Encore ce fichu réveil. Les rayons du soleil traversaient les stores et dispersaient une faible lueur dans la pièce. Les livres reprenaient leurs couleurs. Des yeux s'ouvrirent. Des yeux mordorés bordés de fatigue.
L'adolescent poussa un soupir, bailla et s'étira longuement. Il ne voulait pas y aller. Les deux années passées avaient été un véritable calvaire. Surtout l'année dernière. Il avait échoué. Il n'avait pas eu son diplôme. Et les deux mois d'été n'effaçaient rien, surtout pas l'amertume. Mais il devait se lever, se laver, s'habiller, prendre son petit déjeuner, et aller au lycée. Henry était un nom honni chez la plupart des jeunes. Il le savait bien, c'était son nom. Il savait quel effet ça faisait d'être le fils d'un traitre, d'un collabo, d'un allié de l’oppresseur.
Il devait vivre avec ce poids, jour après jour. Et retourner au lycée, refaire sa terminale et espérer décrocher ce fameux diplôme.
Il se leva finalement, fit les deux pas qui le séparaient de la fenêtre et l'ouvrit. Il leva ses stores et observa la rue. Il habitait dans un immeuble, au dernier étage, presque les combles. C'était tout ce que sa mère avait pu obtenir. Le propriétaire avait eu bon cœur, se disant que ce n'était pas la faute du gamin si le père avait été un collabo. Depuis deux ans, donc, Jérémie Henry habitait dans cet appartement mansardé avec sa mère, sous les toits. Trop chaud en été, trop froid en hiver. Et encore, ils avaient de la chance: ils auraient pu être à la rue. Oui, ils étaient chanceux dans leur malheur, d'avoir un toit et un revenu. Même pauvres, ils s'en sortaient bien, finalement.
Ses yeux se baissèrent vers la chaussée. Quelques pavés étaient brisés. De toute façon, la moitié de la rue n'était qu'un champ de ruines. Le dix-huitième arrondissement avait été bombardé. Haut lieu de la Résistance près du Sacré-Coeur, les troupes du Maréchal avaient vidé les poches de dissidents à la fin des années quarante. Restait le Sacré-Coeur, monument curieusement intact, à côté d'une place du Tertre défoncée.
Il soupira. Il vivait Rue du Chevalier de la Barre. Une rue plus longue qu'il n'y paraissait, qui menait à la basilique. De quartier populaire et prisé, Montmartre était devenu un cimetière sans âme. Il secoua la tête. Le soleil tapait fort, et c'était probablement la seule bonne nouvelle de la journée. Il laissa sa fenêtre ouverte, et quitta sa chambre pour aller dans la salle de bain. C'était une petite pièce d'eau qui ne comportait qu'un lavabo, un tabouret, un baquet de bois et un placard bancal. Une douche? C'était un luxe que les Henry ne pouvaient pas se permettre. Ils remplissaient le baquet d'eau savonneuse, et se débrouillaient pour se laver sans en mettre partout ni perdre trop de temps. Il n'y avait pas de fenêtre dans cette pièce et l'électricité coûtait cher. Il se lava en cinq minutes, et vida le baquet dans le lavabo.
Il se regarda dans le miroir fêlé. Il s'était rasé la veille, inutile de perdre du temps aujourd'hui. Il n'était plus à ça près. Il se passa les mains sur le visage. Il devait lutter contre l'envie de tout casser. Pourquoi lui? Pourquoi n'avait-il pas droit à l'aide de l’État? Il était pourtant un orphelin de guerre, lui aussi! Mais non, pas d'argent pour ceux qui ont plié la France. Il devait lutter tous les jours pour survivre. Contre les quolibets, les attaques, les piques. La ségrégation.
Et il devrait vivre un an de plus avec ça. Les gens n'avaient pas idée à quel point les enfants et les adolescents pouvaient être cruels. On disait juste "c'est de bonne guerre, ils en ont bavé." Et lui, il n'en bavait pas?
Il tira sur la cordelette et l'ampoule au plafond s'éteignit. Il quitta la salle d'eau en s'essuyant de sa serviette usée et retourna dans sa chambre. Il avait un lit qui occupait la moitié de la pièce. Une petite table près de la fenêtre, avec ses livres de classe et ses cahiers. Une chaise rafistolée. Pour couronner le tout, son ampoule était cassée et il devait s'éclairer avec une lampe de poche le soir venu.
Il fouilla dans sa petite commode. Un caleçon propre, des chaussettes. Puis dans la penderie, il décrocha son uniforme. Il s'agissait d'un pantalon noir, d'une chemise blanche, d'une cravate noire et d'une veste gris foncé. Il les avait obtenu d'occasion, comme la plupart des lycéens. Il ne fallait pas avoir l'air différent. Il fallait être comme tout le monde, rentrer dans le moule. Il s'habilla rapidement, et prit sa sacoche ramollie qui contenait sa trousse et un cahier. Il se passa la main dans les cheveux. Sa mère était partie de bonne heure, et elle laissait un mot sur la table de la cuisine. Petit déjeuner. Quelques francs, pour midi. C'était déjà beaucoup étant donné leurs maigres ressources. Mais Jérémie n'avait pas faim. Il était stressé. Il allait de nouveau à la rencontre de la foule. Il avait passé les vacances enfermé dans sa chambre, la plupart du temps, à lire. Il ne sortait que le soir, ou tôt le matin, quand les autres n'étaient pas dehors. Il avait la paix, prenait l'air, soufflait quelques minutes. Mais les vacances étaient terminée, retour en enfer.
Il soupira. Ses mains tremblaient. Il crispa les poings et resserra ses doigts autour de la poignée de sa sacoche. Il regarda le petit-déjeuner, deux tartines de pain, un œuf coque, une tasse de café. Du grand luxe. Il savait que sa mère ne mangeait pas autant avant d'aller travailler à l'usine. C'était tout ce qu'elle avait trouvé, après le renversement du Maréchal. Pourtant elle était diplômée, avait un bagage intellectuel conséquent, de l'expérience. Mais aucune école ne voulait d'elle comme enseignante, elle la femme de feu Didier Henry, exécuté au lendemain de la Libération.
Il ne devait pas céder. Il lâcha sa sacoche, s'assit à table et mangea son petit-déjeuner. Ce serait un crime de gâcher ça quand il n'était pas certain qu'il aurait autant le lendemain. Il se força à tout avaler. Il était au bord de la nausée. Il songeait parfois à se jeter depuis sa fenêtre. Pourquoi continuait-il, après tout? Il n'y avait pas de place pour lui dans ce nouveau monde, dans ce nouvel ordre où les démons étaient supprimés et leurs proches discriminés.
Il avait toutefois le bonheur de loger dans une rue peu habitée. Il devait traverser quelques décombres, en évitant de ruiner ses chaussures de cuir déjà usées. Il ne croisait presque personne avant d'arriver dans la rue Ramey. Il avait aussi la chance d'habiter près du lycée. Le retour de l'enfer était court.
La rue Ramey était en assez bon état comparé au reste. Cette partie du quartier était en reconstruction, et déjà quelques façades avaient retrouvé un visage avenant. Les travaux sur Montmartre n'avançaient pas aussi vite, hélas. En tout cas, le coin de rue où habitaient les Henry était délaissé. A dessein? Peut-être. La municipalité ne semblait pas pressée de redonner vie à cette rue là, quand les autres étaient déblayées depuis longtemps.
Le lycée était de l'autre côté, rue de Clignancourt. Il était resté debout pendant la guerre et les émeutes. Jérémie n'avait pas posé le pied sur le trottoir que les autres élèves s'étaient reculés de deux mètres. Il reçut, en guise de bienvenue, une poche de farine qui tâcha son visage et le col de sa veste. Bien, il passerait quelques minutes aux toilettes, pour nettoyer tout ça, pour ne pas se faire épingler par le proviseur. Fantastique! Et qui sait ce qui l'attendait aux toilettes?
Il s'épousseta le visage sous les rires moqueurs. Ses cheveux noirs étaient parsemé de poudre blanche. Ha! Ils en avaient, de la chance, de pouvoir gâcher quelques grammes de farine!
- Tiens, tu pourras te faire des crêpes, avec ça!
Et il évita de justesse un œuf qui s'écrasa sur le mur derrière lui. Il serra les poings. Il avait une envie furieuse de lui déboiter la tête, de l'encastrer dans une de ces fenêtres à barreaux. De cogner, cogner, cogner, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de Vincent Martin, chef de file d'un groupe de lycéens auto-proclamé Résistant.
Un an à supporter ça. Il ne tiendrait jamais. Vincent avait une veste neuve. Des chaussures brillantes. Pour sûr, sa famille n'était pas à plaindre!
La sonnerie retentit. Une voiture arriva peu après, s'arrêtant devant l'entrée du lycée. Pendant quelques minutes, Jérémie était à l'abri, séparé du groupe par cette automobile d'un autre âge, d'un bleu écaillé. La porte arrière droite s'ouvrit et un adolescent descendit de la voiture. Il était mince, élancé, avait des cheveux noirs, courts, coiffés impeccablement et des yeux bleus brillants. Un uniforme neuf. Un nouvel élève. Ce qui voulait dire, probablement, un nouvel ennemi pour Jérémie.
Leurs regards se croisèrent. Celui, désespéré, de Jérémie, et celui, mystérieux, de l'inconnu. Quelques instants. Un sourire, puis le le nouvel élève se mit en marche, et entra dans le lycée. Les autres le suivirent. Jérémie connaissait la chanson. Ils le prendraient à part et lui diraient "Tu vois, lui? C'est Jérémie Henry, le fils de Didier Henry, tu sais qui c'est hein? Interdiction de lui parler."
Il baissa les yeux, et entra lui aussi dans le bâtiment. Le surveillant général, homme entre deux âges, sec comme une branche, vêtu de sa blouse règlementaire, le regarda passer de ses yeux noirs.
- Un peu d’entrain, monsieur Henry. Vous connaissez déjà le programme. Tout ce qu'il vous faut, c'est ne pas échouer une seconde fois.
Mais qu'est-ce qui l'empêchait de lui envoyer son poing dans la figure? De lui répondre? Monsieur Vernier était encore plus grinçant que l'an passé. Peut-être que ça l'agaçait de voir le fils de Didier Henry une année de plus. Il avait certainement espéré en être débarrassé avec le bac.
- Oui, monsieur.
Et ce fut tout ce qu'il répondit. Il se sentait misérable. Pas une once d’agressivité, pas une once de personnalité, de caractère. Il n'était qu'une mauviette, finalement. Il laissait les autres dire, faire, et il courbait l'échine. Il n'avait pas mérité ça.
Dans le grand hall, le proviseur accueillit les garçons chaleureusement. Avec toutefois un regard sombre et sévère pour les redoublants. Surtout pour Jérémie. Il commença par un discours. Septembre 1952, le nouveau gouvernement de la Libération avait établi de nouveaux programmes. Ben voyons. Monsieur Delpré, homme proche de la retraite aux ventre proéminent et au cheveu rare, rappelait les hauts faits de la Résistance, de la Libération, de la Justice, tout en introduisant les nouveautés au programme d'histoire et de littérature. Jérémie n'écoutait déjà plus.
Mais il revint au discours quand Delpré présenta le nouvel élève. Un certain Timothée Duroy, transféré de Clermont-Ferrand. Ha! Clermont, fleuron de la Résistance, comme nous sommes fiers d'accueillir un fils de la Résistance dans notre établissement! Et tout le tralala. Timothée Duroy. Ce nom resta gravé dans l'esprit de Jérémie. Le regard bleu glacier de Timothée l'avait troublé. Il y avait quelque chose de si... indescriptible. Différent. peut-être parce que Timothée ne connaissait pas encore Jérémie, il avait ce regard neuf, dénué de mépris et de méchanceté. Patience, cela viendrait.
Les classes furent appelées, et Jérémie fut surpris d'être dans la même classe que Timothée. Terminale A. Option sciences. Le professeur principal mena sa classe dans les couloirs qui avaient été repeints pendant l'été et ornés de tableaux et photographie à la gloire de la Résistance. Des élèves parlaient, et essayaient déjà d'attirer l'attention de Timothée.
- Silence!
Le professeur principal semblait ouvert, honnête, avenant, avec ses joues rondes, son regard clair, ses cheveux courts qui laissaient quelques mèches folles s'échapper, son léger embonpoint. mais il avait une voix qui savait ramener le calme et la discipline. Un mot suffisait. monsieur Ferreux, professeur de philosophie.
Somme toute, la journée se passa exactement comme Jérémie l'avait prédit. Isolé, moqué. Et Timothée déjà admis à la table de Vincent Martin au réfectoire. Mais Timothée n'avait pas eu l'air de s'en amuser.
Un seul détail laissait à Jérémie un espoir: le regard de Timothée, tourné vers lui, lors du repas de midi. Un regard vif, rapide. Un coup d’œil. Peut-être se faisait-il un film. Peut-être imaginait-il avoir enfin un ami.
Affalé sur son lit, il feuilletait le livre d'histoire. Le nouveau programme. Le soleil éclairait encore suffisamment. Jérémie posa la tête sur son oreiller et soupira. Ce livre lui semblait être le manifeste de la Résistance. Les autres étaient tous si fiers d'avoir eu des parents résistants ou du moins pas engagés du côté obscur, qu'ils étaient heureux d'avoir un programme dédicacé aux héros de la guerre. Jérémie ne voyait que propagande. Certes, il était content que la Libération ait eu lieu. Il était content que le pays soit une démocratie de nouveau.
L'était-il vraiment? Il pleurait. Son père figurait au programme. L'exemple de la Libération. La Mort des Collabos. Didier Henry. Exécuté. Il ne pourrait jamais passer une année scolaire à apprendre cette histoire là. Il ne pourrait jamais apprécier les coups de fusil qui lui avaient arraché son père.
Il entendit la porte s'ouvrir et se refermer. Mince! Il avait oublié le dîner! Il se leva précipitamment, sécha ses larmes d'un revers de la main, et alla dans la cuisine.
- Maman, c'est toi?
- Oui, bien sûr, qui veux-tu que ce soit?
N'importe qui. Après tout, il ne vivait pas dans une base secrète, son adresse n'était un mystère pour personne, et parfois, il recevait des cailloux par la fenêtre, quand on parvenait à les envoyer assez haut. Il baissa les yeux. Sa mère était épuisée. Aussi bien physiquement que mentalement. Elle ne tenait le coup que pour Jérémie. En dehors de son fils, elle n'avait plus aucune raison de se battre. Il le savait. Comment pouvait-on supporter un boulot d'usine, bas de gamme, plus de dix heures par jour, alors qu'on avait de quoi être enseignante dans une université? L'université. Jérémie sentait qu'il n'y mettrait jamais les pieds. Premièrement, il n'avait pas encore son bac. Deuxièmement, il n'avait pas les moyens de payer les frais universitaires. Troisièmement, jamais il n'aurait une bourse d'études. Il était le "fils de."
Il tira une chaise pour que sa mère puisse s'asseoir. Elle lui sourit tendrement, malgré son regard fatigué. Elle était pâle, presque grise. Ses yeux noisettes semblaient éteints. Ses cheveux étaient devenus poivre et sel avant l'âge.
Il s'assit à côté d'elle, et elle posa une main sur la joue un peu piquante de son fils. Il avait déjà dix-huit ans. Il était devenu un homme, pour ainsi dire. Il avait grandi à l’abri, grâce à son père. Avait eu une éducation privilégiée. Pour finir par échouer au bac, être ostracisé, et dépressif. Elle garda son sourire. Elle avait espéré tellement mieux pour lui.
- Je suis désolé, maman, j'ai oublié de faire cuire...
Elle voyait bien dans les yeux de son garçon qu'un souci de plus s'était ajouté à la longue liste déjà pensante, qu'il supportait.
- C'était comment au lycée?
- On a un nouvel élève, il est dans ma classe. Il s'appelle Timothée Duroy. Il vient de Clermont-Ferrand, fleuron de la Résistance, comme dit Delpré.
Il y avait beaucoup d'aigreur dans ses mots. Sa mère se leva, et sortit une casserole du placard au-dessus de l'évier. Elle craqua une allumette et tourna l'arrivée de gaz. Elle posa la casserole sur le feu, et prit l'une des boites de conserve qu'il y avait sous l'évier. C'était là leurs principaux repas. Le moins cher, le plus durable. Au moins, ils ne mourraient pas de faim. Elle ouvrit la boite et versa son contenu dans la casserole.
Il la regarda faire. Il aurait dû le faire, c'était sa tâche de préparer le dîner, pour que sa mère ait un repas chaud dès son retour.
- Tu penses que ça va aller cette année?
- Je ne sais pas, maman. Ils... la Libération a mis papa au programme d'histoire.
Sa mère s'appuya sur la gazinière... ne pouvaient-ils pas leur laisser un peu de paix? Elle se ressaisit et se redressa. Elle fit alors face à son fils.
- Ce qui est fait est fait, hélas. Ton père a peut-être mérité son châtiment. Regarde où nous en sommes par sa faute. Tu ferais mieux de rentrer dans le rang. Les autres te feraient peut-être moins de misère... Je sais...
Elle soupira. C'était difficile à dire tout ça. Comment suggérer à un enfant de haïr son père, de cracher sur lui, pour qu'il puisse avoir lui aussi un peu de bonheur au quotidien?
-... C'est ton père, je sais. Il était du côté de l’oppresseur, c'est un fait. Tous ceux qui l'ont été ont eu le même jugement. On ne peut rien y faire. Si tu veux passer ton bac cette année, tu dois tenir bon.
- Et passer mon bac pour quoi faire? Tu sais très bien que je finirais à l'usine, comme toi.
Le mot de trop. Il baissa le regard encore une fois, serra les poings. Il ne voulait pas trimer dans une usine et s'user à petit feu comme sa mère le faisait. Mais quelle perspective avait-il? Quand on est pauvre, on est pauvre, point final. Et encore plus quand on est un "fils de".
Une minute de silence, avant que ça ne commence à bouillonner dans la casserole.
- On ne sait jamais de quoi demain sera fait. Peut-être que dans un an, tu auras droit à une bourse, toi aussi. Tu ne dois pas baisser les bras.
Il soupira. Sa vie était devenue si vide de sens. Et même avant, il n'avait jamais su quoi faire. Il était à l'abri, protégé des vicissitudes de ce monde, et promis à de brillantes études. C'était révolu. Son potentiel ne servirait jamais à rien. Il était bon en mathématiques? La belle affaire! Pas besoin de s'y connaître en calcul intégral pour percer des trous dans des plaques de métal de 8h à 20h!
Ils mangèrent en silence. Un cassoulet pas trop mauvais, deux croutons de pains avec un reste de cantal. Le fruit, c'était le luxe du dimanche. Son estomac gargouillait encore quand il retourna dans sa chambre. Il était fatigué, il manquait de tonus. Il avait beau manger tous les jours, il était carencé. Il était pâle. Son corps lui faisait l'effet d'un fantôme. Il passa une main sur son abdomen, il ressentait la faim. Pas seulement physique, mais aussi psychologique. Il en avait marre des conserves, des moitié de repas de midi faute d'argent. Il en avait marre de cette vie de merde, parce qu'il était un "fils de". Il en avait marre d'être seul. Il en avait marre de ne pas avoir d'avenir.
Il retira sa chemise et son maillot de corps. Peut-être qu'un jour il pourrait voir ses côtes. Il regarda par la fenêtre... la rue était calme, sinistre. Les deux lampadaires qui fonctionnaient encore s'allumèrent lentement.
Il regarda les pavés. Il imagina son corps tomber, s'écraser, se disloquer sur ces pierres chauffées au soleil. La fin de sa misérable existence. La fin d'un adolescent insignifiant dans le monde Libéré.
Les mains crispées au rebord de la fenêtre, il hésitait. L'envie d'en finir était là, dans son ventre, dans ses veines. La rage d'être impuissant. Il passa une jambe par le bord de la fenêtre et s'assit. Il écarta les bras... gauche, il tombait sur le sol de sa chambre. Droite, il s'écrasait en contrebas. Laisser son équilibre décider?
Il ferma les yeux. Il fut interrompu par une voix, en bas.
- Hey!
Il ouvrit les yeux et regarda. Il était en pleine hallucination. Il y avait en bas Timothée Duroy, cet élève silencieux à l'apparence très lisse, aux vêtements sans faux plis, aux cheveux sans épi.
- Heu... hey...
Que faisait-il là?
- Salut, t'es dans ma classe, non?
Et Timothée voulait lui faire la conversation? Jérémie trembla, et quitta le bord de sa fenêtre pour retrouver le plancher.
- Heu oui. Je suis dans ta classe, oui. Tu fais quoi ici? Si les autres apprennent que tu m'as parlé, tu vas en baver.
- Oh, je visite le quartier, je suis arrivé hier.
- Ha... Heu, tant mieux pour toi. Heu... tu ferais mieux de m'ignorer, vraiment. T'as pas envie d'être un paria. Crois-moi, t'as pas envie.
Timothée fronça les sourcil. Il mit les mains dans les poche de son blouson de toile légère. Il ne comprenait pas vraiment ce que Jérémie voulait dire par là, même s'il avait remarqué que personne ne lui adressait la parole au lycée, à part pour l'insulter.
- Et si j'ai envie de te parler, ils vont faire quoi?
- Hé bien... hé bien... ils vont te mettre à part, t'ignorer, te balancer tout ce qu'ils trouvent à la figure, te ridiculiser, te donner envie de te jeter par la fenêtre, c'est assez clair, comme ça?
Sa phrase la plus longue de la journée ou presque. Surtout à un autre adolescent. Ou même à n'importe qui, il ne parlait qu'à sa mère. Mais il était agacé et pensait que ce Timothée n'était peut-être qu'un imbécile finalement.
- Et tu voulais te jeter par la fenêtre?
- Mais ta gueule!
Pourquoi ne laissait-il pas couler? Pourquoi ne baissait-il pas le regard? pourquoi répondait-il, de vive voix? Timothée sourit.
- Ben si les autres sont cons, c'est leur affaire. Dis, j'ai lu le bouquin d'histoire. Les autres disent que c'est ton père qui a été fusillé sur la place de...
- TA GUEULE!
Il ferma la fenêtre avec violence, quitta sa chambre, et son appartement, ignorant sa mère qui lui demandait à qui il parlait, et dévala les cinq étages, jusqu'à la rue. Timothée était toujours là, perplexe. Soit il avait un grain, soit il n'avait aucune notion de la diplomatie. Jérémie se jeta sur lui sans sommation et lui colla son poing dans la figure.
- C'est clair comme ça?
Il avait envie de lui exploser la tête, de prendre un de ces pavés brisés et frapper... Toute la rage ressentie ces deux dernières années ressortait, plus violente que jamais. Il donna un autre coup, et Timothée eut le nez en sang.
Mais la situation s'inversa bien vite. Timothée para le prochain coup, fit une clef de bras, et renversa Jérémie qui tomba lourdement à terre. Timothée s'essuya le nez. Il semblait avoir déjà connu ça. En tout cas, il avait des gestes précis, efficaces. Il s'assit à califourchon sur Jérémie qui se débattait.
- C'est quoi ton problème? demanda-t-il.
- Mais t'es con, c'est pas possible! Tu comprends pas? Tu piges pas? Mon père était un homme du Maréchal, t'es content? Il a été arrêté par la Résistance. Jugé et fusillé! Et maintenant il est dans les livres d'histoire, pour l'exemple! Oh, regardez ce qui arrive à ceux qui ont trahi notre pays! Je vois bien dans les yeux des autres qu'ils auraient souhaité que je sois fusillé moi aussi! Pourquoi crois-tu qu'on ne me parle pas? Pourquoi crois-tu que je vis dans un immeuble de merde, dans une rue de merde, avec un avenir de merde, que ma mère se crève à l'usine alors qu'elle pourrait être à la Sorbonne? Putain, mais tu sors d'où?
Calmés. Timothée se releva, se pencha et tendit la main à Jérémie qui hésita avant de s'en saisir pour se relever. Alors ils se firent face.
- C'est bon, t'as plus envie de frapper?
- C'est bon, ça va.
Ils restèrent silencieux un bon moment. La fraicheur du soir reprenait ses droits sur la chaleur de la journée.
- T'as une sacré droite, en tout cas...
- Et tu passais seulement par hasard? T'as pas mieux à voir qu'une rue en ruines?
- J'étais au Sacré-Coeur. Je savais pas que t'habitais là. Les autres disent que c'est interdit de te parler. Je vois pas pourquoi. Y'a une loi qui interdit de te parler?
- Les autres ne sont pas "fils de."
- Oui, mais y'a une loi?
- Je pense pas. La loi nous interdit seulement d'obtenir des aides de l'état, des bourses d'études, des logements décents, une vie normale. La loi nous oblige à vivre dans un taudis et à crever la gueule ouverte.
Nouveau silence. Timothée semblait creux, parfois. Il restait là, sans rien dire, le regard dans le vague. Vraiment étrange phénomène. Ce regard était si différent de celui échangé au matin devant le lycée au à midi au réfectoire. Puis se balader à cette heure... Il devrait être chez lui, avec ses parents, avec un bon dîner, au lieu d'avoir le nez en sang dans une rue délabrée.
Jérémie soupira. Il se sentait mieux d'avoir extériorisé sa haine. Mais cela ne l'annulait pas pour autant. Il fit une grimace.
- Désolé pour ton nez. C'est pas dans mes habitudes.
- T'en fais pas j'en ai vu d'autres.
- Ha ouais?
- En fait, non.
Ils se mirent à rire. C'était étrange. Il semblait à Jérémie qu'il n'avait pas ri depuis deux ans. Depuis qu'on avait fusillé son père. Et ce rire lui paraissait salvateur. Il regarda les phalanges de sa main droite. Elles étaient rougies. Il se rendit compte qu'il avait mal. Mais il riait encore.
- Bon, faut que j'y aille, mes parents vont se demander pourquoi je rentre tard. A demain.
- A... A demain, ouais.
Mais Jérémie avait un sérieux doute. Dans une rue isolée, c'était facile de causer. Au lycée, avec tous ces fils de résistants, ce ne serait pas la même chose. Il regarda Timothée partir, le cœur battant. Était-ce un ami?
Timothée ne ressentait pas tellement la douleur. Son nez saignait un peu mais ça ne le dérangeait pas plus que ça. Il avait les mains dans les poches et marchait tranquillement, perdu dans ses pensées. Il habitait place Jules Joffrin, un peu plus bas sur la rue la Ramey. Il connaissait le chemin, c'était presque tout droit, une fois quitté la rue du Chevalier de la Barre. Ce quartier lui semblait calme. Clermont-Ferrand était plus animé. Les gens beaucoup plus festifs. Il se souvenait des soirées avec les amis de son père. Ici, c'était endormi. C'était un quartier qui avait beaucoup vécu et qui avait du mal à s'en remettre.
Il se demandait pourquoi ses parents avaient décidé d'emménager dans le coin. Il y avait plus agréable que le dix-huitième arrondissement. Vers Odéon, c'était plus huppé. Saint-Germain. Il avait entendu dire que ce n'était pas aussi délabré et que c'était même très côté. Montmartre restait, finalement, très populaire.
Il arriva bientôt chez lui, il ouvrit la porte d'entrée. Sa mère, qui lisait dans le salon, se leva immédiatement en le voyant le nez en sang.
- Timothée, voyons, tu sais très bien qu'il faut que tu évites les rixes! Que dirait le docteur, tu es fragile!
Fragile? Il lui semblait au contraire qu'il était en pleine forme! Après tout, il avait renversé Jérémie facilement, et il ne s'était pas écroulé au premier coup reçu. Mais il laissa passer. Oui, il y avait tout un tas de recommandations. Éviter le sport quand celui-ci demandait trop d'efforts. Éviter certains aliments. Ses parents lui avaient dit qu'il avait une condition particulière, et qu'il pourrait en mourir s'il ne faisait pas attention. Mais il avait dix-sept ans et ne se sentait pas malade. Il se sentait capable de courir, de se battre, pourtant, c'était écrit "inapte" sur son dossier scolaire. Enfin, le docteur avait certainement raison. Il en savait plus que lui.
- Je sais maman, désolé. C'est pas ma faute, c'est juste arrivé comme ça. Mais je vais bien, je n'ai même pas mal.
Elle emmena Timothée dans la salle de bain, spacieuse, au sol carrelée brillant, et prit du coton et de l'eau oxygénée. Elle nettoya le nez de son fils silencieusement, pendant quelques minutes. Le nez ne semblait pas cassé. Seulement une petite veine qui avait cédé sous le choc. Il y aurait un hématome et ça passerait. Elle s'inquiétait beaucoup pour Timothée. Elle devait lui répéter souvent qu'il ne devait pas faire telle ou telle chose.
Elle plongea ses yeux verts dans les perles bleues de Timothée.
- Je sais que tu es jeune, mais ne fais rien qui ne te mette en danger, mon poussin.
- Oui maman.
Sourire partagé. Mais Timothée était frustré. Il se sentait si plein d'énergie! Lui interdire de bouger, c'était presque une torture. Mais il était malade, et ne pouvait rien y faire. Il quitta sa mère et monta dans sa chambre. C'était une belle chambre aux murs à moitié lambrissés, avec une reproduction d'un Turner à côté de la fenêtre, qui donnait sur la cour intérieure. Il avait un lit assez spacieux, un bureau ordonné, une armoire coordonnée au reste du mobilier. Malgré les apparences, les Duroy n'étaient pas les plus riches. Ils étaient loin d'être pauvres, et occupaient une place de choix dans l'échelle sociale, mais ils ne vivaient pas à Odéon, par exemple.
Timothée prit un des ouvrages de sa bibliothèque. Des livres scolaires, et des livres de littérature jeunesse et adulte, des classiques. Huckleberry Finn. Il se sentait bien partir un jour, sur un radeau, avec un ami, et vivre une grande aventure. Ses aventures à lui n'étaient qu'imaginaires. Clermont-Ferrand avait beau être le fleuron de la Résistance, il ne se sentait pas résistant pour autant. D'ailleurs, depuis que la Libération avait eu lieu et que le parti de la Libération avait formé son gouvernement, la Résistance n'avait plus lieu d'être.
Il reposa le livre, il l'avait lu trop souvent. Il soupira. Il se sentait prisonnier de son corps, de son esprit, et ne parvenait pas à s'y faire. Il avait bien vu ce soir là qu'il avait de très bons réflexes. Il regarda ses mains, serra les poings. Il avait la sensation qu'ils avaient frappé plus d'une fois.
Il se déshabilla et se mit en pyjama. Il laissa ses vêtements négligemment posés sur le dossier de sa chaise. Il n'avait pas sommeil. Il avait envie de courir. Il se coucha néanmoins. Sur sa table de chevet, il y avait sa boite de médicaments et un verre d'eau. Il prit deux comprimés, qu'il avala en une gorgée. Puis il éteignit sa lampe de chevet et ferma les yeux.
Il se réveilla en sueur une heure plus tard. Il alluma la lumière et regarda autour de lui. Il n'était pas censé se réveiller. Les comprimés l'aidaient à dormir, à combattre l'angoisse nocturne. Timothée était sujet à des crises de panique la nuit, et il devait souvent prendre des calmants pour lutter contre son état émotionnel instable. Son père lui avait prescrits ces myorelaxants et anxiolytiques. Le dosage était précis. Mais cette nuit, ils ne firent aucun effet.
La pièce tournait autour de lui, et il voyait des images, des bribes de souvenirs qui ne lui appartenaient pas. Comment aurait-il pu connaître l'Italie ou l'Allemagne alors qu'il y était jamais allé? Pourtant, c'était bien la place Saint Marc qu'il voyait dans ses rêves. Et c'était bien la frontière franco-allemande... Il avait l'impression de devenir fou, de ne plus s'appartenir lui-même.
Le souffle court, il essaya de se lever et de se donner plus d'aisance pour respirer. Il écarta les bras et tomba de son lit dans un bruit sourd.
Lumière sous la porte, et bruits de pas. Ses parents étaient réveillés. Ils étaient si inquiets pour lui, qui était si fragile, avec ses troubles physiques et mentaux. La porte s'ouvrit et son père entra en premier. C'était un homme grand et costaud, avec une carrure athlétique, cachée par son pyjama. Il avait les yeux noirs, et des cheveux blonds toujours bien coiffés. Il était un des nouveaux docteurs du quartier mais ce n'était généralement pas lui qui s'occupait de l'état de santé particulier de son fils. Néanmoins, il ne se séparait que rarement d'une petite trousse qui contenait un flacon d'un liquide translucide et d'une seringue.
- Fiston, ça va aller, regarde-moi, regarde-moi...
Sa mère s'assit à ses côtés, et dégagea l'épaule de Timothée. La seringue pénétra la peau et la chair et diffusa son liquide lentement. Timothée ferma les yeux et sombra dans un sommeil profond, sans rêve.
- C'était trop tôt, il n'était pas prêt, dit sa mère.
- Ce n'est pas lui qui n'est pas prêt, c'est le traitement qui n'est plus aussi efficace, objecta son père.
Il rangea la seringue et le flacon dans la trousse et porta Timothée pour le recoucher.
- Il y en a assez pour passer la nuit, il se réveillera à l'heure demain matin.
Une voix qui ne laissait pas passer le moindre doute. Monsieur Duroy, Thierry de son prénom, médecin de famille, était un homme sûr de lui. Sa femme, Irène, n'avait pas autant de certitudes.
- Et si jamais ça ne marchait pas, finalement?
- N'y pense pas, n'y pense pas.
Timothée se réveilla vers 7h du matin, avec l'impression d'avoir très bien dormi. Il s'étira quelques instants et ressentit une petite douleur à l'épaule droite. Il ouvrit sa chemise de pyjama et vit la trace d'une piqure. Ainsi, ça avait recommencé. Il avait refait une crise. Mais il n'avait aucun souvenir de la nuit passée, de ses rêves d'Italie et d'Allemagne, de ses envie de courir. Il était redevenu normal, calme, sans beaucoup de préoccupations.
Il se souvenait tout de même avoir croisé Jérémie. Il tâta son nez. Il y avait un hématome, en effet. Il sourit. Il n'aimait pas trop les gens de sa classe. Ni du lycée. Il n'y avait passé qu'une journée, mais cela avait été suffisant pour ressentir toutes les dissensions entre les élèves. Surtout entre les rares "fils de" et le reste du monde. Il ne lui semblait pourtant pas que Jérémie était un être exécrable. Au contraire.
Il restait troublé par cette rencontre. Pas par Jérémie en lui-même. Jérémie ou un autre, c'était du pareil au même... mais par cette altercation, et la manière dont il avait pris le dessus. Précis. Affuté. Il regarda ses mains à nouveau. Ferma les poings.
Il se leva et fit quelques mouvements. Il n'avait pas l'impression d'être rouillé. Ni l'impression de pouvoir tomber en miettes s'il courait un peu. Il haussa les épaules et chercha des vêtements propres dans son armoire, avant de se souvenir qu'il devait porter l'uniforme pour aller au lycée. Il se rendit par la suite dans la salle de bain, vit le coton taché de sang dans le fond de la poubelle, et releva les yeux vers le miroir. Son nez n'avait pas vraiment gonflé, c'était déjà ça. Il sourit.
Que diraient les autres? Pourquoi s'en inquiétait-il, d'abord? Pourquoi ne pouvait-il pas être ami avec ce "fils de"? Il soupira. Le monde était absurde, c'était là toute sa vie.
Il passa rapidement sous la douche, ne laissant pas le temps à l'eau de lui rider les doigts. Son estomac se mit à gargouiller. Il passa une main sur son ventre. Il avait toujours remarqué que malgré le manque d'activité physique, il était solide et musclé.
- Timothée? Poussin? Le petit-déjeuner est prêt!
La voix de sa mère traversait très bien les portes. Timothée se dépêcha de se sécher et de s'habiller. Il se rendit ensuite dans la salle à manger. Son père lisait le journal du matin, sa mère faisait les comptes semblait-il. Il salua ses parents, comme tous les matins.
- Bonjour.
- Bonjour, Tim. Bien dormi? demanda son père.
- Comme un bébé.
- Je suis contente, mon poussin. Prêt pour une nouvelle journée d'école?
- Hum, hum.
Il était déjà en train d'engloutir ses tartines. Ses parents le regardèrent, puis se regardèrent. N'était-ce pas un soupire de soulagement, presque imperceptible, que venait de pousser son père? Timothée avait fait une crise, certes. Il y avait de quoi s'inquiéter. Mais à présent, il se sentait si bien, si flottant, si enthousiaste. Il irait retrouver Jérémie et lui proposer son amitié. C'était la bonne chose à faire. Et s'il devait être mis à part lui aussi, ce n'était pas un problème. Il n'avait pas besoin d'une centaine d'amis alors que Jérémie n'avait personne.
La chose à faire oui. Ses parents lui avaient toujours inculquer le goût de la justice. Et la justice, c'était de ne pas laisser Jérémie seul au monde et se suicider.
Il termina son verre de jus d'orange et quitta la table. Il retourna dans la salle de bains pour se brosser les dents, et tomba sur son reflet dans le miroir. Le même reflet qu'il voyait parfois dans ses rêves. Dans d'autres lieux. D'autres circonstances. Parfois, longtemps après s'être réveillé de ces nuits "sans rêves" il se souvenait tout de même de ces songes étranges.
Il se brossa les dents rapidement et laissa son reflet quitter ses pensées. Il passa la veste de son uniforme, et enfila ses chaussures. Sa mère le rejoignit, et proposa de l'emmener en voiture.
- Je ne suis pas en sucre maman, c'est pas loin, je peux marcher.
Il déposa un baiser sur la joue de sa mère et quitta la maison. Ces derniers temps, il avait de plus en plus l'impression que quelque chose n'allait pas. Il avait peur de devenir schizophrène, avec ses crises d'angoisse et ses rêves, où son esprit ne lui appartenait plus. Il avait lu des choses à ce sujet dans la bibliothèque de son père. D'ailleurs, à bien y penser, pour un médecin de famille, un généraliste, son père possédait vraiment beaucoup d'ouvrages sur la psychiatrie... Il y pensa alors qu'il marchait, remontant la rue Ramey. Il s'arrêta au coin de la rue Custine, et attendit que Jérémie apparaisse au loin.
Cela lui laissa le temps de penser. Son père n'était pas psychiatre. Sa mère n'était pas comptable. Pourtant son père s'occupait de son état psychiatrique et sa mère faisait les comptes. Non, ce n'était rien. Il secoua la tête. Il repensa à la veille. Combien de fois avait-il rêvé de combats? Pouvait-ils d'ailleurs reproduire ce qu'il voyait en rêve? Il repensa à sa maison à Clermont. Une grande maison avec beaucoup d'espace.
Jérémie apparut enfin au coin de la rue. Timothée traversa la rue Custine et courut vers lui.
- Salut. Prêt à affronter le monde?
- Salut. Je vois que ton nez va mieux.
- Pfff, c'était rien. T'as pas répondu.
- Faut bien aller l'affronter.
Timothée lui tendit la main. Poignée ferme entre deux adolescents qui venaient de sceller leur amitié. C'était la chose à faire. Oui, la chose à faire. Aider Jérémie. Devenir son ami.
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