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Je n'avais que dix ans lorsque je touchai à mon premier ordinateur. Ce n'était pas une machine dernier cri, loin de là. C'était une vieille boîte grise, aux touches du clavier usées, abandonnée dans un coin du grenier. Mais pour moi, c'était une porte ouverte vers un monde que je ne comprenais pas encore, mais que j'étais déterminée à maîtriser.

En quelques mois, j'appris à manier le langage de l'informatique avec une aisance déconcertante. Ce qui n'était au départ que des jeux et des manipulations simples devint rapidement une exploration plus profonde des systèmes et des réseaux. À onze ans, j'écrivais déjà des petits programmes pour contourner les protections de certains sites. À douze ans, je découvris le concept de piratage, cette forme d'art secrète que peu comprenaient mais que beaucoup redoutaient. Le monde des données n'avait plus de secret pour moi, et c'était grisant.

C'est à treize ans que je fis mes premières incursions dans les méandres du Dark Net. Cet univers sombre et sans règles me fascinait. Derrière l'anonymat des pseudos, je rencontrai des hackers chevronnés, des individus aux compétences redoutables et aux motivations variées. C'est là que je fis la connaissance des Shadow Zero, un groupe mythique de pirates informatiques qui ne reculaient devant rien. À chaque attaque qu'ils menaient, ils laissaient une empreinte indélébile, un chaos numérique que les gouvernements et les entreprises mettaient des mois à réparer.

Les membres du groupe me remarquèrent rapidement. Ils virent en moi un potentiel immense, une soif de savoir et une absence totale de peur. Ils me testèrent, me demandant d'infiltrer un petit réseau pour prouver mes compétences. Je m'en sortis avec brio, désarmant des pare-feux complexes, effaçant mes traces avec une habilité digne des plus grands. À seize ans, j'étais devenue officiellement l'un des membres les plus jeunes et les plus prometteurs des Shadow Zero.

Les attaques menées par le groupe au cours des années suivantes firent trembler le monde numérique. Des millions de données volées, des entreprises mises à genoux, des gouvernements contraints de réviser leurs systèmes de sécurité. Moi, sous mon pseudo Trinity, me forgeais une réputation redoutable. J'aimais cette sensation de contrôle, d'être une ombre que personne ne pouvait capturer, un esprit libre, capable de manipuler l'invisible.

Mais ce monde ne pardonne pas l'erreur.

À vingt ans, je commis la faute qui allait changer le cours de ma vie. C'était une mission comme tant d'autres, un piratage d'une multinationale de la tech. L'objectif : récupérer des brevets confidentiels pour les revendre sur le marché noir. C'était censé être rapide et propre. Mais dans ma précipitation, et peut-être à cause de la fatigue que j'accumulais depuis quelques jours pour la mise en place de ce piratage, j'oubliai un détail crucial. Un script, une simple ligne de code non effacée, qui me reliait directement au réseau de l'entreprise.

En quelques jours, le FBI remontait ma piste, traquant l'adresse IP jusqu'à mon appartement. La descente fut brutale. Je me souviens encore de la porte défoncée, des agents en uniforme, des armes braquées sur moi alors que je n'avais même pas eu le temps de fermer mon ordinateur.

À l'interrogatoire, je savais que le jeu était terminé. La prison était mon avenir si je ne coopérais pas. Mes anciens alliés des Shadow Zero n'avaient pas laissé de traces, mais moi, Trinity, venais de me faire attraper.

Le marché qu'on me proposait était simple : livrer mes complices ou passer le reste de ma vie derrière les barreaux. Après des jours de réflexion, je me résignai. La fatigue, la peur que je ressentais pour la première fois de finir dans une cellule, coupée de tout, de ma vie, de ma liberté, eurent raison de ma décision. Je fournis des informations, mais pas de nom, règle d'or, et quand bien même je ne les connaissais pas, des accès, des localisations suffisamment précises pour retrouver les membres des Shadow Zero et les démasquer. En échange, le FBI m'offrit une chance de rédemption : je travaillerais pour eux. De criminelle recherchée, je passerais à agente sous couverture, traquant les mêmes personnes avec lesquelles j'avais jadis fait équipe.

C'était un choix pragmatique, une survie nécessaire. Mais ma culpabilité me rongeait. Trahir les Shadow Zero n'était pas une décision facile, même si je savais qu'ils n'auraient pas hésité une seconde si les rôles étaient inversés.

La traque qui suivit fut implacable. Grâce aux informations que je leur avais fournies, le FBI commença à démanteler le réseau. Des serveurs furent localisés et saisis, des membres arrêtés dans plusieurs pays. Le leader du groupe, connu sous le pseudonyme de Phantom, disparut dans la clandestinité avant que les autorités ne puissent mettre la main sur lui, mais beaucoup de leurs têtes furent capturées. Les Shadow Zero n'ont plus jamais fait parler d'eux après ça.

Aujourd'hui encore, je me demandais s'ils savaient d'où venaient les informations.

Cinq ans plus tard, j'étais une tout autre personne. Mes talents servaient désormais à protéger plutôt qu'à détruire. Mais quelque chose, au fond de moi, restait brisé. Chaque ligne de code, chaque système que je renforçais me rappelait qui j'avais été et ce que j'avais perdu.

Mais aujourd'hui, devant mon écran, je sentais que le passé que je croyais avoir enterré était en train de refaire surface.

Je me frottai les yeux, comme pour effacer les souvenirs qui continuaient de flotter à la surface de mon esprit. Le passé, que j'avais essayé de laisser derrière moi, revenait toujours me hanter, comme une vieille blessure mal cicatrisée. Mais je n'avais pas le luxe de m'y attarder. En tant qu'ancienne criminelle reconvertie, je savais que le monde de l'informatique évoluait à une vitesse folle. Je ne pouvais pas me permettre une seconde d'inattention.

Je repoussai doucement ma chaise, laissant mon regard se perdre un instant sur l'écran. Le calme semblait revenu après la série d'attaques, mais mon instinct me soufflait que ce n'était qu'un répit temporaire. Mes doigts se posèrent sur l'écran qui affichait toujours le dernier message.

"Ce n'était qu'un avertissement. Tu resteras Trinity pour toujours."

Le pseudonyme me frappa comme une gifle. Trinity. Le nom qui, des années auparavant, avait inspiré la peur et le respect dans le monde souterrain du piratage. Personne ne l'avait utilisé depuis que j'avais quitté les Shadow Zero. J'avais tenté de l'effacer de l'histoire, tout comme j'avais effacé mes traces. Mais là, sur mon écran, mon ancienne identité ressurgissait avec une menace à peine voilée.

Je restai figée un instant, le cœur battant. Qui pouvait être derrière ça ? Un ancien membre des Shadow Zero cherchant à me retrouver ? Un rival ? Ou pire, le FBI avait-il des soupçons sur ma loyauté ?

Je fermai brusquement l'ordinateur et me redressai. Le silence de la pièce devenait lourd, oppressant. Puis, dans cette atmosphère tendue, mon téléphone se mit à vibrer violemment sur mon bureau. Un coup d'œil à l'écran suffit pour reconnaître l'appelant. C'était le FBI. Ils m'avaient entendu. Bien évidemment, ils étaient toujours là.

— Ava, dit une voix calme mais ferme à l'autre bout de la ligne. Qu'est-ce qui se passe ? On t'a entendue.

Je serrai le téléphone un peu plus fort. Ils n'étaient jamais loin. Même après tout ce temps, ils surveillaient toujours chacun de mes mouvements.

— On a un problème. Quelqu'un essaie de me rappeler d'où je viens.

Un silence suivi de quelques clics de clavier me fit comprendre qu'ils étaient déjà en train d'analyser la situation. Je savais comment ça fonctionnait. Ils avaient accès à mes communications, à mes systèmes, à tout ce que je faisais. Je n'étais plus une ennemie, mais je n'étais pas non plus totalement libre.

— Tu penses que ce sont tes anciens complices ? demanda l'agent d'une voix plus grave.

J'hésitai. Je n'en étais pas certaine. Tout ça ressemblait à un piège, à quelque chose de plus vaste qu'une simple vengeance.

— Je n'en suis pas sûre. Mais ils ont utilisé mon ancien nom de hacker, Trinity. Quelqu'un sait qui j'étais. Je n'ai pas encore pu tout analyser, mais je ne pense pas que ce soit terminé.

L'agent prit une inspiration profonde.

— On va devoir intervenir. Reste en ligne, on t'envoie une équipe. Si quelqu'un te traque, on ne peut pas prendre de risques.

J'hochai la tête. J'avais l'impression de replonger dans une spirale que je pensais avoir laissée derrière moi. Une partie de moi se demanda si j'avais fait le bon choix en trahissant les Shadow Zero, si cette vie contrôlée par le FBI valait vraiment la peine. Mais je savais qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible.

Je déposai mon téléphone et mis mes AirPods pour pouvoir rester en ligne comme l'agent me l'avait demandé. Où veulent-ils que j'aille avec toutes ces caméras, franchement ? Je commençai à faire les cent pas dans mon appartement. L'air se fit plus lourd, et mes pensées tourbillonnaient. Si quelqu'un avait réussi à percer mes défenses, à entrer dans ma vie comme ça, cela voulait dire qu'ils étaient prêts depuis longtemps. Ils avaient attendu le moment parfait pour frapper. Et qui que soit cet adversaire, il connaissait suffisamment mon passé pour me déstabiliser.

Quand l'équipe du FBI arriverait, je serais prête. Mais quelque part au fond de moi, je savais que cette bataille ne se gagnerait pas avec des armes et des badges. La guerre à venir serait numérique, et peut-être plus personnelle que je ne l'aurais imaginé.

"Ce n'était qu'une avertissement"

Le message résonnait encore dans mon esprit.