Une page perdue de l'univers 'Esoteriam'
Note de Grimm : Un défi donné par Feydra (écrire du point de vue d'un chat). Merci à Aihle S. Baye pour la relecture.
Les uns et les autres trouvaient ce binôme plutôt étrange, voir même effrayant.
Miss Tique, elle, le trouvait cocasse. Un shat sans poil et un squelette à parka beige associés pour combattre le crime, c’était à la fois peu commun et, d’un certain point de vue, plutôt sympathique. Surtout que Miss Tique n’était pas un shat comme les autres.
Quiconque s’aventurait à la traiter ainsi se voyait affublé d’un joli coup de griffe et d’un feulement bien senti : Miss Tique n’avait que la « forme » d’un shat avec ses oreilles pointues, sa queue gigotant et ses magnifiques yeux bleus. Alors certes, elle n’avait pas de poils mais sa peau rose tachetée de noir marquait les esprits.
L’âme de Miss Tique n’était autre que celle d’une ancienne sorcière pirate, autrefois sanguinaire et cruelle, prête à défier rois et reines, à se dresser contre l’infamie et à rougir les océans sur son passage. Quelques péripéties en appelant d’autres, la voici dans ce corps de félin, à « miaouter » pour parler (car, il fallait le savoir, Miss Tique ne miaulait pas : elle miaoutait ! Distinction importante dans son quotidien de shat qui n’était pas un shat…) et à porter ce doux nom de « Miss Tique ».
Elle n’avait eu d’autre choix que de s’y faire : même les plus emblématiques des spécialistes en métamorphose n’avaient pas réussi à lui faire retrouver un corps humain. Et il était désormais hors de question de s’apitoyer sur son sort.
Sa carrière en dépendait : Miss Tique était l’élément indispensable du groupe. Comment Georges, le squelette en parka beige qui se prenait pour une détective (oui, une, car Georges était une femme avant de n’être qu’un tas d’os ambulant... Pas n'importe quelle femme par ailleurs, mais pour le bien de la santé mentale de Miss Tique, nous nous concentrons sur l’histoire de ce shat qui n’en est pas un) réussirait à résoudre les mystères ésotériques si Miss Tique ne faisait pas tout le travail à sa place ? Nul ne le saura.
Et une carrière réussie était synonyme de croquettes à volonté. Georges remplissait ses gamelles, une tâche des plus utiles pour permettre à son associée d’être efficace et cohérente. Et Miss Tique ne crachait pas sur une bonne liqueur ambrée de temps à autre.
Miss Tique n’était pas un shat conventionnel donc ; mais être considérée comme tel lui offrait quelques avantages non négligeables. Observer, écouter, et étudier en toute discrétion sans être inquiétée. Obtenir des informations, traquer les criminels et surtout récolter des aveux sans avoir à trop insister : qui pouvait résister à un shat, après tout ?
Les comparaisons possibles s’arrêtaient ici : Miss Tique empruntait les toilettes comme tout être à deux pattes normalement constitué, ne ronronnait pas, ne se frottait pas et aiguisait ses griffes à l’aide d’une lime et non d’un griffoir. Tout un ensemble qui la différenciait vraiment – et surement – de ses bestioles à quatre pattes qui miaulaient.
C’était donc de la sorte (en shat qui n’en était pas un) que Miss Tique accueillait Georges quand elle rentrait dans leur appartement douillet. Et ce jour ne dérogeait pas à la règle : Miss Tique perçut clairement le son des chaussures du squelette alors qu’elle montait les escaliers de l’immeuble. Elle patientait déjà devant la porte quand les clefs trifouillèrent la serrure.
À la vue du squelette en parka, Miss Tique se redressa et miaula. Non, miaouta. Elle miaouta. En langage d’un non-shat, cela voulait dire « Alors la journée, tu as trouvé le criminel ? ». En langage félin, cela sous-entendait « ma gamelle est vide. J’ai faim ».
En bon squelette qu’elle était, Georges ne pouvait pas parler. Elle se contentait de l’observer avec ses orbites creuses, son étrange sourire éternel et sa figure couleur craie. Georges se pencha pour la caresser mais hop, Miss Tique se défila et se rendit aux gamelles en miaoutant. Faire le point sur une affaire en cours le ventre plein était tout de même recommandé.
Une fois sa portion avalée, prête à reprendre les discussions professionnelles, Miss Tique préféra faire un tour vers la liti… les latrines. Elle grattait, se soulageait et enterrait, le tout pour évacuer sa frustration d’avoir attendu tant de temps pour échanger autour de la situation.
Elle s’en retourna vers Georges - affalée sur le canapé en velours - s’étira et s’attela à parfaire sa miaoucure en s’agrippant au tibia du squelette (jambe droite, sa préférée). D’un geste fébrile, Georges l’éloigna. Loin de décourager Miss Tique, la petite shatte qui n’en était pas une sauta à son tour sur le sofa, entreprit de charmer le squelette avec un ronronnement des plus parfaits et s’installa sur ses fémurs cagneux.
Georges en profita pour poser sa paume sur la tête de Miss Tique. Le shat sentit la connexion s’établir ; communiquer par télépathie était le seul moyen efficace d’échanger quelques mots véritables. Elle ronronna davantage.
« Tu as dormi toute la journée, j’imagine ? »
Coup de poignard. Traitrise verbale.
Comment pouvait-elle l’accuser d’une chose aussi… réelle ? Vraie ? Georges devrait le savoir pourtant : Miss Tique n’était pas un shat. Elle se releva d’un coup, sans même répondre, lui montra ses fesses et déguerpit, bien trop vexée pour entamer une conversation sérieuse. Elle s’en retourna dans son panier, tournoya cinq à six fois avant de se coucher en boule et se rendormir, satisfaite de son petit effet félin.
La vie de shat avait du bon, quand même.
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