« Tu n’es pas obligé de faire ça, la tristesse est une chose, mais prendre une telle décision, sans me consulter, t’embarquer avec notre demi-frère bâtard sans me l’annoncer… »
La voix de Wollert Van Thorn, Comte de la cité état d’Eldyn, l’un des douze joyaux de la couronne Impériale de Lyrie se perdit, tandis que son jeune frère Luther plongeait de nouveau son regard dans le petit carré de linge pastel. Le mouchoir de la Comtesse Alexandria n’était qu’une petite chose insignifiante, surtout pour Wollert, mais pas pour lui. La couleur abricot du petit carré de soie s’était fané avec le temps, mais le souvenir de la main blanche et faible de la comtesse, serrant le tissu toujours imprégné de décoctions pour l’aider à respirer lui serra à nouveau le cœur. Alexandria ne souffrait plus. Un frisson parcourut l’échine du jeune homme qui détourna un instant le regard du mouchoir pour contempler son fringant navire amarré au Port Thorn. Le Rugissant, était certainement le plus beau trois-mâts de tout l’empire.
« Luther, s’impatienta la voix glaciale de son frère, tu ne peux pas quitter la cité comme ça !
- Si je le peux, rétorqua le jeune homme en posant son regard bleu saphir sur son frère, et je le dois. L’Empereur m’a donné son accord et espère beaucoup de mes futures explorations.
- L’Hirisse est une substance dangereuse, que feras-tu si ton navire se retrouve face à une île céleste ? Face à des pirates ? Ou encore face aux monstres qui hante le Sud du continent Assariannique ? »
Luther étudia le visage de son frère. Les traits bouffis et rougeauds du nouveau comte étaient sincèrement tordus d’inquiétude. Wollert n’avait jamais été seul et sa nouvelle charge l’angoissait terriblement. Ce n’était pas son épouse, Méryl qui allait le soutenir et l’accompagner dans sa tâche. Leur mariage arrangé n’était qu’une source plus ou moins continue de conflits et de misère. Luther soupira. Sans vraiment réfléchir, il saisit son frère par les épaules et le serra contre lui.
« Tu es un excellent Comte, meilleur que notre père, souffla Luther en s’écartant après un long moment. Notre mère serait très fière de toi.
- Merci, souffla Wollert sincèrement touché, s’il te plaît Luther, change d’avis, reste avec moi, j’ai besoin d’une personne en qui je puisse avoir confiance.
- Non, désolé mais non. Je dois apprendre à ne plus vivre dans ton ombre, à faire mes propres choix. Je ne veux pas d’une vie d’intrigues de couloirs et de mariages arrangés.
- Mais enfin ce n’est pas…
- Si ça l’est, le coupa Luther d’un ton plus ferme en se donnant toutes les apparences d’une détermination qu’il n’avait pas, je ne veux pas être enfermé et utilisé comme un pion par toi, l’Empereur ou qui que ce soit. Je veux être le capitaine de ma propre destinée.
- Luther, tu as dix-huit ans, notre mère vient de mourir, laisse-toi le temps, si dans deux mois tu as encore envie de voyager je pourrais toujours te placer sur l’un des navires marchands de la flotte. »
Luther soupira et regarda son frère avec compassion. Il comprenait son angoisse mais un rapide coup d’œil à l’horloge lui apprit que le Rugissant était en train lever l’ancre. Adam avait dit dix heures et Luther connaissait sa ponctualité légendaire. Il secoua la tête et embrassa à nouveau Wollert qui s’était laissé embarqué dans un nouveau discours sur l’importance des responsabilités. Serrant plus fort le mouchoir abricot d’Alexandria, Luther ramassa son paquetage et se précipita hors des murs du Comptoir de la flotte d’Eldyn. Il descendit les marches de marbre blanc et s’engouffra sur le quai, les gardes de son frère à ses trousses. Difficile de se fondre dans la masse avec son uniforme flambant neuf et sa redingote bleue, mais sa jeunesse et sa rapidité eurent raison de ses poursuivants. Il grimpa à toute vitesse sur le pont du trois-mâts à la coque noire et aux voiles carrées d’une blancheur de craie.
« Larguez les amarres lança-t-il avec le peu de souffle qu’il lui restait devant les regards ahuris de l’équipage.
- Hé bien, je vois que Wollert a très bien pris ton départ, constata ironiquement Adam en sortant de la cabine du capitaine.
- Capitaine, le salua Luther en inclinant la tête.
- Petit frère », répondit l’homme au sourire sardonique.
Le bateau quitta le port avec lenteur. La vision de la Cité aux murs rouge serra le cœur de Luther, qui, instinctivement sorti le carré de soie de sa poche. Le visage doux et pâle d’Alexandria lui adressa un sourire tendre depuis sa mémoire lorsqu’il constata qu’il avait déjà réussi à froisser le précieux tissu. Il savait au fond de lui que partir était le bon choix. Il ne pouvait pas rester à pleurer une mère dont il ne parvenait pas à faire le deuil entre les murs du palais. Mais regarder sa cité s’éloigner doucement raviva cette langueur mélancolique que la préparation du voyage avait réussi à apaiser.
« Elle fera toujours partie de toi, dit Adam, les yeux rivés sur l’horizon. C’est bien que Wollert t’ai donné son mouchoir favori, c’est important de conserver quelque chose.
- Oui, oui sans doute, articula péniblement Luther la gorge serrée.
- Quand tu seras prêt nous pourrons le coudre sur l’une des voiles du bateau, comme ça, Alexandria sera là pour te guider et tu ne risqueras pas de le perdre.
- Faisons-le maintenant, décréta Luther en fixant son regard sur son frère. Je serai triste, qu’il en soit ainsi, mais qu’Alexandria nous porte chance. Où irons-nous en premier ? »
Adam lui sourit. Il passa sa main d’ébène dans les cheveux blonds désordonnés de Luther, qui lui tendit le mouchoir. Le garçon était fort, plus que Wollert à n’en pas douter.
« Nous nous dirigeons vers l’archipel de Danzara pour ravitailler le Rugissant en eau douce et liquider un peu de marchandise. Ensuite…et bien tu le découvriras par toi-même. »
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