze dollars dans l'herbe humide et s'éloigne sans un mot.

  — Casse-toi connard ! Marmonne le garçon en le gratifiant d'un signe du majeur. Il se baisse pour ramasser les billets, les recompte machinalement et les range dans sa poche de jean.

  Il a encore quelques kilomètres à faire avant de rentrer chez lui alors il ne traîne pas.

  — Jérémy Boulson ?

  Le jeune garçon s'arrête. La voix surgit de la nuit, d'un peu nulle part. Le jeune garçon se retourne. Dans la lumière du réverbère du parc, une ombre assez massive se profile.

  — Ca te dirait de te faire du fric facilement ?

  — C'est cinquante dollars. Si tu veux plus, faut raquer plus !

  Un homme en costume noir sort de la nuit et s'approche de lui.

  — C'est gentil mais je pensais à quelque chose de plus… Agréable. Pour toi comme pour moi, ajoute-t-il avec un ton de dégoût contenu dans la voix.

  — Balance…

  — Que dirais-tu de distribuer à tes petits camarades quelques médicaments pour aller mieux ?

  — Quels genres de médocs ?

  — Quelques pillules pour se détendre par-ci, quelques farines par-là…

  — Pourquoi je ferais ça ? C'est pas aux autres que j'en veux ?

  — Tu es sûr de cela ?

 Jérémy ne répond rien. Il semble réfléchir.

  — Et moi ? Qu'est-ce que j'y gagne ?

  — Disons que tu gagnes, cinquante pour cent du fric et… Enfin, disons que j'ai des amis bien placés qui accepteraient si tu refourgues leurs cames de te fournir tous les joujoux dont tu aurais envie pour… Disons, punir certaines personnes pas très gentilles avec toi…

  L'homme tire une cigarette d'un étui chromé. Il l'allume d'un Zippo tout aussi argenté et tire une bouffée. Son regard ne quitte pas des yeux le jeune homme.

  — On parle business alors ?

  L'homme esquisse un sourire. Jérémy n'est plus aussi pressé de rentrer.