La lumière tamisée des bougies baignait la salle des portraits d’une atmosphère pesante, accentuée par les différents portraits qui semblaient suivre chacun de ses mouvements. Les différents portraits, tantôt jeune, tantôt vieux, étaient imposants et vibrant de vie. Un frisson la parcourut. Elle ne devrait pas être là.

Elle voulut faire demi-tour parce que l’ambiance de cette pièce lui semblait trop lourde que pour pouvoir continuer à explorer le château mais la porte par laquelle elle était entrée… avait disparu.

Ana frissonna. Elle ajusta le collier qu’elle avait trouvé la veille dans la chambre du château où elle avait dormi après ce drôle de dîner auquel elle avait assisté. Elle le tritura pour se donner une contenance face à ces murs qui lui donnaient l’impression de se rapprocher encore et encore, pour la suffoquer. C’était un bijou ancien, elle ne savait pas trop pourquoi elle l’avait pris. Elle n’avait jamais rien volé de sa vie mais il l’attendait là, sur sa table de nuit, comme oublié volontairement. Elle l’avait passé autour de son cou, sans même y réfléchir une seconde.

Elle s’était endormie avec le collier et maintenant qu’elle y repensait, elle avait fait un cauchemar la nuit dernière qui ressemblait fortement à ce qui était en train de lui arriver.

Elle était enfermée dans une pièce. Elle était seule et pourtant elle avait eu l’impression que des milliers d’yeux la scrutaient.

Elle observa les portraits et leurs yeux peints de façon que, quoi qu’elle fasse, ils la suivent du regard. Peut-être que son rêve avait été prémonitoire ?

Une angoisse sourde monta en elle. Elle s’était réveillée et son cauchemar s’était fini. Elle n’avait pas dû réfléchir et trouver comment s’en sortir. Le silence de la salle ne fit qu’accentuer son mal-être.

Elle se força à souffler longuement pour réfléchir. Soudain, elle se souvint de son rêve de la nuit dernière. Une voix douce mais autoritaire lui avait murmuré juste avant qu’elle se réveille que le chemin vers la liberté résidait dans l’histoire.

Ce fut comme si une ampoule s’était allumée au-dessus de sa tête. Elle regarda les tableaux. Pour s’en sortir, elle devait les utiliser. Ils étaient la clef.

Elle s’approcha d’un premier tableau, un vieil homme à l’air sévère, et toucha doucement le cadre doré. Une décharge électrique la parcourut et la bouche de l’homme s’anima :

- Je suis Armand, le gardien des secrets. Folleto t’a piégée. Pour sortir d’ici, tu dois écouter et comprendre.

Elle hocha la tête, n’osant prononcer un mot, alors que ce spectacle surréaliste se déroulait devant elle et écouta attentivement son récit. Il parla de sa vie, de sa famille, chaque mot semblant tisser une toile invisible entre tous les portraits de la salle. Elle passa au suivant, une jeune femme aux yeux tristes, puis à un enfant et encore un autre.

Le temps semblait suspendu alors que ces tableaux dépeignaient leur vie devant elle. Chaque histoire ressemblait à une pièce de puzzle, une couleur a ajouté à une œuvre plus grande, un indice pour s’échapper mais elle n’arrivait pas encore à voir l’œuvre finie, l’issue de son calvaire.

La réponse vint du dernier portrait, une femme magnifique avec des yeux perçants : « Je suis Emma » dit-elle « Le collier que tu portes, le Collier Oublié, appartient à ma famille. Il te donne le pouvoir de voir au-delà des apparences, de comprendre les vérités cachées. Utilise-le. »

Ana ferma les yeux pour essayer de comprendre ce qu’elle devait faire. Elle n’arrivait pas à se concentrer avec les mille et un regards qui la fixaient. Elle inspira longuement et relâcha ses épaules, se laissant envahir par la magie du collier.

Chaque portrait, chaque histoire, formait une carte vers sa liberté. Les indices se rejoignaient pour révéler un message : « La vérité est dans le reflet. »

Elle ouvrit les yeux et se dirigea sans un regard pour les différents tableaux vers le grand miroir à l’autre bout de la salle. C’était un miroir sur pied, ancien et poussiéreux, qu’elle n’avait vu que grâce aux chandelles et cierges posés au sol tout autour.

Elle y vit les portraits tout autour d’elle, mais aussi un passage secret qui se dessinait. Le Collier Oublié scintilla intensément, illuminant le chemin.

Elle prit une grande inspiration et avec détermination, franchit le miroir, découvrant un couloir sombre qui menait hors de la Salle des Portraits. Dès qu’elle eut franchit totalement le miroir, celui-ci se transforma en mur derrière elle et elle entendit le rire amer de Folleto éclater et résonner sur les murs du couloir. C’était un ricanement aigre, presque un grondement animal, chargé de colère et de frustration.

Elle sourit : elle l’avait fait. Elle s’était échappée.