Adhara ignorait comment elle était arrivé là. Pas que ce ne soit pas fréquent, mais d’habitude, elle avait au moins une idée des lieux qu’elle occupait. Ici, rien ne lui semblait familier.

Tout autour d’elle, la jugeait les yeux des morts, leur bouche crispée sous une couche de peinture et de vernis, les mots qu’ils essayaient désespérément de prononcer ne passaient pas la double barrière les séparant de l’air. Un long frisson parcourut l’échine d’Adhara, alors qu’elle réalisait lentement que tous ses visages étrangers la reconnaissait, l’appelaient, et qu’elle n’avait strictement aucune idée de qu’il s’agissait.

Dans un mouvement rendu lent par la mélasse de l’effroi, elle se releva du tapis froid sur lequel elle se trouvait agenouillée, et fit se faisant tomber un objet au sol, qui étincela faiblement à la lueurs des cierges. C’était un collier, une antiquité, à la chaîne en or oxydé et au joyeux d’émeraude ternie par le temps et le manque d’entretien. Adhara tendit la main pour le ramasser, sa paume frôlant à peine la surface verdâtre que les mains se refermaient sur ses amis, et les emportaient toujours plus loin, loin sous l’eau, et les cries résonnaient comme des craies sur des tableaux et le sang partout coulait de ses oreilles dans l’eau translucide l’eau du souvenir qui noircissait la pierre à ses pieds elle venait de perdre l’équilibre et de tomber les fesses la première.

Les sueurs froides s’étaient transformées en torrent glacées, sa robe blanche collait à sa peau, à son dos, à ses cuisses. Bon Dieu, c’était quoi ça encore ?? Elle sentait encore le monde tanguer autour d’elle, les portraits la fixaient avec une expression toujours plus horrifiée, elle en voyait certains qui commençait à taper contre leur cadre, leurs cris toujours emprisonnés dans une dimension à deux côtés.

Un sentiment d’urgence la saisit avec brusquerie, et elle se précipita vers un des cierges fichés au mur, l’attrapant pour vite vite vite faire le tour de la pièce, chercher la sortie de cette salle remplie de fantômes agressifs, sortir vers la lumière du jour, de la lune, que sais-je. Sa main finit par rencontrer le métal givré d’une poignée de porte, et d’un mouvement rapide elle tira, poussa grogna contre cette foutu poignée, et repoussa encore ce qui fit céder le battant de bois dans un grincement affreux. le bruit résonna très loin, des deux côtés du couloir immense dans lequel elle se trouvait désormais, et elle serra contre son cœur l’émeraude accrochée autour de son cou et une seconde, quand est-ce qu’elle avait ramassé le collier, il était encore par terre en quittant la pièce, ils la regardaient avec incrédulité. Elle aurait pu annoncé qu’elle était un alien que l’effet aurait été le même. Sans rien dire, elle attendait qu’ils réagissent, disent quelque chose. L’un d’entre eux fronça les sourcils, puis finis par soupirer.

« Enfin, qui t’a fais croire un truc pareil ? T’es malade elle allait être malade.

La nausée était apparue comme une vague, grimpant le long de son œsophage pour se glisser sur le bout de sa langue. Pliée en deux, elle contempla le sol capitonné, formant des vagues, des tourbillons, des spirales devant ses yeux embués.

Au loin, résonna le hululement sinistre du vent, qu’elle sentit bientôt sur son crâne, ébouriffant ses cheveux, séchant en une pellicule salé la sueur sur son corps. Le temps passa, le cierge gouttait contre sa main, chaud, et rappel douloureux de sa propre existence physique. Le tangage se fit moins dur. Toujours voûtée et tremblante, Adhara se mit à avancer à petits pas, dans le couloir. Bientôt, la porte disparut, et elle ne put que distinguer l’obscurité au devant et en arrière, un continuum de noirceur. Sur sa poitrine, on distinguait encore le collier, la pierre énorme, semblant absorber la lumière.

Dans la salle des portraits, les ancêtres souriaient avec amabilité, tristesse ou ennui, figé dans leur position, leur expression révélée par le doux feu de cheminée qui ronflait dans l’âtre. La fenêtre montrait le soleil d’automne se coucher à l’horizon.