Viendra un jour où
faisant ta connaissance par hasard
Je te dirai bonjour madame
Tu me diras je t'attendais
Bienvenu dans mon parallèle
Bienvenu entre Meuse et Mouzon
Après avoir défoncé la porte à grands coups de hache, Marie sans aucune hésitation
pénétra à l'intérieur de la maison sans se préoccuper des flammes qui lui barraient le chemin.
Dans son casque elle entendit son binôme, son double, son frère d'armes,
ensembles ils ont été sur tous le fronts, les incendies, les noyés, les accidents de la route ...
Ils ont partagé tout ce qui fait le quotidien d'un pompier au long de toutes ces années,
les bons moments parfois, et les mauvais souvent. Attend moi Marie, tu ne dois pas y aller seule
cracha la radio intégrée à son casque F1, nous arrivons dans une minute.
Non Patrick c'est trop dangereux, il y a des flammes partout. Aujourd'hui je dois y aller seule,
je t'en prie reste dehors, et elle s'enfonça dans les flammes.
Marie était de garde ce soir là, je suis de bip comme elle disait. La sonnerie de son alarme
venait de se déclencher et trente secondes s'étaient à peine écoulées que Marie sautait
dans sa tenue de pompier, les chaussettes déjà dans les rangers prêtes dans l'entrée
de chez Catoche et Thierry. Un couple d'amis chez qui elle était allée souper seule,
car Jean au dernier moment fatigué avait préféré se coucher tôt. A peine le temps de regarde
sa montre, minuit sept, les réflexes affûtés par tant d'années jouaient à plein. La soirée s'était
prolongée tard, elle n'avait pas vu le temps passer.
Deux minutes après,elle démarrait sa voiture, pour aller plus vite elle prit la route du lycée
en sens interdit afin de rejoindre plus rapidement le passage à niveau. Elle ne passa donc pas
devant chez elle. Comme d'habitude elle partit en trombe et quatre minutes plus tard se garait
dans la cour de la caserne. Son chef Michel était là, il avait déjà ouvert l'immense porte du garage
et le CCR (Camion Citerne Rural), le gros camion rouge des pompiers était là prêt à être démarré
et à partir toutes sirènes hurlantes. Elle le savait, elle avait vécu ces moments là tant de fois,
elle le savait ses collègues d'astreinte allaient arriver, c'était une question de minutes.
Pas un ne serait manquant, cela aussi elle le savait. En attendant elle s'approcha de Michel,
ne pas perdre de temps en salutations, le temps est trop précieux. C'est quoi chef, un incendie ?
Michel sembla surpris de la voir.
Marie aimait combattre les incendies, c'était ce qu'elle préférait de toutes les missions que
remplissent les pompiers. C'est pour cela qu'elle était devenu pompier. Dès qu'un départ
était annoncé pour un incendie, instantanément l'adrénaline se répandait dans ses artères
et elle était prête. Oui Marie dit Michel avec une drôle de voix à laquelle elle ne prêta pas
attention sur le moment. A peine ces mots prononcés Marie avait déjà bondi dans le camion
et actionné le démarreur. Elle éleva la voix pour couvrir le bruit du puissant moteur du CCR
C'est où chef ? Elle n'obtint pas de réponse. Pensant que Michel ne l'avait pas entendue,
elle répéta, c'est où chef ? Michel la regardait sans répondre. Marie sauta de la cabine et
s'approcha du chef, du coin de l’œil elle aperçut deux voitures passant le portail de la caserne
Il devait y avoir Patrick, Patrick Jeanmaire, son binôme depuis toujours, deux inséparables.
La seconde voiture ce devait être Mathieu ou bien Angélique,Elle ne prit pas le temps de détailler.
S'approchant de Michel elle répéta pour la troisième fois, c'est où chef ? Elle comprit
que quelque chose n'allait pas en voyant le visage blême du chef. Elle vit l’œil gauche tressauter
et les lèvres de Michel trembler. Que se passe-t-il chef ? Elle n'avait jamais vu le chef comme ça,
lui toujours plein de sang froid, toujours maître de ses émotions. Il est où ce putain d'incendie ?
Michel ouvrit enfin la bouche. Il y eût tout d'abord comme un trou noir dans la tête de Marie,
un trou béant, comme si elle refusait ce qu'elle venait d'entendre. Pourtant les mots prononcés
par Michel réussirent à se frayer un chemin jusqu'à sa conscience, là ou elle s'était instantanément
réfugiée tout au fond d'elle. Michel n'avait pas eu besoin d'en dire plus, c'était inutile.
Soixante et un rue du faubourg de France avait-il dit d'une voix calme.
Tout à coup les ténèbres obscurcissant l'intérieur de sa tête se déchirèrent. Une violente explosion
suivie d'une lumière blanche étincelante remplaça tout ce noir. Mon dieu c'est chez Moi
s'exclama-t-elle. Il faut que j'agisse. Marie fit demi tour , prenant le temps, ce qui ne lui prit
que trente secondes de se saisir de quelques matériels indispensables. Bien sûr Marie ne savait
à quoi elle devait s'attendre mais en eut le pressentiment. Où vas-tu Marie ? Elle n'eût pas
immédiatement conscience qu'elle venait de croiser Patrick et Mathieu se dirigeant vers eux.
Sans se retourner elle hurla Michel va vous dire, je pars en avant, rejoignez moi. Le temps de jeter
son matériel sur le siège passager de sa voiture, quinze secondes après la voiture franchit le portail
de la caserne manquant de percuter la voiture d'Angélique qui arrivait. La pauvre en fut pour
une bonne frayeur. A peine trois minutes s'étaient écoulées depuis qu'elle avait franchi le portail
dans l'autre sens, et déjà moteur hurlant tourna à droite laissant derrière elle éclairée de mille
lumières la fromagerie située juste en face de la caserne. Caprice des Dieux songeât-elle.
Dans un état second, elle pilota la voiture vers sa destination. Elle connaissait tellement
cette route pour l'avoir parcourue tant de fois qu'elle aurait pu faire le trajet les yeux fermés.
Elle roulait déjà à cent kilomètres heures dans les rues de Illoud, prenant juste le temps
de ralentir en arrivant sur le croisement avec la départementale soixante quatorze qui traverse
Saint Thiébault. Tournant à droite cent mètres plus loin elle traversa le pont sur la Meuse,
puis le passage à niveau. Et après avoir tourné à gauche elle déboucha rue du Faubourg de France.
Le soixante et un se trouvait deux cent mètres plus loin sur la gauche. Pendant les deux minutes
du trajet, elle reprit lentement conscience, son cerveau se refroidit et se remit à penser.
Elle avait sa tenue au feu, un ARI (Appareil Respiratoire Individuel), si lourd et encombrant
mais indispensable pour entrer dans le feu, son casque F1, sa radio ainsi qu'une hache.
Tout cela pêle-mêle sur son siège passager. Comment avait-elle pu penser à prendre tout
cet équipement. Elle ne se souvenait pas avoir rien pris, ce fût par pur réflexe. Il fallait bien que
tous ces dimanches passés en manœuvres depuis tant d'années servent à quelque chose.
Elle vit immédiatement les flammes et la fumée qui s'échappait par le toit. Elle prit peur, la maison
était déjà bien embrasée, pourvu que Jean soit dehors pensa-t-elle en voyant l'attroupement
cinquante mètres plus loin sur l'autre trottoir. Elle se gara un peu plus haut, devant les
ambulances Smet. Prenant son matériel et commençant à s'équiper elle cherchait du regard Jean,
ne le voyant pas elle demanda au gens attroupés, avez vous vu Jean ? Elle ne demanda pas
une seconde fois, au vu des signes négatifs des personnes là regroupées. C'étaient des voisins
et tous connaissaient Jean son amoureux. Elle vit la voiture bleue de son amoureux garée là à
sa place habituelle devant la maison. Mon dieu forcément il est dans la maison, pensa-t-elle.
Mais elle le savait en fait depuis que Michel avait dit soixante et un rue du Faubourg de France,
tout son corps et toute son âme le lui hurlaient.
Marie venait de pénétrer à l'intérieur de la maison. Bon sang qu'il fait chaud, les flammes barraient
tout le couloir rectiligne qui s'enfonçait vers le fond de la maison, et puis cette fumée, je ne vois rien,
heureusement que je connais la maison pensa-elle, forcément c'était sa maison. La maison des
jour heureux jusqu'au décès de Jan son mari une décennie auparavant, jours heureux retrouvés après
sa rencontre avec Jean. Machinalement elle actionna l'interrupteur, surprise de voir la lumière
s'allumer, mais avec cette fumée ce n'était que de peu d'utilité. Allez Marie tu t'es déjà trouvée
dans de telles situations, ce n'est pas le moment de paniquer, se dit-elle pour s'encourager. Il faut
que je me dépêche se dit-elle, les collègues ne vont pas tarder à arriver. La première chose qu'ils
vont faire avant de mettre les lances en action c'est de couper le courant de la maison. Réfléchis,
notre chambre est tout au fond de la maison, au bout d'un long couloir, il vaut mieux que j'explore
les autres pièces avant. A droite juste après l'entrée, la cuisine. C'est la pièce préférée de Marie.
Là elle y passe le plus de temps lorsqu'elle se trouve à la maison. Non qu'elle passe son temps
à y cuisiner, pas vraiment, ce serait plutôt à boire du café, fumer des cigarettes, jouer sur sa tablette
ou bien être les réseaux sociaux,et également lire.
Elle reçoit beaucoup de monde dans sa cuisine. Il y a toujours un ami, une amie qui passe la voir.
Et des amis elle en a tellement qu'il ne se passe pas une journée sans que quelqu'un fasse irruption.
Les très bons amis eux ne frappent pas, ils savent que dans la journée sa porte n'est jamais
verrouillée. Jean aimait bien la taquiner en lui disant qu'elle tenait un bistro clandestin, et puis
il y avait ses deux visiteuses quasi quotidiennes, les "cafetières", Jesus et sa maman Princesse,
et aussi la Catoche. Et je dois dire que dans cette cuisine on ne buvait pas uniquement du café.
Suivant la saison, l'heure, les visiteurs et l'occasion, une petite bière fraîche, une binouze comme
elle aimait dire était proposée. Il arrivait aussi que des bouchons sautent pour délivrer un
champagne pétillant. Marie avait une préférence pour le vin, elle avait appris à Jean à mâcher
le vin rouge pour le goûter. Mais son péché mignon c'étaient les vin blancs sucrés, avec une
préférence pour le coteau du Layon, un vin des bords de Loire, sans oublier le Gewuztraminer,
vin Alsacien au parfum inimitable. Marie, ce n'est pas le moment de divaguer, Jean est
probablement dans la maison. La porte de la cuisine était fermée, ce qui n'était pas habituel.
Marie respira profondément et ouvrit la porte. Elle avait ouvert les robinets de son ARI avant
de pénétrer dans la maison, entra dans la cuisine, il y avait pas mal de flammes déjà. Elle se fit
la réflexion comment est-ce possible qu'il y ait déjà des flammes partout. Elle vit la table avec
dessus les deux beaux verres à pied qu'ils utilisaient lorsqu'ils buvaient ensemble. Les verres
étaient remplis et posés côte à côte, à se toucher. Étonamment Marie ôta son casque F1 et prit
le temps de saisir un verre et de trinquer avec l'autre, puis de porter le verre à son oreille à écouter
la douce vibration jusqu'à ce qu'elle s'atténue, à ne plus l'entendre. Ils avaient l'habitude de faire
cela avec son amoureux. Puis elle trempa ses lèvres dans le verre, hummm du coteau du Layon.
Marie perdait trop de temps perdue dans ses souvenirs.Une pensée fulgurante lui traversa l'esprit,
la bouteille de gaz sous l'évier. Elle reposa le verre sur la table et remit son casque. Elle prit un
couteau de cuisine à dents, ouvrit la porte sous l'évier ferma la bouteille de gaz et coupa le tuyau.
Au fond se trouvait une porte fenêtre donnant sur la terrasse, elle était fermée à clé, la clé était
sur la serrure. Elle tenta de la déverrouiller, impossible, combien de fois avait dit Jean, il faudrait
la changer cette serrure. Qu'à cela ne tienne, elle saisit la hache qu'elle tenait encore dans sa
main gauche, ne se préoccupant pas des éclats de verre qui jaillirent lorsqu'elle défonçât la
porte vitrée. Sa tenue au feu et son casque F1 étaient une bonne protection. Elle ouvrit ensuite
le volet et alla déposer la bouteille de gaz tout au fond de la cour, près des nouveaux rosiers
qu'elle avait récemment plantés. Elle prit le temps de les observer, elles étaient belles ces roses.
D'un regard circulaire elle fit le tour de la terrasse, personne, elle eut le temps de voir le
rhododendron que Jean lui avait offert avec ses belles fleurs en boule d'un joli rose mêlé de blanc.
Ne pas perdre de temps, Marie se rua dans la cuisine, repassant la porte fracassée, traversa
la cuisine pour se retrouver de nouveau dans le couloir. Machinalement elle referma la porte de
la cuisine.La fumée bouchait toute vision. Il faut que j'y aille se dit-elle, à quatre mètres à droite
se trouve le salon. Ne voyant rien, elle se jeta dans les flammes suivant le mur de sa main droite,
la chaleur était vraiment intense. Sa main sentit le décalage de la porte, cette porte également
était fermée, curieusement comme celle de la cuisine, elle l'ouvrit. Le salon également était en feu,
mais il n'y était pas encore trop intense, c'est bizarre se dit-elle pour la seconde fois. Il y avait
également une dizaine de grosses bougies qu'elle aimait tant et qu'elle allumait souvent.
Il y en avait deux également dans la cuisine et elles étaient allumées pensât-elle. Son regard fit
le tour de la pièce, Jean n'était pas là. Son regard se portant sur la gauche elle vit que la télévision
était allumée. Elle s'approcha et regarda l'écran, l'image était fixe, ce devait être un film en DVD
qui avait été mis sur pose. Elle reconnut immédiatement le film à cette seule image. On voyait
une main serrant une poignée de portière de voiture. On devinait une femme assise sur le siège
passager qui de la main droite serrait la poignée comme pour l'ouvrir. Leur film préféré, Marie fit
découvrir ce film à Jean, un film d'amour, « Sur la route de Madison ». Ensembles ils l'ont regardé
plusieurs fois, et aussi lorsqu'ils étaient chacun de leur côté, en même temps, il leur arrivait de le
regarder séparés par l'espace mais pas par le temps. C'était une façon qu'ils avaient trouvé de
rester proches, même si des centaines de kilomètres les séparaient. Elle regarda la table basse,
étonnamment deux verres à pied s'y trouvaient posés côte à côte comme dans la cuisine.
Cette fois ci c'était du vin rouge. Ôtant à nouveau son casque Marie prit un des verres,
heurta l'autre pour le faire tinter, après quelques secondes lorsque la vibration se fût éteinte
elle le porta à ses lèvres. Du Pic Saint Loup, leur vin, un vin du Languedoc, celui qu'ils avaient
découvert ensembles lors d'une de leurs escapades dans le sud près de Sète. Ce fut un weekend
merveilleux, un weekend en milieu semaine. Elle se souvenait de la chambre d'hôtes qu'ils avaient
louée, et de leur charmants propriétaires, une mère et son fils, des moules frites mangées sur
le port de Sète, et du monsieur complètement perdu, perdu dans la ville et perdu dans sa tête.
Ils avaient appelé les secours pour lui venir en aide. Le seul regret de ce weekend fut de ne pas
pouvoir aller sur la tombe de Georges Brassens. L’horaire d'ouverture à cette période de l'année fit
qu'ils se trouvèrent devant un portail clos. Émergeant de ses pensées Elle se dit il n'y a rien
à faire ici, se dirigea vers la porte du salon et ressortit. Curieusement Elle prit soin de refermer
la porte derrière elle. A peine la porte fermée, la pièce s'embrasa soudainement. Sous l'effet
de la chaleur intense l'écran de télévision commença à se déformer, à l'écran la main de
la femme sembla gonfler et se cloquer, puis le poste explosa projetant des débris de verre
et de composants électroniques dans toute la pièce. Mais cela Marie ne le vit pas. Encore un
accès que ne pourraient emprunter ses collègues pour tenter d'entrer car c'est sûr Patrick
essaiera. Se diriger en face pour atteindre le reste de la maison, Elle replongea dans les flammes.
Pendant ce temps là ses collègues étaient arrivés, en professionnels ils commencèrent à installer
leur matériel, chacun savait ce qu'il avait à faire. Marie tu es là ?demanda Patrick dans la radio.
Je suis là, tout va bien répondit-elle, surtout n'essaie pas d'entrer il y a trop de flammes
et de fumée. J'ai déjà visité la moitié de la maison, il me reste les chambres. Patrick décida
tout de même d'entrer. Par la porte d'entrée c'était impossible, le feu y était trop intense.
Il connaissait la maison, il y était venu souvent. Il fit tomber la palissade de bois qui clôturait
la terrasse. Il n'eut aucun mal à la mettre à terre, elle ne tenait que par une sorte de miracle,
surtout depuis les dernières tempêtes récentes. Des vents violents avaient alors soufflé et si
la palissade n'avait pas fini à terre en ces occasions c'est grâce au courage de Marie qui en
pleine nuit était sortie bravant vent et pluie pour la consolider. Il vit la bouteille de gaz,
sacrée Marie pensa il, elle a sorti la bouteille. Il s'approcha de la porte fenêtre, vit qu'elle était
cassée. Impossible de tenter d'entrer, un mur de flammes barrait la route. C'était curieux
car quelques minutes auparavant, alors que Marie était dans la cuisine il n'y avait encore
que très peu de flammes, mais ça il ne le savait pas. Il s'approcha alors des deux portes fenêtre
d'accès au salon qui donnaient également sur la terrasse, mais les flammes déjà se projetaient
à l'extérieur à travers les volets fermés. Il fit demi tour et partit retrouver ses collègues.
Fais attention à toi Marie dit-il dans la radio. T’inquiète répondit-elle. Patrick n'insista pas,
il connaissait son amie depuis trop longtemps, il savait qu'elle ne sortirait pas tant qu'elle
n'aurait pas retrouvé Jean. Le couloir d'accès à la seconde partie de la maison était également
envahi de flammes et de fumées. Marie eut l'impression d'être un poulet accroché à un
tourne-broche tant la chaleur était intense, et ce malgré sa tenue et son casque. Après un mètre
à droite se trouvait la porte qui donnait accès au sous-sol, il n'y avait aucune raison que Jean
s'y trouve, mais ses réflexes de pompier lui firent ouvrir la porte, regarder partout telle était
la règle. À peine la porte ouverte une bouffée intense de chaleur l'atteignit, elle faillit tomber
en arrière, pourtant il faisait déjà si chaud dans ce couloir. Marie constata que le feu lui barrait
complètement la route empêchant de s'engager dans l'escalier, même pour une tête brûlée
comme elle. Elle ne put voir les bougies disposées sur chacune des marches, elles avaient déjà
totalement fondu. Elle referma précipitamment la porte, tout en se disant, mais comment
est-ce possible, même dans le sous-sol. Sur la droite un petit couloir donnait accès aux toilettes.
Elle faillit ignorer les toilettes car il y avait peu de chances que Jean soit dedans. Mais ses
réflexes de pompier toujours le poussèrent à ouvrir la porte pour constater qu'il n'y avait
personne, hormis des flammes déjà qui dansaient, mais cela ne l’étonnât plus, elle s'y attendait.
Elle eut le temps de voir deux bougies allumées sur le petit meuble au dessus des toilettes,
entre les petites fioles remplies de sable. C'était sa collection de sable venant de plages et
qu'elle collectionnait, du sable provenant d'un peu partout. Elle en apportait au gré de ses
voyages, sa fille et ses amis également ne manquaient pas de participer. Elle referma la porte
des toilettes et à à l'intérieur tout s'embrasa au moment même où elle referma la porte.
A côté la salle de bains, rien à y noter, le même spectacle que précédemment, quelques flammes
et des bougies allumées étaient tout ce qu'il pouvait y avoir d’inhabituel.
Elle referma la porte et bien sûr ce geste terminé l'intérieur s'enflamma brusquement
Sur la gauche se trouvait maintenant leur chambre, puis juste après deux chambres distribuées
de chaque côté du couloir. Marie posa la main sur la poignée de la porte de leur chambre.
Au moment où elle allait l'actionner, elle pensa que parfois sa fille et ses deux petites filles,
ou bien parfois juste ses petites filles venaient la visiter à l'improviste. Elle retira la main de
la poignée et à tâtons trouva la porte située juste après sur le même côté. C'était la chambre
de sa fille Béa, qui y dormait à l'occasion avec Youna, la plus jeune de ses petites filles.
Elle ouvrit la porte, comme elle s'y attendait il y avait des flammes dans la chambre, pas très
importantes encore. Disposées un peu partout encore une dizaine de bougies allumées.
Mais qu'est-ce qui se passe ici, je n'ai jamais vu un incendie se comporter ainsi, et c'est quoi
toutes ces bougies. Mais qu'as tu fait Jean. Bon le plus important personne à l'intérieur. Faisant
demi tour elle referma la porte, comme ce fut le cas dans les autres pièces celle ci s'embrasa
immédiatement. Elle ouvrit celle d'en face qui fut celle de son fils Jan-Philippe, c'est bien Jan
et pas Jean, héritage de Jan son mari décédé quelques années plus tôt. Combien de fois ne
s'était-il pas fait disputer enfant à l'école au prétexte qu'il ne savait pas orthographier
son prénom. Dans cette chambre dormait lorsqu'elle était là sa petite fille aînée Maéli, seule
ou parfois avec son amoureux Erwan. Ce qu'elle découvrit ne l’étonnât pas, des flammes
pas très importantes et des bougies allumées encore et encore. Il n'y avait personne à
l'intérieur au grand soulagement de Marie. Elle ne perdit pas plus de temps, referma la porte.
A l'intérieur il se passa immédiatement la même chose que dans les autres pièces.
Voilà il ne reste plus qu'une pièce, leur chambre. Marie bien que non croyante pria pour que
Jean ne s'y trouvât pas. Elle posa la main sur la poignée, après un instant d'hésitation
l'actionna, la porte s'ouvrit avec le grincement habituel. Jean avait toujours connu les
portes de la maison grincer et celle de la chambre plus encore que les autres. La porte était
à demi ouverte lorsqu'elle entendit Patrick dans sa radio. Marie on est en place, dans
quelques secondes on coupe le courant et on va commencer à arroser. Tu as trouvé
quelqu'un ? Patrick répondit-elle c'est dingue il y a du feu partout même au sous sol, je n'ai
jamais vu ça. J'ai tout visité hormis le sous sol, pas pu, trouvé personne, je n'ai plus que la
chambre. J’ai peur de ce que je vais découvrir. Dépêche toi et sors dit Patrick, vu de dehors
on a l'impression que la toiture ne va pas tenir longtemps. On va arroser à fond, on va se
concentrer au niveau de la chambre et tenter de te donner un peu de temps. Merci Patrick,
Marie finit d'ouvrir la porte, la lumière qui était allumée s'éteignit juste à ce moment là.
Ça y est les copains viennent de couper le courant et vont commencer à projeter des tonnes
d'eau sur la maison. Elle découvrit alors un spectacle étonnant, la pièce était fraîche et pas
une seule flamme à l'intérieur hormis celle de la dizaine de bougies éparpillées dans la
chambre. De la musique jouait doucement, elle reconnut immédiatement le disque de jazz
cool qu'ils aimaient écouter. Il planait un parfum qu'elle aurait reconnu entre mille, son parfum,
Coco, un parfum de Chanel. La fenêtre était fermée et chose étonnante alors que pas une
flamme n'était présente à l'intérieur, à travers les vitres il voyait le volet fermé complètement
embrasé, c'est bizarre se dit-elle, on dirait comme une barrière pour interdire une entrée
de l'extérieur.Elle tourna alors lentement la tête vers la gauche, vers le lit. Jean était là,
allongée sur le dos, le visage dépassant à peine de sous la couette, ainsi qu'elle aimait faire
et lui avait appris. Il semblait dormir, les traits relâchés qui donnaient une sérénité à son visage
qu'elle ne lui avait jamais connu. Ce qu'il était beau, des millions de fois elle le lui avait dit,
des millions de fois il le lui avait dit et des millions de fois l'un et l'autre répondaient par une
pirouette, oui comme une poubelle, oui mais de loin, tu devrais changer de lunettes...
Mais cela n'empêchait pas Marie de lui dire et redire, et Jean idem. Elle sut immédiatement
qu'il ne dormait pas, au fond d'elle, elle le sut à la seconde ou Michel lui avait dit soixante et un
rue du faubourg de France. A cet instant la radio se mit à crachouiller, Marie, ça va ?
Tu l'as trouvé ? Dehors on arrose, je te jure on arrose, mais je n'ai jamais vu ça, toute l'eau que
l'on peut déverser n'a aucun effet sur les flammes, aucun je te dis, je n'ai jamais vu ça.
C'est rien Patrick, il n'y a rien que vous puissiez faire, c'est de la magie, ce qui se passe ici est
de l'ordre de la magie. Oui je l'ai trouvé, il est dans le lit, il semble dormir mais je sais qu'il est
déjà parti. Je te rappelle. Elle ôta son casque F1, le posa à terre et s'approcha lentement.
Elle le découvrit un peu, il était nu, bien sûr ils dormaient toujours nus. Elle disait toujours
je dors nue vêtue seulement de mon parfum. Elle essaya de sentir sa respiration, lui prit le
pouls, rien, son corps était encore chaud mais ne présentait aucun signe de vie. Mais tu n'est
pas médecin se dit Marie, tu sais qu'en tant que pompier tu n'as pas le droit de déclarer que
quelqu'un est mort, seul un médecin est habilité à le faire. Peut-être peut-on encore le sauver,
il me suffit d'ouvrir la fenêtre, faire exploser les volets en flammes et puis solliciter l'aide des
collègues pour attraper le corps de Jean et enfin sortir. Mais sa décision était prise, elle avait
trop d'expérience pour ne pas reconnaître la mort si elle la croisait, et ce soir serait son dernier
rendez vous avec lui, elle allait rester avec Jean. Elle se débarrassa de son ARI et le laissa
retomber au sol. Sa lourde tenue de pompier le rejoignit, suivie de peu par ses rangers.
Enfin allégée, Elle s'assit sur le bord du lit et ferma le yeux. Elle respira lentement et
profondément pour faire baisser son rythme cardiaque et faire descendre le stress.
Ses pensées se mirent à vagabonder et elle se mit à penser à tout ces moments heureux
passés ensemble. Elle se remémora le soir où ils ont fait l'amour pour la première fois,
c'était à l'hôtel Les volets Bleus, ce n'était pas le nom de l'hôtel mais c'est ainsi qu'ils l'avaient
nommé. Après l'amour ils avaient dîné au restaurant de l'hôtel, un bon repas arrosé d'u
bon vin, il y passait de la musique en sourdine, du jazz. Les larmes lui montèrent aux yeux à
l'évocation de ces bons moments qui ne reviendront jamais. Jean mon amour pourquoi ?
Ils s'aimaient d'un si grand amour. Les souvenirs lui remontaient comme des flash, Granville,
le bord de mer, la plage la nuit, Colmar, l’Alsace, il faisait si chaud, les bières fraîches en
terrasse, et puis visite de ces magnifiques villages alsaciens, l'amour la nuit sur une place au
bord d'une fontaine. Les souvenirs se précipitaient dans la tête comme un maelstrom, Toulouse,
le charmant petit hôtel familial, Toulouse ville de Claude Nougaro qu'elle aimait tant.
Comme dans une valse effrénée les images se bousculaient dans la tête, un bon vin dégusté
dans sa cuisine, un concert magique de Bernard Lavilliers, un picnic, elle adorait pique-niquer,
bien plus que d'aller au restaurant. Et puis pêle-mêle des souvenirs de sorties au cinéma,
au théâtre. Les images défilaient si vite qu'elle n'arrivait même plus à les identifier.
Tout à coup le film sembla se figer, sur l'écran noir de ses yeux fermés elle lit en grosses
lettres blanches Aix les Bains, le lac du Bourget. Ils ont fait deux séjours à Aix les Bains.
Ils ont vécu là une soirée magique, et ce n'est pas juste un mot parfois un peu galvaudé.
Non, quelque part un magicien avait du œuvrer pour faire de leur soirée un moment unique.
Ils s'étaient rendus au bout du bout du lac pour un concert de musique jazz à la nuit au bord
de l'eau. Rendus sur place quelque chose leur avait moyennement plu de ce concert.
Il y avait un petit port dans le village, et ils décidèrent plutôt de pique-niquer sur un des bancs
installés sur la jetée. Jean s'était occupé de la musique grâce à son smartphone, ils avaient
mangé, bu, écouté de la musique et dansé. Plus tard dans la nuit, le concert de jazz terminé,
il y avait une petite plage de galets tout près d'un restaurant avec vue sur la lac. Marie avait
couru vers la plage , le temps que Jean arrive elle s'était déjà mise à nu laissant ses vêtements
en tas et faisant fi des quelques client encore présents dans le restaurant et qui pouvaient très
bien les voir. Jean se mit à nu également et la rejoignit dans l'eau, il était un bien piètre nageur,
mais heureusement l'eau était peu profonde, d'ailleurs Marie ne nageait pas mieux. Moitié
nageant, moitié marchant se faisant mal parfois sur les cailloux jonchant le fond, ils parvinrent
jusqu'au flotteurs délimitant la zone de baignade. Marie passa les flotteurs et voulu qu'il vienne
la rejoindre de l'autre côté, il avait toujours pensé qu'elle était alors une sorte de sirène et avait
voulu l’entraîner dans son domaine au fond de l'eau pour y vivre un amour éternel. Jean réussit
à la convaincre de revenir sur la plage et leur soirée s'était poursuivie.
Quelque chose venait de changer dans la pièce, Marie perdue dans ses pensées ne le remarqua
pas immédiatement. Émergeant de ses pensées elle prit conscience que la musique avait
changé, Florent Pagny qu'elle adorait et sa chanson la Solitude avait remplacé le jazz.
Elle se dit au fait d'où vient la musique, mes collègues ont coupé le courant, et puis elle vit posée
au pied du lit la tablette Samsung qui était sa compagne indispensable à la maison, c'est d'elle
que provenait la musique. Elle continua à détailler la pièce, ce qu'elle n'avait pas vraiment fait
depuis son entrée. C'est étonnant se dit-elle il n'y a toujours pas de flammes, hormis le volet
dehors qui continue de brûler mais sans sembler se consumer, et la température dans la
chambre est toujours fraîche. C’est ainsi qu'elle vit posé sur le chevet un verre à pied ayant
contenu une boisson, mais ne restaient que quelques traces de rouge au fond, le verre était vide.
Marie tourna la tête et vit sur le chevet de son côté un autre verre à pied, lui plein de ce qui
semblait être du vin. Puis elle vit posé sur le petit meuble en face du lit une bouteille de vin rouge.
Elle s'approcha, prit la bouteille pour voir l'étiquette, une bouteille de côte du Rhône,
un Côte-Rôtie La Mouline 1995, un excellent millésime, un vin à cinq cent euros la bouteille.
Elle avait découvert ce vin le Noël précédent, Jean n'avait pu être là, c'est son ami Thierry qui avait
apporté deux bouteilles pour le réveillon, pas ce millésime je pense. Elle lui avait dit que ce vin
était quelque chose d'exceptionnel et qu'un jour elle lui ferait découvrir. Il semble bien que ce jour
soit arrivé amour pensa-t-elle. Elle alla chercher son verre, mon amour je ne vais pas trinquer
avec un verre vide, emplit le verre de Jean puis fit tinter les deux verres. Elle porta son verre à
son oreille approcha l'autre de l'oreille de Jean. Ce soir les verres contrairement à l'habitude où
la vibration s'éteignait au bout de cinq à huit secondes, continuèrent de vibrer pendant plus de
trente seconde. Quelle douce musique, c'est divin, c'est du vin, c'est du vin divin pensa-t-elle.
Elle prit une gorgée et se mit à mâcher le vin comme elle avait appris à Jean à le faire,
puis l'avala, aussitôt elle ressentit l'âpreté lui emplir la bouche, maintenant que tes papilles
sont réceptives reprend ton verre, prend le temps de le sentir et puis reprend une gorgée
aurait-elle dit. C'est ce qu'elle fit, et bon sang merci Jean, ce vin était tout simplement le meilleur
qu'elle ait jamais goûté. Prenant le temps de déguster et trinquant avec Jean entre deux
gorgées, elle vida tranquillement son verre. Tout en buvant elle réfléchit, tout était clair
dans sa tête. Elle alla chercher une feuille de papier et un stylo et se mit à écrire, cela ne prit
pas longtemps car elle savait exactement ce qu'elle allait écrire. Quand elle eut terminé, elle plia
la feuille en deux et écrivit dessus, pour Béa et Jan-Philippe. Puis elle mit son casque F1,
il lui fallait parler à Patrick. Bon sang que fais tu Marie, que se passe-t-il la dedans, cela fait trois
heures que j'essaie de te parler, désolé Patrick j'avais retiré mon casque,
comment ça trois heures ? Ben oui ça fait trois heures qu'on est là dehors avec nos lances,
on a déversé des mètres cubes d'eau et cela ne fait aucun effet aux flammes.
La maison s'est effondrée à part la chambre qui est toujours debout, mais d'énormes flammes
continuent d'entourer ce qui reste de la maison. J'ai jamais vu ça,je n'y comprends rien.
Je t'ai déjà dit Patrick il n'y a rien à comprendre, c'est de la magie. Bon je t'appelle pour te dire
que cela a été un honneur de t'avoir pour ami. On aura quand même eu du bon temps. Tu as
je pense compris que je ne ressortirai pas vivante, je m'en vais, je vais retrouver Jean.
Ne dis rien s'il te plaît, tu ne pourras pas me faire changer d'avis. Quand tout cela sera fini
tu trouveras dans mon casque F1 que je vais entourer avec ma veste une lettre que j'ai écrite,
récupère la discrètement, elle est pour mes enfants, je l'ai marqué dessus. Adieu mon ami,
tu diras aussi à tous les collègues que j'ai eu plaisir à travailler avec eux. Autre chose aussi,
je ne veux pas de cérémonie pompeuse avec de beaux discours dispensés par des officiels le
petit doigt sur la couture, c'était un grand pompier... mort en action... on ne t'oubliera pas...
blablabla, non je ne veux pas ça, et d'abord on ne peut pas dire que je sois mort en action,
mes amis eux ne m'oublieront pas je le sais. Elle coupa la radio, ôta son casque, mit dedans
la lettre qu'elle avait écrite et l'entoura avec sa veste épaisse, on ne sait jamais il faut protéger
la lettre. Elle avait confiance Patrick récupérerait discrètement la lettre et la ferait parvenir
à ses enfants. Et c'est bien ce qu'il fit. Mon amour je t'avais dit que où tu iras j'irai, même si
c'est en enfer. Voici j'arrive, je te retrouve dit-elle en s'adressant à Jean en lui tenant une main
serrée dans les deux siennes. Combien d'heures, de dizaine d'heures ont-ils passé à se tenir
les mains surtout lorsqu'ils étaient en voiture, Jean conduisait et Marie aimait lui prendre la main
à ce moment là. Ensuite elle se déshabilla, se mit à nu, pliant ses vêtement et les déposant
sur une chaise. Il s'allongea près de Jean, et le contempla une nouvelle et dernière fois, que
tu est beau Jean, il lui sembla entendre un chuchotement à son oreille, oui comme une poubelle.
Elle se mit à sourire et se glissa sous la couette à côté de Jean. Elle fit remonter la couett
jusqu'à leurs yeux, c'est ainsi qu'elle aimait être, parfois même la tête totalement couverte.
Elle ferma les yeux et s'endormit.
Dehors ses collègues se demandaient ce qu'il fallait faire, ils avaient beau arroser rien n'y faisait,
le feu ne faiblissait pas, impossible d'approcher. Il ne restait debout donc que la chambre,
le reste de la maison s'était donc écroulée et ce n'était plus qu'un amas de gravats mais des
flammes de quatre à cinq mètres continuaient d'en jaillir. La chambre également était
complètement cernée de flammes aussi hautes mais personne ne comprenait ce qui pouvait
bien brûler. Au bout de plusieurs heures et comme l'incendie ne prenait pas d'extension,
Michel décida d'arrêter les lances. Il laissa sur place le CCR ainsi que deux volontaires pour
surveiller la situation et prévenir si elle évoluait. Évidemment Patrick s'était porté volontaire,
il devait récupérer une lettre. Le feu dura sept ans, deux mille cinq cent cinquante sept jours
et deux mille cinq cent cinquante sept nuits. C'était le temps qu'avait duré leur amour, du côté
des vivants bien sûr car leur amour était éternel. Patrick resta là tous les jours, il ne voulait pas
courir le risque que quelqu'un d'autre entrât avant lui, il dormait sur place, avec instruction
absolue à son collègue présent avec lui de le réveiller. Personne ne comprenait son acharnement,
et on tenta de lui faire entendre raison et de rentrer chez lui. Ce feu éternel comme on l'avait
nommé était devenu une curiosité locale, puis nationale, et même internationale, que ce soit
de jour ou de nuit il y avait toujours des badauds pour venir se faire photographier devant
la maison en flammes. Il y eut aussi des journalistes, des chaînes de télévision faisant des
directs, des scientifiques chargés de trouver une explication à ce feu éternel. Bien sûr cette
foule charriait également son lot de charlatans, de prédicateurs de toute sorte, d'hommes
politiques en mal de notoriété, le pape avait même dépêché un exorciste. L'armée évidemment
s'en était mêlée, mais peine perdue, dès que quelqu'un tentait de s'approcher de ce qui restait
de la maison les flammes redoublaient d'intensité et la chaleur se faisait si forte qu'il fallait
battre en retraite, même avec une tenue anti-feu des plus efficaces. On avait également tenté
de survoler la maison avec un drone pour tenter des observations, mais alors une colonne d'air
d'une température extrême monta de la maison et détruisit instantanément l'intrus.
Ironie, Marie qui avait une aversion pour les asiatiques aurait été en rage de voir des Japonais
et des Chinois venir par bus entiers voir cette curiosité.
Cet événement fit beaucoup pour la notoriété de Bourmont et pour le commerce local. Pour Julie,
une amie de Marie, la petite Julie comme elle l'appelait, qui venait de reprendre le café de la gare,
ce fut une aubaine pour le démarrage de son activité de bar restaurant. Les femmes se
précipitaient au salon de coiffure de Nadia, Nadia qu'avait formée Marie comme apprentie.
Elle y travaillait encore un jour et demi par semaine, je ne vous avais pas dit Marie était retraitée
de la coiffure. Elle était également proche de la retraite des pompiers ,elle avait été pompier
volontaire pendant vingt sept ans.
Jonathan Haselvander, maire de Bourmont finit par prendre un arrêté municipal afin de contrôler
les allées et venues rue du Faubourg de France, car cela devenait vraiment trop pénible pour
les habitants. Et puis le temps passant, les choses commencèrent à se tasser, au bout d'un an
les visiteurs se faisaient de moins en moins nombreux au grand bonheur des habitants.
Patrick commença à douter, cela faisait maintenant plusieurs années, mais Marie lui avait
demandé, c'était son amie, il lui avait promis. Il continua donc jour après jour, nuit après nuit
à tenir son rôle de vigie. Parfois surtout la nuit lorsqu'il n'y avait nul autre que lui, il s'approchait
de la semi-ruine, il ne pouvait pas trop s'approcher car la chaleur devenait alors insupportable.
Et tendant l'oreille il lui arrivait d'entendre des éclats de rire, des tintement de verre, et parfois
des râles d'amour. Il ne pouvait imaginer la puissance de la magie à l’œuvre, vous non plus
d'ailleurs, et ne comptez pas sur moi pour vous en dire quoi que ce soit. Le deux mille
cinq cent cinquante septième jour si je puis dire, parce ce fut en fait la deux mille cinq cent
cinquante septième nuit, aux alentours de trois heures du matin le feu prit fin, comme ça
instantanément. Patrick était éveillé, il avait dû avoir un pressentiment. Il s'approchait de la
maison lorsque cela se produisit. Vite mon masque et ma veste pensât-il, puis constatant que
plus aucune chaleur ne provenait de la maison il se précipitât dans les gravats pour accéder
à la porte de la chambre. Devant la porte il hésitât, que vais je trouver à l'intérieur ?
se demandât-il. Il posa la main sur la poignée et ouvrit la porte.
Ce qu'il vit le laissa vans voix. La chambre était propre, aucune odeur de fumée à l'intérieur .
Les murs étaient emplis d'écritures comme faites avec un énorme feutre. Il put lire ainsi
"Nous c'est pour de vrai, pas pour de faux, et pour toujours", "Dessine moi un mouton".
Il n'eut pas le temps de détailler plus, il n’avait pas le temps, et puis se dit que c'était indiscret.
Il s'approcha alors du lit, la couette était tirée jusqu'en haut, seuls dépassaient le sommet
du crâne de Jean et de Marie. Lentement il s'approcha et tira doucement la couette qui
lentement découvrit les visages des deux amoureux. Incroyable, cela fait sept ans qu'ils sont
la dedans et les corps n'ont subi aucune altération. Ils semblent simplement endormis,
et un sourire illumine leurs visages.
Tout alla très vite, il alla réveiller Mathieu qui était avec lui cette nuit là. L'ambulance qu'ils
avaient appelée est ensuite arrivée sans mettre sa sirène ni ses gyrophares, et en toute
discrétion ils évacuèrent les deux corps, avant que qui que ce soit ne puisse les voir.
Puis l'ambulance repartit tout aussi discrètement, conduite par Jésus en compagnie de
sa mère, les deux cafetières évoquées plus tôt, Jesus une amie de Marie et sa maman des
ambulances Smet, plus qu'une amie, elle la considérait presque comme sa fille.
Elle arborait un grand sourire, puis partit d'un grand éclat de rire tout en appuyant sur
l'accélérateur vers une destination secrète.
L'ambulance aussitôt partie, le feu reprit dans la maison, et personne hormis les quelques
uns et unes dans le secret ne surent jamais ce qui venait de se passer. Il brûla jusqu'au
matin et vers neuf heures trente il se produisit ce que les témoins n'ont pu décrire
autrement que comme une explosion silencieuse. Les flammes s'éteignirent et ne subsista
sur place qu'une fine couche de poussière
Patrick ainsi qu'il l'avait promis appela Béa la fille de Marie et lui remit la lettre
écrite par sa mère. L'affaire fit grand bruit et chacun y alla de sa théorie.
Dans sa lettre Marie demandait à ses enfants d'accéder à sa demande.
Bien sûr sa demande était un peu spéciale, après tout Jean n'était rien légalement pour Marie,
simplement son amour. Après avoir beaucoup discuté, Béa et Jan-Philippe,
et puis Maéli et Youna qui voulurent absolument donner leur avis, d'accord avec la demande
de Marie s'occupèrent des détails pratiques pour y accéder.
Ce ne fut pas si facile, mais avec l'aide de Jonathan Haselvander maire de Bourmont, et en
toute discrétion, ce qui resta un secret que partagèrent très peu de personne.
Un matin à l'aube avant que la ville se réveille, ils se retrouvèrent tout en haut de Bourmont,
dans ce magnifique parc, le Parc des Roches. Ils avaient déjà repéré un endroit dégagé avec
une vue magnifique sur la vallée de la Meuse, et c'est là qu'ils plantèrent une urne-arbre avec
dedans le cendres mêlées des deux amoureux. Ne me demandez pas comment ils ont pu
être crématisés, en secret et toute illégalité pour sûr.
Quelques années plus tard, l'arbre avait commencé de pousser. Des botanistes passant
par là s'étonnèrent de cet arbre qu'ils n'identifièrent pas. En effet cet arbre était une espèce
nouvelle, il avait un double tronc enroulés l'un sur l'autre avec de belles feuilles bleues
et blanches, et finement ourlées de noir. Le même bleu dont Marie aimait se parer les ongles,
et le noir qui était la couleur, oui pour elle le noir était bien une couleur, des vêtements
qu'elle portait, et puis le blanc pour la chevelure de Jean. Sous terre les racines étaient
étroitement mêlées et enroulées.
Pour éviter que ceci s'ébruite et que des scientifiques n'accourent, je dus leur raconter
cette histoire. C'étaient des hommes honnêtes et ils firent la promesse d'oublier ce qu'ils
avaient vu et de n'en jamais parler à personne. Depuis je dois redoubler d'attention pour
protéger cet arbre magique. Cette histoire s'est déroulée il y a plus de cent ans, l'arbre
est maintenant magnifique, ce n'est pas un arbre immense qui dépasserait tous les autres.
Non c'est un arbre de taille moyenne,
Ils n'étaient pas prétentieux et préféraient vivre leur éternité d'amour en toute discrétion.
Depuis tout ce temps ma mission en tant que gardien de l'arbre est de veiller sur eux.
Si vous venez à passer par Bourmont, montez jusqu'au Parc des Roches, peut-être pourrez
vous le voir. Je dois vous prévenir que seul les cœurs purs, seuls les amoureux pourront le voir.
Cet arbre est maintenant protégé par un charme le rendant invisible aux autres.
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